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Parmi les différents corvidés, il en existe un moins bien connu, parce qu’il vit en haute altitude. Il s’agit du Chocard à bec jaune, une des deux espèces de corvidés appartenant au genre Pyrrhocorrax. De loin, il ressemble comme deux gouttes d’eau à son cousin le Crave à bec rouge et pourrait même être confondu avec une troisième espèce, le Choucas des tours. Mais celui-ci ne le côtoie pas ou peu, évoluant en milieu urbain, dans les campagnes ou sur des plateaux jusqu’à 1500 m d’altitude. Le Chocard et le Crave ont des points communs mais aussi des caractéristiques bien distinctes tels que leurs cris, leurs couleurs, des nuances de silhouette et leurs becs. Première rencontre au “sommet“  avec ce Corvidé au bec jaune très montagnard !

Chocard à bec jaune chantant
Chocard à bec jaune chantant. Auteur : ©Roland Clerc – Valais, Suisse.

Olivier Messiaen, compositeur français, n’a pas oublié ce corvidé méconnu ! Dans son Catalogue d’oiseaux créé entre 1956 et 1958, ce musicien passionné d’ornithologie, met en musique le Chocard à bec jaune. Celui-ci ouvre le bal dans la première pièce au piano de son Catalogue qui en compte 13 et dont chacune exprime le chant d’un oiseau (Loriot, Merle bleu, Traquet stapazin…). Le compositeur évoque ainsi ce corvidé, dont le répertoire varié ne peut être confondu avec celui du Crave. Son chant est une sorte de sifflement roulé plutôt mélodieux qui ressemble à un “preeep”. Grégaires et sociables, les Chocards envoient des “Ziiirrr“ aigus ainsi que des “ziièh“ pour les groupes volant en cercles. Pour alerter, ce sera plutôt un “churr“ roulant. Rien à voir avec le cri de son proche cousin au bec rouge, le Crave, qui émet des cris forts et stridents, “chee-ow“ ressemblant au Choucas des tours, en plus clairs, agrémentés de “kiah”, de “kaah” et de “tschaf“ ou de “skirrrik“.

Là-haut, sur la montagne… amour et haute voltige

Petit groupe de chocards à bec jaune dans la neige
Auteur : ©Roland Clerc – Valais, Suisse.

Le Chocard est un adepte de l’altitude, des zones de montagne plus élevées que celles de son cousin le Crave. C’est un oiseau endémique des montagnes de l’Eurasie. D’ailleurs, les traductions allemande, italienne et anglaise de Chocard, nous indiquent leur zone d’évolution : “Alpendohle“ en allemand, ”gracio alpino” pour sa version italienne et “Alpine chough“ en anglais, (ce sera “Alpenkrähe“ en allemand pour le Crave). On peut le rencontrer jusqu’à 4000 m d’altitude dans l’Atlas et le Rif ainsi qu’en Asie centrale, dans le massif de l’Himalaya et en Chine. En Europe, des populations de Chocards vivent en région montagneuse cantabrique, dans les montagnes de Corse, dans les Pyrénées, et… dans les Alpes, rejoignant parfois des alpinistes au sommet du Mont-Blanc. Selon une légende savoyarde, les Chocards incarnent les âmes des alpinistes décédés en montagne. Ils seraient alors les protecteurs des vivants lors de leurs ascensions, veillant désormais sur eux.

Chocards à bec jaune volant en grand groupe
Chocards à bec jaune en bande – Auteur : ©Roland Clerc – Valais, Suisse.

Ces corvidés des cimes se déplacent en bande, se retrouvent sur des dortoirs, sur les parois rocheuses avec parfois plusieurs centaines d’individus. Ils fréquentent les falaises abruptes et inaccessibles. Ils se répartissent en sous-groupes pour se nourrir sur les versants. Toujours actifs, les Chocards sont des voltigeurs hors pairs utilisant les ascendances thermiques et les mouvements rapides de l’air pour effectuer des vrilles spectaculaires. Lors de la période de reproduction, au début du printemps, ils effectuent des parades énergiques et bruyantes. Les couples sont fidèles à vie et nichent dans une crevasse, une cheminée rocheuse, voire sous le toit d’un bâtiment pour y abriter 2 à 5 œufs. Dans ce nid massif à base de brindilles, de racines et d’herbe, la femelle seule va couver pendant 18 à 20 jours, alimentée par le mâle. Après l’éclosion, les oisillons, nourris en alternance par les deux parents, resteront au nid pendant 1 mois environ puis se rassembleront à la fin de l’été avec les autres juvéniles. 

groupe de chocards à bec jaune dont un individu nourrissant un juvénile
Auteur : ©Roland Clerc – Valais, Suisse.

En hiver, comme leurs cousins Craves, les Chocards descendent vers les vallées pour compléter leur régime alimentaire omnivore qui, à la belle saison, est à base de graines, de baies, d’insectes, de petites charognes et d’invertébrés. Ils se révèlent opportunistes sans craindre de s’approcher des habitations pour récupérer des restes. Ils leur arrivent aussi de constituer des réserves qu’ils enfouissent d’un coup de bec dans des fissures. Assez sédentaires, les Chocards à bec jaune vivent saison après saison sur les mêmes massifs. Ils s’entraident et n’hésitent pas à pourchasser des prédateurs comme les Aigles ou Vautours si un des leurs est en difficulté.

Ticket chic-ticket choc pour le Chocard à bec jaune

Le Chocard à bec jaune, Pyrrhocorrax graculus, appartient au genre Pyrrhocorax, comme le Crave à bec rouge, les deux seules espèces de ce genre. “Pyrrho“ vient du grec “purrhos“ qui veut dire “couleur de la flamme“, et “korax“ signifiant “corbeau“. Pour bien accentuer l’appartenance du Chocard à la famille des corvidés, graculus“ signifie “choucas“, “corbeau freux“ ou bien “freux“. 

Chocard à bec jaune en vol, vue en contre-plongée
Chocard à bec jaune en vol, aux ailes digitées. Auteur : ©Roland Clerc – Valais, Suisse.

Chocard et Crave ont en commun le noir comme couleur de plumage… et la couleur rouge, telle une flamme, pour les pattes. Mais en regardant de plus près, des différences notables se révèlent chez le Chocard. Ses plumes se parent d’un lustre vert bleuâtre. De plus, il a une queue dont l’extrémité dépasse la pointe de ses ailes, alors que celle du Crave coïncide avec elles. Une autre différence est leur extrémité plus arrondie et plus digitée (en forme de doigts) que celle de son cousin. 

Les couleurs de bec sont aussi bien différentes même si le Crave lorsqu’il est juvénile, possède un bec jaune foncé. On confond aussi souvent de loin le Chocard à bec jaune avec le Choucas des tours. Ils ont tous deux un gabarit très proche, entre 35 et 40 cm et une envergure de 70 à 85 cm. Leur plumage noir possède les mêmes reflets métalliques. Pour toutes ces raisons, le Chocard est surnommé à tort Choucas des Alpes. Mais la différence importante qui le rend unique est la couleur de son bec : jaune, court et fin très légèrement courbé alors que celui du Choucas est droit et noir.

L’espérance de vie en liberté des Chocards est de 11 ans en moyenne. Si aucune menace ne pèse à court terme sur l’espèce à l’échelle mondiale, le changement climatique pourrait entraîner un déplacement de l’habitat vers des altitudes plus élevées.

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Retrouvez les épisodes de NOMEN sur le Chocard à bec jaune et les autres corvidés

  • NOMEN S03E14 : Chocard à bec jaune et Crave à bec rouge, les montagnards de la famille
  • NOMEN S03E10 : Le Choucas monte dans les tours
  • NOMEN S02E10 : Le Corbeau 1/2 : Un surdoué vénéré chez les Vikings, détesté chez les Chrétiens…
  • NOMEN S02E14 : Le Corbeau 2/2 : De La Fontaine à Clouzot en passant par la Tour de Londres, black is beautiful
  • NOMEN S03E02 : La Corneille craille, le Corbeau croasse, la caravane Nomen passe
  • NOMEN S03E06 : Le Corbeau freux, un sacré récolteur-vendangeur !

Pour aller plus loin/ sources

Bibliographie :

  • Guillermo Blanco et José Luis Tella, « Protective association and breeding advantages of choughs nesting in lesser kestrel colonies », Animal Behaviour, vol. 54, no 2,‎ août 1997, p. 335–342 (PMID 9268465DOI 10.1006/anbe.1996.0465)

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