Le Gibbon est un primate faisant partie des Hominoïdés comme le chimpanzé, le bonobo, le gorille, le orang-outan et … l’humain. Il est le plus petit des “grands singes”. Ce trapéziste asiatique possède par ailleurs des façons de se mouvoir uniques au monde, que ce soit dans les arbres ou à terre, où il est encombré par ses immenses bras.
Dans le célèbre poème l’Albatros, Baudelaire écrit, “ses ailes de géant l’empêchent de marcher”. Il en va presque de même pour le Gibbon, encombré de ses bras disproportionnés par rapport à son petit corps. Mais s’il a un petit air empoté à terre, notre Gibbon devient un acrobate inégalé dans les arbres et dans les airs.
Il pratique très rarement la bipédie car il est très peu à l’aise sur la terre ferme à cause de ces fameux grands bras. Lorsqu’il se déplace au sol, il balance ses bras vers le haut pour garder l’équilibre, et sautille en biais, comme certains lémuriens.
Les Gibbons constituent la famille des Hylobatidés. Ce nom vient de “hule” (bois, forêt) et “batos” (qui marche). Quatre genres composent cette famille : Hylobates, Nomascus, Symphalangus et Hoolock. Le Hoolock tianxing n’a été découvert qu’en 2017.
Le Gibbon utilise une technique qui renvoie Tarzan au rang de limace arthritique. Il se balance de branche en branche, dans un ballet aérien appelé brachiation. Il n’est pas le seul : d’autres singes utilisent cette technique, comme, par exemple, ses voisines orangs-outans. Les mâles orangs-outans sont trop lourds quant à eux.
Brachiation vient du latin brachium : bras. “Ce singe volant” a même poussé la brachiation à son paroxysme : “l’hyperbrachiation”. Adapté à son milieu de vie arboricole, il se balance quasiment sans efforts apparents d’arbres en arbres dans la canopée.
Gibbon : un primate artiste des canopées hyper adapté
Le Gibbon présentent plusieurs adaptations morphologiques pour faire des bonds entre les arbres pouvant aller jusqu’à 15 mètres et peuvent se déplacer jusqu’à 80 km/h :
- Les vertèbres lombaires sont courtes, son arrière train est limité au strict minimum pour ne pas avoir de poids mort à déplacer.
- Les mains sont longues en crochet avec des ongles courts, des doigts longs et recourbés et des pouces réduits.
- Les membres antérieurs sont allongés et les poignets souples permettant de moins solliciter les épaules. Ce poignet possède un aspect unique dans l’anatomie du Gibbon. Il fonctionne comme un bras de poupée dans quasiment tous les sens, contrairement à nos poignets humains ou à nos genoux.
- Les fléchisseurs du coude des Gibbons sont très puissants contrairement aux autres primates. Ces muscles sont donc particulièrement importants pour leur locomotion.
Grâce à ces adaptations, le Gibbon peut se déplacer à moindre coût énergétique.
De l’autre côté de l’océan Pacifique, sur un autre continent, l’Amérique latine, les atèles, ou singes-araignées, se déplacent aussi par brachiation et sont souvent confondus avec les Gibbons. Autre différence notoire des singe atèles : ils sont pourvus d’une queue préhensile qui est un véritable 5ème membre.
Ces deux familles diffèrent dans leurs morphologies musculaires. Les atèles possèdent un timing et une mécanique des phases d’appui et de balancement différents de ceux des gibbons. C’est très probablement le rôle de la longue queue comme membre de sécurité des singes araignées qui creusent l’écart.
Le bossu de la forêt ?
Le mot “Gibbon” viendrait du latin “gibbus” qui signifie qui porte une bosse. Ce nom pourrait provenir du dos voûté de l’animal AU SOL. Il marche en effet en courbant le dos. En France, selon le célèbre comte de Buffon, multidisciplinaire entre autres naturaliste et biologiste, “Gibbon” a été utilisé en premier par le marquis Dupleix au XVIIème siècle. Ce dernier était le commissaire général de la Compagnie des Indes, une compagnie coloniale qui lui a permis de découvrir les fameux Gibbons.
Les Gibbons vivent dans la jungle du Sud-Est asiatique allant du nord-ouest de l’Inde à l’Indonésie, en passant par le sud de la Chine et les îles de Sumatra, Bornéo et Java. Ils sont omnivores mais suivent un régime essentiellement frugivore. Ils ont une préférence à 60% pour les fruits bien mûrs.
Dans ces forêts, ils ont plusieurs prédateurs : les tigres, la panthère nébuleuse, le Léopard, le chat marbré, le python réticulée, le python birman et plusieurs rapaces comme l’aigle d’Australie ou la harpie de Nouvelle-Guinée.
Les hylobatidés, l’indri, les varis, le propithèque à diadème, les callicèbes, les sakis, les ouistitis, les ouistitis pygmés, les atèles, le cercopithèque de Brazza, le semnopithèque de Mentawai et le simia concolor, font partie des 25% des primates monogames. Une monogamie dite permanente où un mâle et une femelle s’apparient à vie. Cette monogamie limite les infanticides car les pères s’impliquent dans l’éducation des jeunes. Cependant, ce type d’affiliation diminue les chances de survie de l’espèce avec une probabilité faible d’avoir une descendance, une compatibilité sexuelle incertaine entre les 2 individus et une défense limitée face à un prédateur. Le fait d’avoir moins d’individus diminue la vigilance et les chances de fuite.
Ils vivent en famille composée généralement des 2 parents et de 2 ou 3 petits. Ils donnent naissance tous les 2 à 3 ans à 1 petit et s’en occupent environ jusqu’à ses 6 ans. Les jeunes quittent le cocon familial entre 6 et 9 ans.
Les Gibbons sont connus pour les cris qu’ils lancent pour protéger leurs territoires. Certaines espèces possèdent un sac vocal parfois de la taille de leur tête, faisant office de caisse de résonance. Leurs cris atteignent une puissance de 95 à 113 dB. Malgré cette puissance vocale, le Gibbon s’inclinerait dans une “battle sonore” face au champion en la matière, le singe-hurleur, avec 128 dB … Mais cette bataille n’est que théorique puisque ces gueulards vivent sur des continents différents.
Le Sauvetage des Gibbons
La quasi-totalité des espèces de Gibbon sont menacées d’extinction à cause de la dégradation et de la perte de leur habitat. En 50 ans, l’Amazonie a perdu près de 20% de ses forêts. Les forêts indonésiennes ont, quant à elles, perdu 50% de leurs surfaces en 50 ans, ce qui condamne de nombreuses espèces dont les Gibbons.
Ils sont également braconnés à des fins commerciales : viande et animal de compagnie. Le manque de forêt pour se camoufler, son déplacement lent au sol et son cri puissant en fait un animal facile à repérer et donc à chasser…
En 1998, Aurélien Brulé surnommé Chanee (“gibbon” en thaï) a fondé Kalaweit. Cette association a créé des centres de rééducation pour les Gibbons de Bornéo et Sumatra. Ils développent également des zones protégées en Indonésie afin de préserver l’habitat des Gibbons et de leurs colocataires.
À Kalaweit, les Gibbons recueillis restent pour la grande majorité dans leurs centres de soins car ils sont handicapés ou infectés par des maladies humaines comme l’herpès simplex et l’hépatite A ou B.
Du fait de leur appariement monogame, les équipes cherchent à trouver pour chaque individu un partenaire de vie car ces espèces ne supportent pas la solitude.
“En captivité, on résume trop souvent un couple à deux animaux qui acceptent de vivre ensemble… Alors que parfois les animaux se tolèrent uniquement et sont obligés de vivre ensemble… Donc dans un environnement libre, ils pourraient se séparer… Mais ce qui est certain c’est que la monogamie reste stricte avec des animaux complètement adultes : on ne peut mettre qu’un male et une femelle dans une même volière. Dans le cas contraire, il peut y avoir une hiérarchie artificielle qui s’installe entre les mâles ou les femelles, mais cela ne tiendra qu’un temps, et elle générera de graves conflits.”
Chanee
Les relâchés sont compliqués car le Gibbon est un primate ayant besoin de plusieurs hectares pour s’établir mais la déforestation l’en empêche.
Depuis son ouverture, Kalaweit prend en charge une plus grande variété d’espèces indonésiennes : ours,crocodiles, macaques, civettes, loris, etc. Plus de 400 animaux pour 2 centres de soins.
Ils ont également développé des patrouilles de surveillance pour protéger la forêt et la faune.
En poésie et en littérature chinoises, le mot “yuán” désignait spécifiquement les Gibbons jusqu’à leur disparition de la majeure partie du pays au XIVème siècle. Les premiers écrivains chinois considéraient les Gibbons, qui se déplaçaient gracieusement à la cime des arbres, comme les “gentlemen” de la forêt, par opposition aux macaques avides, attirés par la nourriture humaine.
Les taoïstes attribuaient des propriétés occultes aux Gibbons, les croyant capables de vivre plusieurs centaines d’années et de se transformer en humains.
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