Le Renard gris et le Renard insulaire sont génétiquement très éloignés de tous les autres canidés. Ces canidés atypiques sont les seuls à avoir des griffes semi-rétractiles qui leur permettent d’avoir un mode de vie semi-arboricole.
Il y a 8 à 12 millions d’années, un étrange canidé s’est isolé des autres, en formant une lignée évolutive différente. Aujourd’hui, le Renard gris (Urocyon cinereoargenteus) est donc très éloigné des autres canidés. Il n’appartient ni au groupe des lupoïdes, ni à celui des canidés d’Amérique du sud, et pas même aux vulpoïdes si spéciaux vus dans les précédents articles. Il est génétiquement différent de tous.
Par la suite, il y a 9.000 à 7.000 ans, des Renards gris ont suivi un groupe d’Humains dans leur colonisation des îles du sud de la Californie. Isolés génétiquement, ils ont fini par former une nouvelle espèce: le Renard insulaire (Urocyon littoralis). 6 îles (sur les 8 de cette région) abritent une sous-espèce de Renard insulaire bien à part.
Le Renard gris, quant à lui, rassemble 16 sous-espèces réparties en Amérique du Nord et Centrale. On observe des différences physiques plus ou moins importantes en fonction des régions et des sous-espèces.
On considère le Renard insulaire, de la taille d’un petit Chien de type Bichon (30cm au garrot), comme étant la version naine du Renard gris, de la taille d’un Carlin (35 cm). En effet, quand des espèces se retrouvent isolées sur une île, en général sans prédateurs, elles changent souvent de taille. Elles peuvent ainsi devenir géantes, comme les Tortues géantes des Galápagos ou bien le Dodo; ou naines, comme l’Homme de Florès ou notre Renard insulaire.
Grâce à leurs griffes semi-rétractiles, ils sont parmi les rares canidés à grimper aux arbres, avec le Chien viverrin et le Chien chanteur de Nouvelle-Guinée. Ils les escaladent pour jouer, chasser, se reposer ou fuir un danger.
L’absence de prédateurs sur les îles a rendu le Renard insulaire peu farouche
Sur le continent, les prédateurs du Renard gris sont les Coyotes, les Lynx, les Cougars, les Chiens et les grands rapaces. D’ailleurs, les Coyotes ne consomment jamais les carcasses de Renard gris, suggérant qu’ils les tuent juste pour éviter la compétition. On observe la même chose chez les Lions avec les Lycaons.
Le Renard insulaire en revanche n’avait aucun prédateur avant l’arrivée de l’Aigle royal (Aquila chrysaetos) dans les années 1990, ce qui engendre plusieurs conséquences. La première est qu’il n’est pas peureux, même en présence d’Humains, voire de voitures. Ainsi, le Renard gris se trouve seulement dans les milieux boisés, alors que le Renard insulaire est présent dans tous les biomes. L’autre conséquence est que les insulaires sont majoritairement diurnes, tandis que leurs cousins du continent sont nocturnes.
Sur ces îles, les espaces vitaux des animaux sont réduits. Celui du Renard insulaire de Santa Cruz est ainsi le plus petit de tous les espaces vitaux des canidés, avec seulement 0,34 km² !
Tout comme les Singes, ces Renards s’épouillent entre eux !
Principalement solitaires, les Renards gris et insulaires vivent en unité familiale en été et se séparent à l’automne. Monogames parfois pour plusieurs années, les deux parents élèvent les renardeaux. La mère change ses petits de terriers toutes les deux semaines pour éviter les prédateurs.
Opportunistes, ils chassent surtout des petits mammifères (Lapins, Souris, Rats, Écureuils…), mais également des oiseaux, des lézards et des insectes. Ils mangent plus de fruits, sauvages ou cultivés (baies et maïs par exemple) que n’importe quel autre Renard. Dans certaines régions, les plantes et les fruits constituent jusqu’à 86% de leur régime! Leur alimentation varie en fonction de la disponibilité des ressources, et donc des saisons.
Ils ont des dents fragiles qui ne leur permettent pas de manger les os. Ils peuvent même parfois se nourrir de Chats ou de petits Chiens, ou fouiller dans les déchets humains. D’ailleurs, on peut confondre leurs empreintes avec celles d’un Chat !
Concernant leurs interactions, ils ont des vocalisations inquiétantes et des glandes qui émettent une forte odeur qui se rapproche de celles de la Moufette. On observe des comportements d’épouillage entre adultes, ainsi que des adultes envers les petits.
Si on chasse le Renard gris, cela ne le menace pas. Le Renard insulaire en revanche a vu ses populations diminuer de 95% depuis 1994. La prédation par l’Aigle royal (Nelly Pons nous en parle dans l’épisode 28 de Combats) ainsi que la transmission de maladies causent cette diminution. On l’a alors considéré comme en danger d’extinction. Aujourd’hui, les effectifs sont remontés et il est donc officiellement repassé en statut “quasi menacé”.
Le Renard gris de San Clemente (Urocyon littoralis clementae) en particulier, chasse la très menacée Pie-grièche migratrice (Lanius ludovicianus mearnsi). C’est alors qu’en 1999, des campagnes de captures et d’euthanasie des Renards ont fait diminuer la population de moitié. On a donc déclaré la sous-espèce “en danger” en 2003… Cet exemple montre l’intérêt de prendre en compte l’écosystème entier !
Pour aller plus loin:
• Le livre “Canidés du monde” , de José R. Castello, éditions Delachaux Niestlé, 2020
• Cet article de Roemer & Wayne, 2003, sur la conservation du Renard insulaire de San Clemente et la Pie-grièche migratrice