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La Perdrix bartavelle rit-elle ? Elle n’en a pas le cœur. Souvent chassée, comme dans “La Gloire de mon père” de Marcel Pagnol, elle orne les natures mortes de peintres du XVIIIe et sa population est fragilisée. À défaut de rire, la Perdrix Bartavelle brourit, rappelle, cacabe ou glousse comme la Poule. Elle appartient à l’ordre des Galliformes et à la famille des Phasianidés comme le Faisan, porte un nom d’origine peu reluisant alors qu’elle se pare d’atours colorés et élégants, et elle mène une vie de “marathonienne”. 

Décrite en 1804 par l’ornithologue suisse Meisner, son nom scientifique Alectoris graeca signifie littéralement “poule grecque”. Ce lien avec la langue ancienne se retrouve également avec l’origine du mot Perdrix qui vient du latin perdix lui-même issu du verbe grec “pèrdomai” signifiant péter, pétarader. 

À plusieurs, on est plus bruyantes…

Perdrix grise
Perdrix grise, Perdix perdix. Auteur : Marek Szczepanek.

Rien à voir avec l’éventuelle flatulence de l’animal en cours de digestion, mais plutôt avec un bruit plus caractéristique : celui des ailes de ces oiseaux prenant ensemble leur envol. Il est particulièrement bruyant et ressemble à une pétarade. Et le terme Bartavelle ? Il date du XVIIIe siècle. Il dérive du provençal bartavello signifiant loquet ou tourniquet, comme le bruit du moulin qui tourne. Avant d’avoir son deuxième “r”, la Perdrix se disait Perdix en 1119 en ancien français. Puis fin XIIe, on trouve le terme Perdriz le “r” se rajoutant dans le langage populaire. On trouve l’écriture Perdris avec un “s” jusqu’au XVIIème. Le taxon Perdrix a été associé aux deux espèces les plus connues que sont la Perdrix rouge et la Perdrix grise. Le terme seul de Perdrix désigne par la suite le Lagopède alpin. Il est devenu un terme vernaculaire pour désigner différentes espèces de Gallinacés découvertes notamment en Nouvelle-France comme le Tétras du Canada et la Gélinotte huppée.

La Perdrix bartavelle – ou Bartavelle tout simplement ! – vit de manière grégaire, ce qui augmente cet effet sonore. Les groupes vont de 2 à 12 individus. Son cri est grinçant et très aigu. Lorsque la Bartavelle est inquiète, il devient sifflant. En état d’alerte, il prend un caractère répétitif et saccadé. L’aube ou le crépuscule s’animent du chant de ces oiseaux élégants. 

Un oiseau “oriental” aux couleurs chaudes

Gros plan sur la Perdrix bartavelle
Gros plan sur les couleurs de la Perdrix bartavelle. Auteur : ⒸFocusNatur.

La Perdrix bartavelle ressemble fortement à la Perdrix rouge, avec ses pattes et son bec de cette même couleur. Comme elle, son dos se pare de teintes gris cendré à brunâtre, le haut de la poitrine passe au gris bleuté. Le ventre est roux pâle et les flancs rayés de roux, crème et noir. Elle se démarque de sa cousine rouge par une zone blanche qui couvre sa gorge et descend légèrement vers la poitrine. Elle est cerclée d’un collier noir sans mouchetures et clairement délimitée qui remonte sur les yeux comme un masque. En taille, elle est au premier rang du genre Alectoris, allant de 32 à 43 cm pour une masse variant de 460 g à presque 800 g. Son gabarit se situe entre le Faisan et la Caille. Cette dernière se nomme d’ailleurs en latin Coturnix.

Caille de Californie. Auteur : Manubird – Pixabay.

De la Caille à la Perdrix, il n’y a qu’un “x” qui les sépare puisque l’italien traduit Perdrix Bartavelle par Coturnice. Notre oiseau très coloré ressemble presque plume à plume, à la Perdrix choukar, une des 7 espèces du genre Alectoris avec la Bartavelle.

La Perdrix bartavelle…infatigable traileuse de montagne

Perdrix choukar, Alectoris chukar
Perdrix choukar, Alectoris chukar, une ressemblance frappante avec la Perdrix bartavelle. Auteur : ⒸMdf

Les Bartavelles évoluent généralement en milieu montagnard, souvent rocheux et caillouteux entre 1000 et 2000 m d’altitude. D’ailleurs, le nom anglais de la Perdrix bartavelle est Rock partridge tandis que l’espèce se dit Steinhune en allemand, littéralement Poule des pierres. Cette espèce vit en Europe dans les Alpes, des Balkans à la Grèce. En France, vous aurez peut être la chance d’en apercevoir dans 7 départements du Sud-Est comme la Haute-Savoie, les Alpes Maritimes en passant par la Drôme. Le parc de la Vanoise, des Ecrins et du Mercantour possèdent des groupes de Bartavelles. Infatigables, elles montent les pentes d’éboulis sans effort pour les dévaler rapidement si besoin. Originaire d’Eurasie et d’Afrique, elle a conservé son appétence pour les températures élevées, préférant les versants sud bien exposés. En automne, notre gallinacé a tendance à remonter en altitude, parfois jusqu’à 3000 mètres, au moment de la repousse végétale et du développement des orthoptères (grillons, sauterelles, criquets). Elle redescend en période hivernale en dessous de 1000 m pour trouver sa nourriture dans les cultures en terrasse, landes et pelouses.

En période hivernale, à l’inverse des Tétras dont l’activité est réduite au maximum, celle des Bartavelles est importante tout au long de la journée et s’intensifie dans l’après-midi pour avoir des réserves. Les oiseaux débutent ainsi la période nocturne avec un jabot plein et la digestion leur apporte alors les calories nécessaires pendant les longues nuits froides d’hiver.

Oeufs légèrement tachetés de Perdrix bartavelle
Oeufs de Perdrix bartavelle – Auteur : ⒸDidier Descouens.

Les compagnies d’individus se regroupent souvent autour de nichées de manière indistincte entre les sexes. Sans dimorphisme sexuel apparent, seule la stature légèrement plus forte du mâle permet de le différencier de la femelle. La distinction apparaît mieux au printemps lorsque les couples se forment et au moment de la parade. Sur un territoire défini et protégé de tout congénère intrusif, le mâle poursuit la femelle, celle-ci prend alors une attitude de soumission. Puis s’enchaîne une phase de simulation de nourrissage et de comportement au nid. L’accouplement en lui-même est très rapide, à peine quelques secondes. Le nombre d’œufs pondus à la mi-mai varie de 8 à 14, déposés dans un nid à même le sol dans une dépression tapissée d’herbes, sur une rocher ou près d’un buisson caché des prédateurs. Les poussins nidifuges, c’est-à dire capables de se déplacer autour du nid dès la naissance, se régalent alors d’insectes, d’araignées et de mollusques. Le régime des adultes se porte sur des végétaux tels que les graines, les pousses et les baies.

Une “gloire” menacée pour la Perdrix bartavelle

Perdrix rouge du genre Alectoris
Perdrix rouge, Alectoris Rufa. Auteur : ⒸArturo Nikolai

Appelée “Perdrix royale” chez Marcel Pagnol dans le célèbre roman de 1957 – “la Gloire de mon père”, la Bartavelle glorifia le père de l’écrivain, lorsqu’il fit mouche sur ces deux oiseaux lors d’une partie de chasse provençale mémorable après de nombreux échecs. Marcel Pagnol, encore enfant et témoin immédiat de l’exploit paternel, dresse dans ses mains les pattes des oiseaux ensanglantés. Au-delà de la fiction romanesque, le nombre d’individus de Perdrix bartavelles a fortement chuté dans les années 50-60 dû à la déprise agricole, au développement des sports d’hiver et au passage de troupeaux sur les espaces de reproduction. Malgré une remontée des populations au début des années 2000, l’espèce est classée sur la liste rouge des espèces menacées au niveau européen et mondial de l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature). De plus, c’est une espèce très sensible aux accidents climatiques, vulnérable à la forte prédation en période hivernale (venant surtout des rapaces). À l’heure actuelle, l’espèce doit faire face à une pénurie d’espaces favorables à sa reproduction. Pelouses et landes ont régressé. De plus, l’introduction de la Perdrix rouge, Alectoris rufa, comme gibier de chasse a entraîné, pour celles qui en ont réchappé, des hybrides avec la Bartavelle.

L’issue de ces croisements n’est pas forcément heureuse car l’espèce hybride n’est pas aussi bien adaptée au milieu montagnard et constitue une menace pour la variabilité génétique locale des Perdrix bartavelles. Le risque de parasitose demeure également élevé. On interdit désormais les lâchers de Perdrix rouges au-dessus de 1000 m. Des solutions sont envisagées comme la réouverture d’espaces embroussaillés et le maintien de pâturages de caprins. L’avenir dira si ce magnifique oiseau, toujours chassé, peut à nouveau s’auréoler de gloire… 

Auteur photo centrale : Roland Clerc

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Pour écouter le podcast Nomen sur la Perdrix bartavelle :

S03E34 La Perdrix Bartavelle somptueusement bruyante

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Sources :

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bannière oiseaux

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