Le record du plus lourd oiseau volant appartient au mâle de la Grande Outarde (Otis tarda), qui pèse jusqu’à 20 kg. Dimorphisme sexuel oblige, les femelles de l’Outarde sont beaucoup plus petites (5 kg). Qui est cet oiseau mal connu ? Qui sont les autres poids lourds volants ? D’où vient l’étymologie peu reluisante de son nom : avis tarda, “l’oiseau lent” ?
Dans la famille “oiseaux”, je demande les plus lourds. Attention aux subtilités et aux catégories !
- Le plus grand et le plus lourd oiseau actuel est l’Autruche d’Afrique (Struthio camelus). Avec une taille de 2 m et un poids d’environ 165 kg. Mais c’est bien connu l’autruche ne vole pas.
- Le plus grand oiseau volant du monde (et un des plus lourds) est l’Albatros hurleur (Diomedea exulans) : avec une envergure alaire de 3,5 mètres pour environ 10 kg. Parmi les plus lourds oiseaux volants actuels figurent aussi le Pélican et le Cygne.
- L’espèce d’oiseau volant dont le poids moyen est le plus lourd est le Condor des Andes avec avec un poids moyen de 12,5 kg.
Les géants des airs du passé
D’autres “poids lourds” ont sillonné les cieux préhistoriques. Le record absolu est détenu par Argentavis magnificens.
Cette espèce ressemblant à un vautour géant vivait en Amérique du Sud au Miocène, il y a environ 6 à 8 millions d’années.
Il est le plus lourd volatile ayant jamais volé sur Terre. D’une envergure avoisinant les 7 mètre ! Son poids moyen était celui d’un homme : 72 kg. Il pouvait peser jusqu’à 120 kg. Cet énorme prédateur ne pouvait vivre que dans les régions très venteuses d’Amérique du Sud.
“Ce magnifique argentin” était taquiné sur son record d‘envergure par Pelagornis Sandersi, un oiseau de mer gigantesque, apparu après l’extinction massive des dinosaures (-65 millions d’années), éteint il y a trois millions d’années.
L’outarde, un “oiseau lent” ?
La famille des outardes comporte 26 espèces, dont l’Outarde Kori (Ardeotis kori en Afrique) ou l’Outarde Canepetière (Tetrax tetrax en France). Certaines espèces arborent au niveau de la tête des plumes décoratives, qui évoquent des “oreilles en plumes”, ce qui a inspiré le nom latin du genre : Otididés.
Leur nom vernaculaire, Outarde a une origine peu reluisante pour notre bel oiseau. Le nom “Outarde” vient du latin Avis tarda, qui signifie “oiseau lent”. Cette appellation est due à la réputation qu’avait autrefois l’oiseau de tarder à s’envoler ou de s’enfuir en marchant, ce qui en fait une cible facile. François Rabelais, dans Pantagruel, écrit un passage allant dans ce sens.
Cette idée de lenteur est due à une erreur d’interprétation. En effet, les mâles de la Grande Outarde (Otis tarda), effectuent de longues et spectaculaires parades nuptiales, où ils tentent d’attirer les faveurs des femelles. Épuisés par tant d’ardeurs, certains mâles ne parviennent dès lors plus à s’envoler.
L’Outarde est peut être un oiseau lent dans certaines circonstances, mais ce qui est sûr c’est que l’Outarde est bon an mal an le plus lourd oiseau volant du monde. Chez la Grande Outarde, les mâles sont en effet 2,5 fois plus lourds que les femelles. Ces messieurs pèsent en effet jusqu’à 20 kilos contre 5 en moyenne pour les femelles.
“T’es lourd Raoul !”
Le mâle est polygame et s’accouple avec plusieurs femelles. Le fait de se constituer un tel harem augmente ses chances de succès reproductif. Les accouplements ont lieu sur des sites de rencontres : les leks collectifs où plusieurs mâles se rassemblent. Les danseurs y paradent de concert pour augmenter leurs chances d’attirer plus de femelles.
Ces leks sont souvent très étalés dans l’espace et évoluent au cours de la saison, d’où l’appellation de “lek éclaté”. De plus, ils sont déplacés çà et là, c’est pourquoi on parle de “lek mobile”.
L’Outarde : un oiseau au bord de l’extinction en France
En France, nous avions jusqu’au siècle dernier la Grande Outarde (Otis tarda) ou Outarde barbue qui a disparu. Nous avons toujours la rarissime Outarde canepetière (Tetrax tetrax) dans les plaines céréalières de l’Ouest ou certaines zones pierreuses de la Crau.
L’agriculture moderne ayant joué un rôle considérable dans le déclin de l’espèce, un plan national d’action prévu sur 10 ans (entre 2020 et 2029) a vu le jour afin d’améliorer l’état de conservation de l’Outarde.
L’étymologie de l’Outarde canepetière est elle aussi très originale. Comme l’explique Pierre dans le podcast Nomen, le nom de cette oiseau vient des cris de fuite qui évoquent… des pets.
Plutôt que de finir cet article sur ces histoires de pets nous vous proposons plutôt de relire ce célèbre poème de Baudelaire concernant un autre géant volant :
“Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.
A peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d’eux.
Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
Lui, naguère5 si beau, qu’il est comique et laid !
L’un agace son bec avec un brûle-gueule,
L’autre mime, en boitant, l’infirme qui volait !
Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l’archer ;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.”
Charles Baudelaire, “L’Albatros”, Les Fleurs du mal, 1859
Pour aller plus loin :
- Plan national d’action pour l’Outarde canepetière : https://outardecanepetiere.fr/le-plan-national-d-actions/le-3e-plan-national-d-actions-2020-2029 / https://www.lpo.fr/la-lpo-en-actions/conservation-d-especes-menacees/plans-nationaux-d-actions/pna-en-faveur-de-l-outarde-canepetiere
- Notre article sur le Condor des Andes : https://baleinesousgravillon.com/le-condor-des-andes/
- Notre article sur le Kakapo, qui utilise aussi des leks : https://baleinesousgravillon.com/43-le-kakapo/
- L’étymologie de l’Outarde dont nous vous avons parlé dans cet épisode de Nomen
- N’hésitez pas à écouter notre série de podcast sur la bioacoustique
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