Les innovations destructrices développées par l’industrie de la pêche néerlandaise continuent de faire des ravages dans l’océan et de causer la faillite des petits pêcheurs. Un engin de pêche apparu il y a une quinzaine d’années est plus que jamais sous le feu des critiques en 2022: la senne démersale ou danoise. Kézako ?
Le 16 janvier 2018, les eurodéputés votaient à une large majorité l’interdiction de la pêche électrique, elle-aussi créée par nos inventifs voisins néerlandais. Dramatiquement efficace, la senne démersale est une nouvelle bombe écologique pour la biodiversité marine. Elle permettrait de récolter de 5 à 10 fois plus de poisson qu’avec d’autres techniques, ce qui permet à un bateau de pêche d’en remplacer beaucoup d’autres.
Depuis quelques années années, suite à l’interdiction de la pêche électrique, les industriels néerlandais ont beaucoup développé leurs flottilles de senneurs. Certains pêcheurs français s’y sont mis aussi, du fait de la raréfaction des ressources.
Mais qu’est-ce que la senne démersale ?
La Senne danoise aussi nommée Senne de fond, Senne écossaise ou enfin Senne démersale est apparentée au chalut de fond : il s’agit d’une version industrielle et massifiée de la pêche à la senne. À l’origine, la senne consiste à encercler des bancs de thons, maquereaux ou autres sardines, en surface. Déjà utilisée par les Égyptiens en 2500 avant J.C., elle a d’abord améliorée au 19e siècle en devenant “coulissante”, ce qui consiste à refermer le bas du filet.
Inventée par les industriels néerlandais un peu avant 2010, la senne démersale innove encore. Elle consiste à déployer un triangle au fond (cf gif ce-dessus). Le tout est ensuite remorqué par un bateau au moyen de deux cordes de sennage (ralingues). Ce tractage resserre les cordes entre elles. Cze mouvement remue le fond de l’eau, lève un un nuage de sédiments qui effraient le poisson, lesquels se rabattent vers l’ouverture du filet qui les retient prisonniers.
Cette technique est terriblement efficace : en une seule manœuvre, un senneur couvre et détruit en moyenne 3km² de fonds marins, ce qui équivaut à 430 terrains de foot. Seulement 5 senneurs ratissent en une seule journée une surface équivalente à celle de Paris, soit 100 km². Et il y a … 75 senneurs actuellement autorisés à pêcher en Manche.
Elle vise aussi bien les espèces benthiques (vivant au fond, comme les poissons plats (soles, limandes, plies, turbot) que les espèces démersales, vivant à proximité du fond (langoustines et encornets par exemple).
Ce mode de pêche vise notamment des espèces non règlementées par des quotas ou des tailles minimales de capture, comme l’encornet, la seiche, le rouget-barbet ou le grondin. Il n’y a donc pas de véritable suivi scientifique de ces espèces, qui sont chaque jour pêchées par dizaines de tonnes, par des bateaux mesurant entre 20 et 40 mètres.
Hyper efficace mais non sélectif
Selon les industriels, cette technique serait écologique. En effet, elle consomme moins de carburant qu’un chalut classique, et le poisson est de meilleure qualité que le poisson de chalut (Ifremer, 2010).
La senne démersale n’est donc pas sélective, et pêche trop de poissons juvéniles. Le Comité Scientifique, Technique et Économique des Pêches souligne des taux de rejet élevés pour le merlan dans cette flotte, soit 39 % en 2013 et 79 % en 2014.
Racler ainsi le fond des océans, c’est en outre :
- 1 Libérer le CO2 séquestré au fond, et empêcher la séquestration
- 2 Détruire la vie des fonds et vider la mer de ses poissons
- 3 Gravement perturber la “pompe océanique” à l’origine de la vie dans les océans
Un désastre social
Les pêcheurs côtiers français ont rapidement dénoncé les impacts destructeurs de la senne démersale. Mais abandonnés par les politiques, et sans mesures de gestion pour réguler l’effort de pêche, les chalutiers français qui se battaient pourtant contre la senne démersale ont fait le choix funeste de s’y convertir pour rester aussi compétitifs que les senneurs néerlandais.
Malgré des investissements qui peuvent atteindre plusieurs millions d’euros, ils sont aujourd’hui les premiers à réclamer une interdiction de la senne démersale dans les eaux territoriales. Certains patrons ont décidé de ne plus pratiquer la senne mais de conserver leur licence afin d’éviter la construction d’un nouveau senneur.
L’interdiction de la senne démersale a même dépassé les désaccords historiques entre pêcheurs anglais et français, qui ont conjointement manifesté le 9 mai 2022 lors d’une rencontre au milieu de la Manche pour symboliser leur union autour de cette cause. God save la pêche !
En effet, alors que les industriels peuvent déplacer leurs unités sur d’autres zones et les ratisser sans contraintes, les pêcheurs côtiers sont à l’inverse cantonnés à un territoire restreint. Ils subissent de plein fouet les conséquences de la “technopêche”.
Interdite en Bretagne, en Aquitaine et en Normandie
Plusieurs régions de France ont déjà interdit cet engin dans leurs eaux territoriales: Aquitaine, Bretagne et Normandie (en partie).
Le 12 juillet 2022, les députés de la Commission PECH du Parlement européen vont se prononcer sur un amendement déposé par Caroline Roose qui vise à interdire la senne démersale dans les eaux territoriales en Manche. Ce vote est décisif pour l’écosystème marin, car cette bande côtière est une zone riche, productive et une pouponnière pour les poissons. Les eaux territoriales sont également le terrain de pêche privilégié des pêcheurs côtiers.
Mais les dirigeants français soutiennent… les pêcheurs industriels ! et n’a que faire de l’avis des pêcheurs artisans. En effet, le gouvernement suit la position du Comité National des Pêches Maritimes et des Elevages Marins (CNPMEM). Les collusions entre pêcheurs semi-industriels et représentants des pêcheurs ont permis le développement de la senne démersale dans les eaux françaises, alors que les pêcheurs artisans s’y sont toujours opposés.
Tout va donc se jouer dans le rapport de force. Une pétition a été mise en ligne par l’ONG BLOOM, qui travaillent chaque jour d’arrache-pied pour convaincre les décideurs européens d’interdire la senne démersale.
Nous vous invitons à signer cette pétition, et à relayer massivement ce combat vital pour l’océan. Chaque signature compte… dont la vôtre. L’équipe de BSG l’a signée. Je viens de la signer, ça prend 3 secondes. Faites passer, merci !
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