Skip to main content

S’il est un animal dont l’apparence nous rappelle que non ! Les dinosaures n’ont pas disparu et qu’ils sont encore parmi nous, c’est bien le Casoar ! Affichant jusqu’à 75 kg pour 1m80, les Casuariidés sont des poids lourds (à plumes) qui viennent challenger sans rougir les Autruches, considérées comme les plus grands oiseaux du monde. Qui est le Casoar, ce géant des forêts tropicales d’Océanie ?

Gros plan sur pattes et griffes d'un casoar
Des griffes qui semblent tout droit sorties de Jurassic Park ! ©PoldyChromos

Tout comme leur cousine l’Autruche, les Casoars sont incapables de voler. Originaires d’Australie et de Nouvelle-Guinée, il existe 3 espèces de Casoars : le Casoar à casque (Casuarius casuarius), le Casoar de Bennett (Casuarius bennetti) et le Casoar unicaronculé (Casuarius unappendiculatus).

Ne vous y trompez pas ! Ce sont de grands coureurs capables d’atteindre 50km/h et qui peuvent bondir jusqu’à 2m de haut! Une des spécificités des oiseaux inaptes au vol est qu’ils ne possèdent pas de bréchet (os sur lequel s’insèrent, entre autres, les muscles pectoraux nécessaires au vol) sur leur sternum.

Les oiseaux qui ne volent pas sont assez peu nombreux mais la plupart ont compensé cette spécificité évolutive par des aptitudes à la course (Autruche, Émeu, Nandou) ou à la nage (Manchot, Cormoran aptère) afin d’avoir une chance d’échapper à leurs prédateurs (l’exemple de la disparition du Dodo illustre parfaitement la problématique des oiseaux qui ne volent pas).

Difficile à observer, le Casoar est considéré comme un animal dangereux puisque ses pattes sont armées d’une griffe acérée d’une douzaine de centimètres, aussi efficace qu’un poignard. Si les attaques de Casoars sont rares (depuis 1900 on dénombre 150 attaques à l’encontre d’ humains dont 1 mortelle), elles n’en demeurent pas moins impressionnantes.

Comme bien souvent, ces attaques sont liées à des imprudences : 73% ont eu lieu alors que des humains tentaient de nourrir ces volatiles (ou que les oiseaux, habitués aux hommes venaient quémander), 22% ont eu lieu alors que l’oiseau tentait de défendre ses œufs, ses petits ou lui-même et 5% alors que le Casoar défendait sa nourriture. Enfin, lors de la seule attaque mortelle documentée, la victime tentait de tuer l’oiseau. La médiatisation de ces attaques a contribué à forger une réputation d’oiseau tueur au Casoar qui passe pourtant la plupart de son temps à gambader dans la forêt .

œuf de casoar
©Roger Culos

Animal solitaire, le Casoar ne supporte la compagnie de congénères qu’à la saison des amours (généralement de juin à octobre ).

La femelle, dominante, choisit le mâle avec qui elle s’accouple. Elle pond en moyenne 4 œufs, dont la couleur va du vert tendre à un vert assez vif, dans un nid au sol, construit par le mâle. C’est lui qui couve, puis s’occupe des petits sur une période d’un peu moins d’une année. Durant les 2 mois de couvaison et l’élevage des petits, la vigilance du mâle est accrue et il se montre plus agressif qu’à l’ordinaire.

Mets ton casque !

casoar à casque de profil avec son casque en kératine proéminent
© Stocklib / George Robertson

Particularité anatomique qui fait le charme du Casoar: son casque. Depuis des dizaines d’années le rôle de cette protubérance crânienne composée de kératine est l’objet de nombreuses hypothèses. Le casque dont la forme varie selon les individus et les espèces est aussi un repère quant à l’état de santé des oiseaux puisqu’à l’instar des Orques dont la nageoire dorsale s’affaisse lorsqu’elles sont captives, le casque des Casoars en bonne santé semble plus large et plus haut que ceux d’individus fragilisés.

Parmi les hypothèses les plus communément avancées nous pouvons citer le rôle esthétique afin de séduire un partenaire pour la reproduction. Cependant  aucune donnée concrète ne semble avoir été rapportée sur la façon dont le casque pourrait fonctionner en termes sociosexuels. Ensuite, l’implication du casque comme arme utilisée dans les conflits de territoire ou d’accès aux partenaires a été considérée mais la structure même de la crête, fragile et légère, rend ce rôle fortement improbable. Il est plus probable que le Casoar, comme la plupart des ratites (l’ensemble des oiseaux coureurs qui ont perdu la capacité de voler), donne des coups de pattes et de griffes lors des combats.

Autre fonction supposée : déplacer le feuillage et les détritus sur le sol de la forêt tropicale. L’utilisation du casque pour déplacer la litière de feuilles pendant la recherche de nourriture a été décrite par Folch en 1992 mais depuis, on ne trouve pas d’observation allant spécifiquement dans ce sens.

coupe d'un crâne et d'un casque de casoar à casque
©D Naish, R Perron

Enfin, un rôle de protection du crâne contre la chute de fruits ou une fonction d’outil semble aussi discréditée puisque la fragilité relative du casque plaide contre l’idée qu’il pourrait être utilisé régulièrement dans une activité vigoureuse comme frapper des branches.

Parmi les hypothèses les plus plausibles quant au rôle du casque des Casoars, deux semblent tirer leur épingle du jeu.

La première met en avant le rôle acoustique du casque. Les forêts tropicales peuvent être des endroits très denses où la vision est limitée et le son ne voyage pas très bien. Ainsi le casque jouerait le rôle de caisse de résonance pour des basses fréquences produites par les oiseaux lors de la saison des amours (seule période où ces oiseaux territoriaux entrent en contact entre eux). Lors de danses nuptiales avec un partenaire, les Casoars émettent des sons gutturaux d’une fréquence de 20-30 Hz en baissant la tête, le casque se trouve alors dirigé vers le congénère. Les basses fréquences ont comme particularité d’avoir une très grande portée et sont donc exploitées par d’autres espèces (Éléphants, Cétacés…) pour couvrir de longues distances.

photo d'un casque de casoar à la caméra thermique pour mettre en avant son rôle de thermorégulation
Le rôle du casque mis en évidence à l’aide d’une caméra thermique.

La seconde met en avant le rôle de thermorégulation de cette excroissance. Les animaux homéothermes (dont la température est indépendante du milieu ambiant) élèvent leur température corporelle grâce à la production de chaleur métabolique. Tout l’enjeu est de maintenir les températures internes optimales. Vivant dans un climat tropical, les Casoars, de grande taille et à plumes sombres, sont sous pression thermique pour évacuer la chaleur. Des analyses infrarouges mettent en évidence  que le casque agit comme un échangeur thermique, déchargeant la chaleur à haute température et limitant la perte de chaleur à basse température. 

Un oiseau légendaire : tantôt Poulet tantôt Phœnix !

L’étude du Casoar nous offre de nouvelles perspectives quant à la compréhension de la faune présente et passée. En effet, si le casque des Casoars joue un rôle de régulation thermique, il répond parfaitement à la règle d’Allen. Cette règle biologique posée par Joseph Allen en 1877 (suite à ses propres observations) stipule que les organismes homéothermes (à température interne constante) des climats froids ont des membres et appendices plus courts que leurs cousins des climats plus chauds. En effet, dans des climats froids, plus la superficie exposée est grande, plus la perte de chaleur, et donc d’énergie, est grande. Inversement, dans des climats chauds, un animal aura besoin d’une surface corporelle plus grande pour évacuer la chaleur. Ce phénomène est observable avec les représentants du genre Vulpes (les Renards) dont la taille des oreilles va de pair avec le climat sous lequel ils vivent (Ainsi Vulpes zerda, le Fennec a des oreilles beaucoup plus imposantes que Vulpes lagopus, le Renard polaire).

fossile de dinosaure comparé à crâne de casoar et son casque
Fossile de dinosaure oviraptoride du Crétacé supérieur de Ganzhou comparé à un crâne de Casoar.

La compréhension des fonctions du casque du Casoar pourrait donc permettre de comprendre la fonction de structures similaires chez des dinosaures aviaires et non aviaires. En effet les Ptérosaures et certains dinosaures avaient des ornements crâniens similaires. Encore mal connues, ces structures pourraient également avoir joué un rôle de thermorégulation en plus des rôles de défense qu’on leur attribuait jusqu’alors.

Animal impressionnant entouré de légendes, le Casoar, bien que discret, a cohabité avec l’Homme depuis des millénaires et fait partie intégrante de la culture océanienne. Omniprésent dans la culture papoue et ses mythes, l’oiseau géant considéré comme parent mythologique des Hommes est craint et respecté. 

Fait étonnant, cet oiseau aurait été domestiqué il y a plus de 18000 ans, bien avant la Poule! Une étude de 2021 d’une équipe menée par Kristina Douglas porte sur les relations passées entre humains et oiseaux en Nouvelle-Guinée. L’étude de coquilles d’œufs de Casoars datant du Pléistocène au milieu de l’Holocène a mis en avant le fait que des œufs, dont les embryons étaient à des stades avancés, étaient prélevés dans la nature afin de les faire éclore et élever les poussins. Cette découverte pourrait être celle du premier élevage aviaire au monde !

Un talipun, monnaie traditionnelle Océanienne
Un talipun tressé avec des plumes de Casoar. © Musée Barbier-Mueller, Genève

Élevés pour leur chair, les Casoars ont aussi été utilisés à des fins esthétiques ou religieuses. Symboles de puissance, plumes et os de Casoar ont servi à la fabrication de tenues d’apparat ou de poignards rituels des chefs coutumiers. Cette image de force a traversé bien des océans puisque le couvre-chef des élèves officiers des écoles de Saint-Cyr est surnommé Casoar (bien qu’il soit fabriqué à partir de 150 plumes de queue de coq, 120 blanches et 30 rouges).

Autre utilisation plus insolite du Casoar : ses plumes, qui ont servi à la confection des monnaies traditionnelles les plus célèbres d’Océanie : les talipun. Objets hétéroclites de grande valeur constitués de coquillages, tressages et plumes de Casoar, ils servaient à payer la dot, à régler des conflits ou à protéger les cultures. Malheureusement, dans les années 1960, les talipun furent massivement pillés par les marchands d’art et aujourd’hui, on ne les trouve plus que sur les billets modernes de 5 kina ! 

Depuis 2014, la population des Casoars en Australie a été divisée par deux, on estime qu’il reste environ 1500 Casoars à casque dans les forêts du Queensland. Dommage pour un oiseau aussi utile ! Son rôle écologique est important puisqu’il est connu pour consommer les fruits d’au moins 240 plantes dont il dissémine les graines sur d’assez longues distances. Sa taille lui permet de consommer des fruits dont les graines peuvent dépasser les 6 cm de diamètre !

Il est assez difficile de trouver des chiffres fiables sur ces effectifs pour la Nouvelle-Guinée. Comme pour beaucoup d’espèces, la disparition de l’habitat est une des causes majeures du déclin des populations. Mais les accidents routiers avec ces oiseaux, qui ont perdu 80% de leur territoire, ont aussi un fort impact. Il reste à espérer que cet animal aussi emblématique d’une région du monde ne devienne pas, comme le Dodo, une légende qu’on ne trouve plus que sur des timbres ou des T-shirts ! 


Pour écouter l’épisode de Nomen : https://app.ausha.co/app/show/51719/episodes/1862392

Sources:

  • On a new species of cassowary J Gould – Proceedings of the Zoological Society of London, 1857.Structure and function of the cassowary’s casque and its implications for cassowary history, biology and evolution D Naish, R Perron – Historical Biology, 2016 – Taylor & Francis.
  • On the Morphology and Phylogeny of the Palæognathæ (Ratitæand Crypturi) and Neognathæ (Carinatæ)W. P. PYCRAFT.
  • Attacks to humans and domestic animals by the southern cassowary (Casuarius casuarius johnsonii) in Queensland, Australia Christopher P. Kofron .
  • Cassowary casques act as thermal windows Danielle L. eastick1, Glenn J. tattersall2, simon J. Watson1, John A. Lesku1 & Kylie A. Robert.
  • Late Pleistocene/Early Holocene sites in the montane forests of New Guinea yield early record of cassowary hunting and egg harvesting Kristina Douglass, Dylan Gaffney, Teresa J. Feo, Priyangi Bulathsinhala, Andrew L. Mack, Megan Spitzer, and Glenn R. Summerhayes.
  • MAY, R., 2011. ‘A Unique Boiken Artifact’. HAMSON, M., ed. Art of the Boiken.
  • Lü, J., Li, G., Kundrát, M. et al. High diversity of the Ganzhou Oviraptorid Fauna increased by a new “cassowary-like” crested species. Sci Rep 7, 6393 (2017). https://doi.org/10.1038/s41598-017-05016-6
Casoar dans la fôret

Laissez un commentaire