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Illustration: Alice Flore

Le Dingo est arrivé sur le continent australien environ 45.000 ans après l’arrivée des premières populations humaines. Ils l’ont alors inclus dans leurs mythes ainsi que dans leur quotidien. On les nourrissait même parfois… au sein.

Le Dingo arrive en Australie il y a environ 5.000 ans, importé par les populations austronésiennes venues d’Indonésie. Il est alors retourné à l’état sauvage.

3 hommes accroupis montrent 9 chiots Dingos, photo en noir et blanc
Des hommes montrant des chiots Dingos capturés dans le Queensland – par Hoffmann, 1933

Beaucoup de tribus Aborigènes allaient récupérer des chiots de 2 à 4 semaines dans des terriers. Ils les nourrissaient à la main et les élevaient jusqu’à leur maturité sexuelle, à 2 ans. Dans la plupart des cas, mûs par un irrépressible instinct, les Dingos redevenaient ensuite sauvages.

Les connaissances des Aborigènes ont été très utiles aux Européens. Pour protéger leur bétail, les colons ont institué des primes en échange de scalps de Dingos. Malgré ces abattages encouragés et profitables, les Aborigènes faisaient toujours en sorte de ne pas menacer la population, en épargnant les femelles matures par exemple.

Le parallèle a été établi entre les jeunes Dingos qui abandonnent leur famille humaine à 2 ans, et les jeunes hommes qui délaissent leur camp à l’âge adulte pour des rituels d’initiation.

Certaines tribus enterraient leurs Chiens lors de cérémonies. Elles les enveloppaient de couvertures et allumaient un feu à leur côté. Les Aborigènes soignent souvent plus les chiots que les adultes. Chez les Jankuntjara, au centre du continent, on consacre du temps à leur retirer leurs parasites. 

Cependant, les Chiens dans ces camps vivaient souvent dans de mauvaises conditions sanitaires. Mal nourris, ils étaient contraints de voler de la nourriture.

Le Dingo comme compagnon de chasse

C’était surtout des femmes sans enfants qui gardaient les chiots, les portant à la taille comme des bébés, et parfois même… les nourrissaient au sein !

Dessins de Dingos, un debout de profil en premier plan, un couché contre un rocher en second plan, deux courant en arrière plan
Représentation de Dingos – par John Gould, Mammals of Australia, vol. III, Plate 51, 1861

Si les Dingos avaient de nombreuses fonctions, d’abord comme animal de compagnie, la chasse n’en faisait que très peu partie. Il n’y a que quelques populations du sud de l’Australie qui chassaient avec leurs Dingos. Ces derniers en effet faisaient fuir les proies, et les mangeaient avant que les Humains n’arrivent. Il est probable que les populations européennes, avec leurs Chiens de chasse, aient inspiré les Aborigènes en la matière. 

Les Aborigènes d’Australie n’ont jamais pris l’habitude de consommer des Dingos au quotidien, contrairement à certaines populations asiatiques. Cela n’arrivait que dans certaines tribus du sud, à des occasions très spéciales, fête ou famine par exemple. Pour les autres, les croyances populaires stipulaient qu’un Humain qui consommerait du Dingo tomberait malade. En revanche, ils utilisaient parfois leur peau ou leur queue comme vêtement ou ornement.

Les Dingos consommaient 10% des ressources des Humains. Alors pourquoi garder un voleur de nourriture? Parce que c’est un bon protecteur du foyer, comme nos Chiens domestiques. Pour les Aborigènes, il est en outre un protecteur contre les “mamus”, les esprits maléfiques.

Les Dingos servent également à tenir chaud lors des froides nuits dans le désert. Il y a d’ailleurs une expression australienne, “a three-dog night” (“une nuit à trois chiens”) qui signifie “une nuit très froide”. Car dans ces cas-là, un ou deux chiens ne sont pas suffisants pour se réchauffer.

Enfin, les Dingos permettaient de nettoyer les habitations des restes. On suppose que les Chiens qui ne remplissaient pas ces fonctions étaient tués ou éloignés du village.

Un lien entre le monde des vivants et celui des esprits

Le Dingo est très représenté dans la mythologie aborigène. Il est associé au surnaturel plus que n’importe quel autre animal. Les membres du peuple Yarralin pensent que les Humains sont des Dingos à l’origine et que c’est eux qui font de nous des Humains. Ils pensent également qu’il y avait un temps où les Dingos et les Humains ne formaient qu’une seule et même espèce.

Certaines tribus considèrent le Dingo comme un lien entre le monde vivant et le monde des esprits, avertissant les Humains de la présence de mânes malveillants.

Dessin représentant 12 hommes, à 4 pattes, positionnés en demi-cercle, avec une épée attachée au niveau des reins pour représenter la queue du Dingo.
Représentation d’une cérémonie avec des hommes imitant des Dingos dans le New South Wales – par David Collins, 1804

Sur le site archéologique de Coorong dans le sud de l’Australie, on a retrouvé des corps humains entourés de corps de Dingos. Ces Dingos auraient pour rôle de protéger les Humains dans le monde des esprits. À l’inverse, on frottait certains chiots avec un mélange de graisse et d’ocre, comme les Humains, pour les protéger des esprits malveillants.

On associe souvent les Dingos aux rites de fertilité, ainsi qu’à la circoncision et la subincision (mutilation génitale consistant à créer une fente à l’extrémité du pénis). Lors d’autres rituels, les initiés imitaient les Dingos pour accaparer toutes les qualités de l’animal.

Les Aborigènes n’ont pas seulement adulé le Dingo: il était aussi parfois perçu comme rusé, vicieux, meurtrier et assoiffé de sang. Il joue des tours dans les deux mondes et brise les lois humaines. Il peut menacer la stabilité et le bien-être d’une société… tout comme chaque membre de la communauté.

Certaines communautés pensent que les Dingos sentent la mort quand elle vient chercher les Humains. En cela, les Dingos font partie des rares animaux à avoir une importance quasi mystique dans la monde. Un privilège que ces canidés doivent peut-être au fait d’être le premier ami de l’Homme, plus prosaïquement le premier animal apprivoisé de l’histoire de l’humanité.

Pour aller plus loin:

• Le livre “The Dingo Debate” , par Bradley Smith, CSIRO publishing, 2015 (en anglais)

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