Skip to main content

De “La Guerre du Feu” à “L’Âge de glace”, plusieurs milliers d’années après la disparition du Mammouth, cet animal fascine toujours, à tel point que certains scientifiques et investisseurs voudraient le faire revivre.  

Les représentations dans les grottes nous donnent un aperçu de l’aspect du Mammouth avant sa disparition. Mais si les Mammouths sont si célèbres , c’est que des individus ont été trouvés dans le congélateur à ciel ouvert qu’est le permafrost sibérien. La conservation est telle que nous savons que tous les Mammouths n’étaient pas roux, quelques-uns étaient blonds et d’autres avaient le poil noir. 

Une armure contre le froid

Reconstitution d'un Mammouth laineux. Disparition du mammouth
Reconstitution d’un Mammouth laineux au Royal British Columbia Museum – Par WolfmanSF – CC BY-SA 3.0

Leur fourrure est composée de deux couches. D’abord, une sous-couche de poils fins pour conserver de l’air chaud près du corps, ensuite un manteau de poils longs… d’un mètre, le jarre. Si la peau des Mammouths n’est pas plus épaisse que celle des Éléphants actuels, elle cache en revanche une isolation de 10 cm de graisse. Afin d’éviter les déperditions de chaleur, les oreilles et la queue sont très courtes. On est très loin de la passoire thermique puisque même l’anus est protégé du gel par des replis de peau. Dans l’armure anti-froid du Mammouth, il n’y a pas de trou…

Toute sa physiologie est adaptée à un climat froid. Grâce aux fragments d’ADN découverts dans les carcasses congelées, des scientifiques ont pu fabriquer de l’hémoglobine de Mammouth. Les tests ont montré qu’elle pouvait encore transporter le dioxygène dans le sang même à des températures proches du gel. Les extrémités du corps de l’animal étaient donc toujours bien oxygénées, sans avoir à dépenser trop d’énergie pour les maintenir à une température élevée. 

La disparition du Mammouth à cause du réchauffement climatique

Une fois bien isolé du froid, gare aux coups de chaud ! Alors que les Mammouths ont survécu à plusieurs glaciations et réchauffements successifs, ils finissent par tous s’éteindre lors de la dernière alternance. Les derniers Mammouths disparaissent d’Europe et d’Amérique du Nord, il y a 10.000 ans. Quelques populations résistent dans des îles, devenant des Mammouths nains. Sur l’île Saint-Paul en Alaska, ils s’éteignent il y a 8000 ans. Les derniers survivants sont ceux de l’île de Wrangel, en Sibérie. Ils survivent jusqu’à il y a 3700 ans, soit près de 1000 ans après la construction de la pyramide de Khéops en Egypte. 

Les raisons de l’extinction sont probablement multifactorielles mais l’Être humain ne semble pas avoir le rôle majeur cette fois-là. Un réchauffement rapide a entraîné la disparition de tout un écosystème, la steppe à Mammouths. 

Celle-ci est bien différente de la toundra actuelle couverte de mousses. La végétation de la steppe est composée d’herbacées variées, de plantes basses et de quelques arbres. Cette composition est connue grâce aux pollens et aux crottes de Mammouth préservés dans le permafrost. 

Reconstitution de la Steppe à Mammouth. Disparition du Mammouth
Reconstitution de la steppe à Mammouth avec des Chevaux, des Rhinocéros laineux, des Lions des cavernes et des Rennes – Par Mauricio Antón – CC BY 2.5

Pleistocene Park, un remake avec des Mammouths ?

L’ADN résiste très mal au temps. Au-delà d’un million d’années, il ne reste plus grand chose. Oui mais les Mammouths sont bien plus récents et certains sont congelés. Par exemple, Lyuba a été découverte parfaitement conservée dans le permafrost, 42 000 ans après sa mort par noyade (la boue retrouvée dans sa gorge permet de déterminer la cause de sa mort). Cette petite femelle n’avait que 30 jours et son estomac contenait du lait. Avec un tel niveau de conservation, on retrouve de l’ADN. Si Spielberg a réussi à faire revivre le Tyrannosaure sur nos écrans, qu’est-ce qui empêche des scientifiques de faire revivre le Mammouth ?!

C’est l’objectif de plusieurs équipes dans le monde, comme celle du projet “Colossal” aux États-Unis. La principale raison avancée pour porter ce projet est éco…logique (?). La présence des Mammouths permettrait de stabiliser le sol en le compactant. Cela aurait pour effet de maintenir le méthane, un puissant gaz à effet de serre, dans le sol gelé. Les géants ressuscités permettraient de limiter le réchauffement climatique. Pour avoir cet impact, il faudrait des milliers de Mammouth… C’est pour sauver la planète et en plus c’est fun ! Alors on se lance dans le génie génétique ? C’est plus facile à dire qu’à faire.

Méthode 1 : La technique du multiclonage

Illustration de Bouquetin des Pyrénées
Le Bouquetin des Pyrénées

La première solution pour annuler la disparition du Mammouth serait d’en cloner un. Pour cela, prenez une cellule de Mammouth puis prenez le noyau avec son ADN. Placez-le dans un ovule d’une Éléphante d’Asie (l’espèce actuelle la plus proche des Mammouths). Insérez l’ensemble dans une mère porteuse, laissez reposer pendant 22 mois (le temps de la gestation), et sortez le petit Mammouth du chaud… Facile.

Les problèmes :

  • Quand on congèle une cellule, l’eau se transforme en glace, son volume augmente et elle éclate. L’ADN s’abîme. À ce jour, aucune cellule de Mammouth intacte n’a été découverte. 
  • On sait faire du clonage de Mammifère, mais les clones ont une espérance de vie plus courte.  L’expérience de désextinction a déjà été tentée avec le Bouquetin des Pyrénées (Capra pyrenaica pyrenaica) disparu en 2000. En 2003, 258 embryons sont créés pour seulement 2 qui dépassent les 2 mois de gestation avant d’avorter. En 2009, un clone naît mais meurt au bout de quelques minutes d’une défaillance des poumons. Résultats des courses, Le bouquetin des Pyrénées s’est éteint 2 fois !

Méthode 2 : La recette du Mammouphant

 Deuxième recette de Mammouth : par insémination artificielle. Prenez des spermatozoïdes dans la carcasse congelée d’un beau mâle Mammouth et fécondez un ovule d’Éléphante d’Asie. 22 mois de gestation et sortez votre hybride mi-Mammouth mi-Éléphant d’Asie… le Mammouphant. Répétez l’opération plusieurs fois jusqu’à l’obtention d’un troupeau de Mammouphants. Une fois qu’ils sont en âge de se reproduire, croisez les Mammouphants entre-eux. Avec une sélection rigoureuse sur plusieurs générations, vous obtiendrez des animaux avec uniquement des gènes de Mammouth. Sur le papier c’est possible, on a bien réussi à transformer les Loups en chihuahua…

Les problèmes : 

  • La date de péremption des spermatozoïdes congelés de Mammifère ne dépasse pas les 15 ans. 
  • Cette hybridation peut ne pas être viable. 
  • Cela prendrait très très très longtemps. 22 mois par grossesse puis des années de croissance avant d’atteindre la maturité pour se reproduire multiplié par le nombre de générations nécessaires. 

Méthode 3 : Un Éléphant OGM

La troisième possibilité : faire un Éléphant génétiquement modifié. Grâce aux nombreux spécimens de Mammouths découverts congelés, les scientifiques connaissent le génome complet de l’espèce. En le comparant avec celui de son plus proche cousin, l’Éléphant d’Asie, il est possible d’identifier les quelques différences séparant les 2 espèces. On prend alors une cellule d’Éléphant et on y insère quelques gènes de Mammouth judicieusement choisis. On place le noyau de la cellule obtenue dans un ovule. Pour la suite, c’est encore la même recette : on attend 22 mois. 

Vous avez dit “éthique” ? 

La désextinction des Mammouths reste très hypothétique. À l’heure actuelle, les technologies et le matériel biologique ne le permettent pas. 

Éléphant d'Asie
Éléphant d’Asie – Par Steve Garvie – CC BY-SA 2.0

Toutes les solutions avancées impliquent l’Éléphant d’Asie, une espèce menacée et en déclin. Chaque femelle utilisée dans ces projets n’est pas disponible pour assurer la reproduction et la survie de l’espèce. Les moyens technologiques et financiers engagés pourraient l’être pour préserver les êtres vivants menacés par les activités humaines.

La disparition du Mammouth a lieu à la fin de la dernière période glaciaire. Ces animaux sont faits pour les climats froids. Depuis 10 ans, les records de températures tombent les uns après les autres y compris dans le cercle arctique. La steppe à Mammouths, cet habitat si particulier assurant l’alimentation des géants des glaces, n’existe plus. La réintroduction d’une espèce nécessite que son habitat soit viable, il en va de même pour une espèce disparue. La faire revivre engage l’humanité à lui fournir une place durable. 

Quand une espèce comme le Mammouth disparaît, elle entraîne avec elle tout un pan de la biodiversité. Combien d’espèces vivaient dans son manteau de poils ? Combien d’insectes coprophages dépendaient des ses excréments ? Combien de microbes vivaient uniquement dans ses intestins l’aidant à digérer ? Faire revivre une espèce seule, c’est oublier que tous les êtres vivants sont liés, qu’ils fonctionnent ensemble dans un écosystème. Il est possible que les recherches sur le Mammouth permettent de sauver, par le génie génétique, des espèces actuelles en voie de disparition, mais cela ne doit pas nous empêcher de les protéger… tant que c’est encore possible.

_______

Mammouth 1/2 : L’évolution d’une famille qui trompe énormément

Pour écouter l’épisode sur le Mammouth : NOMEN S02E41

Pour en savoir plus sur les Gigafaunes du passé, retrouvez les épisodes avec Pierre-Olivier Antoine :

Pour en savoir plus sur le dégel du pergélisol en Arctique, retrouvez les articles de Jean-Baptiste Munoz :

_______

Bannière Baleine sous gravillon

One Comment

Laissez un commentaire