Cette interview de Paul Watson, le mythique fondateur de Sea Shepherd a été réalisée en anglais pour le podcast Demain n’attend pas, et rediffusée dans Combats. Nous proposons ici la retranscription complète en français. Voici la 2e partie de l’entretien consacrée à la chasse à la baleine; à la stratégie pour le moins radicale et efficace de Paul Watson, et le recours au célébrités pour la cause.
Delphine Darmon : Ce qui fait que Sea Shepherd se distingue, c’est sa manière d’agir : l’action directe. Pouvez-vous nous dire ce que vous faites concrètement pour empêcher le massacre des baleines ?
Paul Watson : Dans le cas de la flotte baleinière Japonaise, c’était une tactique très simple. Pour qu’ils arrêtent de chasser, tout ce que nous avons à faire, c’est les empêcher de charger les baleines mortes depuis les navires harponneurs vers le navire-usine. Il me suffit de placer mon navire directement derrière le navire-usine, pour qu’ils ne puissent pas remonter une baleine. Cette tactique leur a coûté beaucoup d’argent, il y a eu de nombreuses confrontations, des collisions et autres, mais cela les a ralenti.
L’autre tactique consistait à les empêcher de se ravitailler en carburant dans l’océan Austral, en s’interposant entre les navires ravitailleurs, les navires-usines et les navires harponneurs. Chaque année, nous y arrivions de mieux en mieux. La première année, nous les avons empêchés de prendre 10% du quota, puis 30% du quota, puis 40%, et enfin sur la campagne de 2012/2013, ils n’ont pris que 10% du quota. Nous avons sauvé 90 % des baleines qu’ils ciblaient, et nous leur avons fait perdre plus de 150 millions de dollars.
Ce n’était plus du tout rentable pour eux. Bien sûr, ils étaient très en colère et ils l’ont fait savoir, nous accusant “d’actions illégales”. A chaque fois que la Commission baleinière internationale a été saisie, le verdict a condamné l’activité de la flotte baleinière japonaise et l’a jugée illégale.
Ils ont ensuite été condamnés par la Cour Internationale de Justice, nos actions étaient donc justifiées.
Et puis, nous avons aussi poursuivi et coulé des baleiniers.
Delphine Darmon : Il n’y avait personne à bord!?
Paul Watson : Non, il n’y avait personne à bord ! On a coulé deux bateaux en Norvège. On les a sabordés à la tombée de la nuit, le jour de Noël, quand on savait que tout le monde ferait la fête et qu’il n’y aurait personne à bord. Mais les navires baleiniers sont nombreux et nous ne pouvions pas stopper l’ensemble du trafic en Norvège en coulant seulement un ou deux baleiniers.
Ce que nous pouvions aussi faire, c’était augmenter leurs primes d’assurance. Une fois que les compagnies d’assurances ont vu qu’un baleinier avait été coulé, elles ont exigé qu’il souscrivent à une assurance de guerre, ce qui a fait augmenter les primes de façon considérable. Cela devenait donc beaucoup plus coûteux pour eux de continuer la chasse à la baleine, parce qu’ils savaient que potentiellement, leurs bâteaux pouvaient être coulés.
Delphine Darmon : Malin ça, Paul ! Vous avez également beaucoup travaillé sur la protection des phoques, et lutté contre leur massacre. C’est une chasse qui n’est pas pratiquée ici, et beaucoup d’Européens ignorent tout de ce massacre. Pouvez-vous nous éclairer à ce sujet?
Paul Watson : Ayant grandi dans les provinces de l’Est du Canada, je connaissais bien ce problème, ce massacre de centaines de milliers de bébés phoques tués chaque année. Ce sont des phoques âgés de sept à quatorze jours, qui sont tués pour leur fourrure. Ce sont des créatures sans défense, vous vous approchez d’elles, elles vous regardent et se font assommer!
Depuis tout petit j’ai toujours voulu faire quelque chose à ce sujet. J’ai donc organisé les premières campagnes de Greenpeace pour y remédier. Nous sommes allés là-bas en 75, 76 et 77. On a emmené Brigitte Bardot sur la banquise. Et ça a été une révélation, parce qu’elle a joué un rôle très important pour nous aider à mettre fin au massacre, sa présence à été beaucoup plus efficace que tout ce que nous avions fait jusque là.
Et c’est là que nous avons réalisé l’importance de la célébrité et de la culture médiatique. Amener Brigitte là-bas nous garantissait de faire les couvertures de Paris Match et de Bunte, et de presque tous les grands magazines de ce genre dans le monde. Nous avons donc décidé que si nous voulions réussir, nous devions comprendre comment utiliser les médias. Depuis, j’ai travaillé avec de nombreuses autres célébrités, comme Bo Dereck, Pierce Brosnan et bien d’autres, et cela nous aide vraiment à faire passer les messages.
Cette campagne de longue haleine a été couronnée de succès, car en 2008 l’Europe a adopté un projet de loi interdisant les produits dérivés du phoque canadien en Europe, et ces produits ont été interdits dans la plupart des pays du monde. Ainsi, même si le quota actuel est de 400.000 bébés phoques, le nombre réel de phoques tués ne représente que 10 % de ce chiffre. Parce qu’il n’y a pas de marché. En fait, nous avons tout simplement détruit ce marché.
(à suivre …)
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L’intégrale de l’interview de Paul Watson en 7 épisodes :
- Paul Watson, l’interview (1/7) : De l’enfance aux premières campagnes
- Paul Watson, l’interview (2/7) : Stratégie, sabordages et … Brigitte Bardot
- Paul Watson, l’interview (3/7) : Médias et États
- Paul Watson, l’interview (4/7) : Bateaux et bénévoles
- Paul Watson, l’interview (5/7) : La désobéissance civile jusqu’où ?
- Paul Watson, l’interview (6/7) : La (sur)pêche
- Paul Watson, l’interview (7/7) : De l’enfance aux premières campagnes
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Pour écouter les épisodes de l’interview de Paul Watson, en anglais :
- https://bit.ly/PW1_prologue_CBT
- https://bit.ly/PW2_naissances_CBT
- https://bit.ly/PW3_campgs_proces_CBT
- https://bit.ly/PW4_heritage_CBT
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Pour écouter les épisodes de BSG avec Lamya Essemlali :
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Pour en savoir plus sur la démission/éviction de Paul Watson de Sea Shepherd États-Unis, voici la lettre qu’il a publiée sur le site de Sea Shepherd France.
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Pour écouter ou voir la dédicace que Paul Watson a fait à Baleine sous Gravillon :
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Pour découvrir “Demain n’attend pas”, de l’amie Delphine Darmon :
Un mardi sur deux, DEMAIN N’ATTEND PAS vous propose de découvrir des hommes et des femmes qui se donnent pour mission de changer le monde, comme Combats, c’est bien normal qu’on soit copains avec Delphine Darmon, l’hôte de DNP.
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