Coquille Saint-Jacques : t’as 200 beaux yeux tu sais !

Les coquillages sont ennuyeux fixés comme des Moules à leur rocher ? Avec ses 200 yeux, la Coquille Saint-Jacques repère les prédateurs , elle fuit en nageant et provoque des “guerres” chez les humains. Partons à la découverte d’un Mollusque qui a brisé le moule !

Et non ! Pas de rocher pour notre Pecten maximus au nom biblique ! La Coquille Saint-Jacques vit sur des fonds sablonneux et vaseux entre 0 et 200 mètres de profondeur. Ne la cherchez pas à marée basse sur les plages, contrairement aux Huîtres ou aux Moules, elle ne supporte pas de se retrouver à l’air libre. 

Si elle peut s’enfouir dans le fond meuble, elle préfère quand même s’enfuir lorsqu’un prédateur approche. Elle peut nager sur de courtes distances en faisant claquer les deux valves de sa coquille, grâce à son puissant muscle adducteur. Cela provoque une expulsion brusque d’eau qui permet à l’animal de se propulser. Avec cette technique, elle échappe aux prédateurs lents comme l’Étoile de mer commune, Asterias ruben, qu’elle détecte à l’odeur grâce à ses tentacules. 

Au royaume des aveugles, la Coquille est une reine

Palourdes ou Bénitiers, au cours de leur évolution, les Bivalves ont perdu la tête et tout ce qui va avec, les yeux compris. Ils vivent fixés sur un rocher ou dans le sable. En cas de danger, ils se referment comme une Huître et comptent sur la résistance de leur coquille pour décourager les prédateurs. 

En revanche, chez les Pectinidés, la famille de la Coquille Saint-Jacques, il y a des yeux… jusqu’à 200 ! Ils sont visibles au bord de la coquille lorsque l’animal est posé sur le fond. Ils sont implantés dans le manteau, le corps de l’animal. Différents de ceux des Vertébrés, ces yeux minuscules fonctionnent sur le même principe que les grands télescopes à miroirs. En les étudiant, les chercheurs espèrent pouvoir réduire la taille des outils d’observation céleste. 

Les yeux de la Coquille Saint-Jacques lui permettent de détecter les changements de luminosité pouvant trahir l’approche d’un prédateur. La perception du monde par le mollusque reste floue pour l’être humain. On ne sait pas si les yeux produisent chacun une image séparée ou si elles sont intégrées pour en former une seule, un panorama à 250°!

Derrière la coquille, un corps tendre

En plus des yeux, au cœur de la coquille, se cachent tous les autres organes de l’animal. Les branchies permettent de respirer en prélevant le dioxygène de l’eau mais aussi de se nourrir en capturant les diatomées et les algues microscopiques. En effet, la Coquille Saint-Jacques joue un rôle dans l’épuration de l’eau mais dans le même temps, elle accumule les substances toxiques et polluantes. Ainsi les métaux lourds sont stockés dans le rein et dans la glande digestive alors que les hydrocarbures le sont dans les intestins et dans la glande génitale, le fameux corail.

Vous ne pouvez pas rater cette dernière glande sur les étals de la poissonnerie puisqu’elle est de couleur… corail comme son nom l’indique. La zone orange correspond à la partie femelle qui produit des ovules. La zone blanche de la glande fabrique des spermatozoïdes et est qualifiée de partie mâle. La Coquille Saint-Jacques est donc hermaphrodite. 

Dans l’Antiquité classique, elle a le rôle actuel de la Moule et symbolise le sexe féminin. Dans l’art, ce Mollusque est parfois considéré comme un symbole de fertilité, tel le tableau “La naissance de Vénus” de Botticelli. Cependant, dans l’océan, elle ne peut pas s’autoféconder puisque la production des spermatozoïdes se fait puis s’arrête avant la production des ovules. Nous avons à faire à un animal protandre, comprenez d’abord mâle et qui devient femelle au cours de sa vie. Il faut donc deux Coquilles différentes pour obtenir une nouvelle génération. 

La guéguerre pour un fruit de mer

La Coquille Saint-Jacques est très appréciée des consommateurs, qui dégustent son corps en entier… (voir la liste des organes plus haut). Pour combler la demande, elle fait donc l’objet d’une exploitation très importante. En 2019, 32.000 tonnes sont passées par les seuls ports de Grandcamp et Port-en-Bessin en Normandie. Les coquilliers, les navires spécialisés dans la pêche à la Saint-Jacques, utilisent 2 techniques principales. Ils peuvent récolter les Coquilles en draguant le fond à l’aide d’un filet ou les ramasser à la main avec des plongeurs. 

Dans les deux cas, les zones peu réglementées subissent une surpêche. La filière fait des bénéfices rapides mais pendant une période très courte en raison de l’effondrement des populations, il faut 2 à 3 ans pour qu’une Coquille arrive à maturité. Une gestion plus intelligente qui adapte les quotas en fonction des années et de l’état des populations permet d’assurer une plus grande durabilité de l’exploitation. Le plus efficace reste la sanctuarisation de réserves autour desquelles les populations de Coquilles Saint-Jacques sont 5 fois plus importantes.

Dans la Manche, la France autorise la pêche à la Coquille entre le 1er octobre et le 15 mai alors que les pêcheurs britanniques peuvent la prélever toute l’année. Ces différences de réglementation entraînent des conflits, qualifiés de “Guerre de la Coquille” entre pêcheurs des deux nationalités. En 2012 puis en 2018, des pêcheurs français s’en prennent à des navires britanniques qui seraient passés dans les eaux territoriales françaises. C’est à coups de pierres et de filets pour endommager les hélices et les moteurs que le conflit commence avant de se régler autour de la table des négociations. 

Entre passé et avenir

La commercialisation de la Coquille Saint-Jacques peut se faire lorsqu’elle atteint une masse de 190 grammes, coquille comprise. Comme chez les arbres, des stries de croissance apparaissent dans la coquille. Au microscope, les chercheurs peuvent même déterminer la croissance effectuée chaque jour. L’étude des carbonates composant la coquille et piégés dans des fossiles de Saint-Jacques permet de définir les climats du passé, et de suivre les variations des températures anciennes . 

Même sans utiliser ses yeux, la Coquille Saint-Jacques joue le rôle de sentinelle, elle enregistre année après année le réchauffement de la planète provoqué par l’être humain. Elle est aussi confrontée à l’installation d’infrastructures en mer. Les vibrations provoquées par la construction des éoliennes offshore ne sont pas sans conséquence. La mise en place des pieux d’ancrage semble stimuler la croissance alors que le bruit des forages réduit le taux de survie des larves. Un nouveau défi pour le Mollusque. 

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Pour écouter les épisodes de Petit Poisson Deviendra Podcast sur la Coquille Saint-Jacques :

• PPDP S03E01 : La Coquille Saint-Jacques 1/2 : T’as (200) beaux yeux tu sais ?
• PPDP S03E02 : La Coquille Saint-Jacques 2/2 : Un régal… qui éternue !

Pour en apprendre d’avantage sur les autres Mollusques :

• PPDP S02E38 : Les Céphalopodes 1/4 : Y’a un os… ou pas ? L’album de famille
• PPDP S02E39 : Les Céphalopodes 2/4 : Le Calmar… volant ! Si si ! ça existe !
• PPDP S02E40 : Les Céphalopodes 3/4 : La seiche flamboyante, le top model de la famille
• PPDP S02E41 : Les Céphalopodes 4/4 : Le Vampire des abysses

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