Peint sur les parois des grottes, sculpté dans l’ivoire de ses propres défenses, le Mammouth avait une symbolique puissante pour les Humains l’ayant côtoyé. Loin d’être tous des géants porteurs de trompe aux dents colossales, cette lignée de Mammifères connaît aussi des animaux de petites tailles. Petit voyage rapide dans le temps pour découvrir l’évolution du Mammouth.
Vous connaissez sans doute les quelques espèces actuelles de Proboscidiens, les “porteurs de trompe”. En effet, il y a en a seulement trois, deux espèces africaines du genre Loxodonta : l’Éléphant de savane et l’Éléphant de forêt, et l’Éléphant d’Asie du genre Elephas. Ces trois géants sont les derniers représentants d’une lignée autrefois florissante qui a peuplé le monde entier, des îles méditerranéennes jusqu’à la Colombie. La disparition des Mammouths marque la fin de la diversité pour les Proboscidiens.
L’histoire commence au Nord de l’Afrique, au Maroc, il y a 60 millions d’années. Peu après l’extinction Crétacé-Paléogène, les Mammifères connaissent une explosion de diversité suite à la disparition des Dinosaures (sauf les Oiseaux). Parmi ces nouvelles espèces, il y a Eritherium, un petit animal de 20 cm au garrot pour 10 kg, un poids plume… Les fragments de mâchoires et les dents retrouvés au Maroc, permettent de le rattacher aux Proboscidiens, il en est le plus ancien représentant connu. Eritherium démontre ainsi que, contrairement à la majorité des autres Mammifères emblématiques d’Afrique (Félins, Zèbres, Antilopes, Girafes et Hippopotames), l’Éléphant est le seul à être apparu en Afrique (avec des cousins les Damans, les Musaraignes-éléphants et l’Oryctérope).
Défense de se tromper dans la famille
Au cours du Cénozoïque, l’ère tertiaire, les Proboscidiens se sont diversifiés, donnant des espèces aux proportions gigantesques. Deux lignées principales, que l’on différencie grâce à leurs défenses apparaissent à la fin de l’Eocène, il y a 26 à 28 millions d’années. Elles n’ont pas de cornes mais des dents, les plus grandes du règne animal, des incisives développées, devenues des défenses. D’un côté, les Deinothères, ou “terribles bêtes” (oui c’est le même “Deinos” que dans Dinosaures et Dinornis) possèdent des défenses situées sur la mâchoire inférieure qui pointent vers le bas. De l’autre une lignée encore présente aujourd’hui : celle des Elephantiformes, dont les défenses se situent sur la mâchoire supérieure.
Elephantiformes, avec un nom pareil, vous devez penser qu’on a enfin affaire à des animaux avec une vraie tête d’Éléphant actuel… pas si sûr car il y a plusieurs familles. Celle du Mastodonte américain se caractérise par des défenses assez droites par rapport à celles de ses cousins. Les Gomphothères, eux, possèdent quatre défenses, deux inférieures en forme de pelle et deux supérieures pointant vers le bas. Enfin les Elephantidae, la famille de nos Éléphants et des Mammouths avec leurs défenses battant tous les records de taille.
Evolution : Un Mammouth peut en cacher un autre
Des Mammouths, au pluriel, car il en existe une dizaine d’espèces. Le fameux Mammouth laineux, Mammuthus primigenius, sera la dernière de la lignée. Comme les premiers Proboscidiens, les premiers Mammouths sont africains… et plutôt du Sud. Le plus vieux Mammouth est apparu il y a 4 millions d’années et vit en Namibie dans des zones de forêts humides, bien loin des steppes gelées. Lors de leur évolution, les Mammouths migrent hors d’Afrique et donnent plusieurs espèces. L’une d’elles, le Mammouth méridional, est un géant d’Eurasie qui peut atteindre 4 à 5 mètres au garrot avec des défenses de 5 mètres de long. Animal forestier, il ne portent toujours pas de toison laineuse.
L’étude des différents squelettes et de la période d’existence permet d’établir des liens de descendance entre les différentes espèces de Mammouths. Il y a 1,5 millions d’années, lorsque les glaciations font baisser le niveau des océans, le Mammouth méridional franchit le détroit de Béring, et gagne l’Amérique du Nord. Il laisse place, au cours de son évolution, au Mammouth de Colomb qui donnera une espèce naine sur les îles de Californie : Mammuthus exilis. C’est un cas de nanisme insulaire. En effet, pour des raisons de survie, les espèces de grande taille tendent à devenir plus petites lorsqu’elles sont sur des îles avec des ressources alimentaires limitées. L’avantage est aux petits individus car ils ont besoin de moins de nourriture.
En Eurasie, il y a 600.000 ans, le Mammouth méridional évolue, au fil des générations, et devient le Mammouth des steppes, ancêtre du fameux Mammouth laineux (enfin!). A cette époque en Europe, se balade aussi notre cousin Homo heidelbergensis. L’Humain moderne, Homo sapiens (vous, moi, nous), n’apparait en Afrique que 300.000 ans plus tard, mais c’est une autre histoire ! Revenons à notre ami laineux, il franchit le détroit de Béring, il y a 200 000 ans et rejoint son cousin de Colomb en Amérique. Pas de bagarre, l’un est plus adapté au froid que l’autre, le Mammouth de Colomb vit bien plus au sud.
Dessine-moi un Mammouth laineux
Sur les parois des grottes comme sur nos écrans, avec Manny dans le film d’animation “L’Âge de glace”, le Mammouth laineux occupe une place importante dans la culture humaine. Les Hommes de Néanderthal chassaient le Mammouth, comme l’atteste un squelette découvert en Italie. Les Humains modernes aussi, en Sibérie, une pointe de lance est retrouvée plantée dans une omoplate. Cette activité semble être exceptionnelle car des herbivores plus faciles à capturer et à tuer vivaient en grand nombre. De plus, Yuka, un jeune mammouth retrouvé congelé en Sibérie, a été tué par un grand prédateur mais des os et de la chair ont été prélevés peu de temps après sa mort par des Humains… jouant les charognards.
Les os, la peau et les défenses servaient de matériaux de construction pour des habitations rondes, parfois semi-enterrées. D’ailleurs, certains des ossements de la même hutte avaient des milliers d’années d’écart, ce qui tend à montrer que les Humains récupéraient les os sur des carcasses trouvées dans la steppe. Ils pouvaient aussi les brûler comme combustible dans des régions avec peu de bois. Tout est bon chez le Mammouth !
Comme aujourd’hui, l’ivoire était déjà très recherché pour la fabrication d’objets. La Dame de Brassempouy est l’une des plus anciennes représentations de visage humain réaliste (25000 ans). Si on ignore la raison pour laquelle cette sculpture a été réalisée, l’ivoire servait aussi à faire des amulettes, des pendentifs et des perles… et il y a de quoi faire avec une dent de 3,5 mètres de long !
Les Mammouths sont aussi très représentés dans l’art pariétal. Dans la grotte Chauvet, en Ardèche, occupée il y a 37000 à 28000 ans), les pachydermes représentent 19 % des réalisations. Même constat dans la grotte de Rouffignac (Périgord), plus récente (13000 ans), qui abrite 158 gravures de Mammouths sur 250 représentations animales. Là-aussi, il y a peu de certitude sur le rôle de cet art, toutefois les animaux les plus représentés ne sont pas les plus chassés ou consommés. Les Félins, les Mammouths et les Rhinocéros laineux finissent sur les parois des grottes, alors que les rennes finissent plutôt dans les estomacs.
Au cours de son évolution, le Mammouth laineux est devenu le champion de l’isolation thermique mais cela deviendra son point faible. Il disparait à la fin de la dernière période glaciaire. Les spécimens découverts congelés dans le permafrost sibérien nous offrent des trésors d’informations et donnent des idées à des fans de Jurassic Park !
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Mammouth 2/2 : Une disparition bientôt au passé ?
Pour écouter l’épisode sur le Mammouth : NOMEN S02E41
Pour en savoir plus sur les Gigafaunes du passé, retrouvez les épisodes avec Pierre-Olivier Antoine :
- https://bit.ly/gigafaune1_BSG
- https://bit.ly/gigafaune2_BSG
- https://bit.ly/gigafaune3_BSG
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