Loin d’être des arbres s’adonnant au naturisme, les Nudibranches sont de petits animaux marins qui mesurent rarement plus de quelques centimètres. Mis à l’honneur dans l’épisode 5 de la saison 3 de Petit Poisson Deviendra Podcast, découvrons ces animaux communément appelés Limaces de mer.
Si nous avons l’habitude de voir sortir des Limaces après la pluie, ces mollusques ont, à l’instar de nombreux autres êtres vivants, leur penchant marin. Dans la liste des “quelque chose” de mer, où l’on trouve entre autres le Concombre, la Cigale, le Lièvre, l’Ange, l’Araignée… Il y a également les Limaces.
De manière assez intuitive, les Limaces sont définies comme des gastéropodes sans coquille externe (à l’inverse des Escargots). Mais si les Limaces terrestres et Escargots ont des poumons, les “Limaces de mer”, elles ont des branchies. La proximité avec leurs analogues terrestres ne va donc pas très loin.
La dénomination “Limace de mer” est d’ailleurs ambiguë, elle désigne des animaux n’appartenant pas à un groupe taxonomique unique. On y trouve l’ordre Nudibranchia, qui est dominant en nombre d’espèces et le plus connu, ainsi que 4 autres ordres*. Les plus de 3000 espèces de Nudibranches sont remarquables par leurs couleurs vives et leur morphologie étonnante digne de défilés haute couture. Généralement de petite taille, ces animaux font le bonheur des plongeurs car ils vivent à des profondeurs accessibles.
Dis moi ton nom, je te dirai à quoi tu ressembles
L’étymologie de Nudibranche signifie “branchies à nu”, c’est-à-dire externes. Les Nudibranches portent en effet leurs organes respiratoires en panache sur l’arrière du corps ou bien réparties le long de leur dos. Pour classer les différents Nudibranches, une distinction par la morphologie est plus simple que l’approche rigoureusement taxonomique. Elle permet de distinguer 4 morphotypes : Doridiens, Eolidiens, Dendronotacés et Arminacés.
Les Doridiens ont leurs branchies à l’arrière du corps, en panache autour de l’orifice anal. Les Eolidiens, eux, ont sur leur dos des cérates, de nombreuses extensions qui ressemblent à une multitude de petites flammes. Ces cérates jouent un rôle dans la respiration, l’alimentation et la défense contre les prédateurs en concentrant des cellules urticantes, rien que ça. On y trouve par exemple le fameux Dragon bleu. Le troisième morphotype comprend les Dendronotacés, caractérisés par leurs branchies situées sur l’extrémité du manteau et prenant des formes originales. Enfin les Arminacés ont le dos couvert de stries ou rides, et ont la particularité de pouvoir rétracter leurs rhinophores. Les rhinophores sont de petits organes sensoriels allongés sur la tête qui rappellent les yeux des escargots et que tous les Nudibranches ont.
Mais en parlant d’organes sensoriels et d’yeux… que perçoivent ces animaux marins ? Les Nudibranches ont bien des yeux, rudimentaires, situés à la base des rhinophores. Cependant, ces yeux ne serviraient qu’à distinguer l’obscurité ou la lumière. Leurs rhinophores eux, leur permettent de “sentir” des odeurs dans l’eau, de détecter des molécules chimiques comme leur nourriture, les phéromones de potentiels partenaires sexuels…
L’imbroglio de la taxonomie
Les Nudibranches étaient jusque récemment catégorisées dans l’infra classe des Opisthobranchia, qui signifie “branchies se trouvant à l’arrière du corps”. Si ce fait morphologique n’a pas changé, l’infra classe Opisthobranchia n’est aujourd’hui plus valide. Les espèces qui y était regroupées n’étaient finalement pas si éloignées génétiquement d’espèces qui en étaient exclues. Aussi, un nouveau nom a été trouvé: Euthyneura, qui comprend les anciens Opisthobranches ainsi que les Pulmonés (Limaces et Escargots terrestres).
La classification des espèces selon une caractéristique morphologique est l’une des plus intuitive. Néanmoins les études moléculaires et génétiques montrent qu’elle n’est pas toujours vraie. Deux êtres vivants ayant de nombreux points communs morphologiques ne sont pas nécessairement issus d’un même ancêtre duquel ils auraient évolué. D’ailleurs, lorsque deux espèces acquièrent de manière indépendante des caractères similaires, on dit que c’est une convergence évolutive. Par exemple, les Serpents, Anguilles et Murènes ont tous perdu leurs membres afin de mieux se déplacer dans leur environnement et ont une forme allongée mais ils n’ont pas d’ancêtre commun.
Qui sont les “autres” Limaces de mer ?
Parmi les autres organismes compris dans l’appellation Limaces de mer, il y a notamment les Lièvres de mer (Aplysies). Ce n’est pas une erreur mais bien leur nom vernaculaire, car ces espèces ont des rhinophores, comme les Nudibranches, plutôt longs qui rappellent les oreilles des Lièvres et Lapins. Les Aplysies se distinguent des Nudibranches car ils ont une fine coquille interne, qui en pratique n’est pas visible.
Chez les Sacoglosses, un autre groupe de mollusques, certains se nourrissent d’algues et volent leurs pigments pour se camoufler. Cela va même plus loin: l’Élysie émeraude serait le premier animal chez qui l’on a remarqué la possibilité de faire de la photosynthèse à partir d’éléments photosynthétiques (les plastes) volés à des végétaux. Aujourd’hui, on sait que ce n’est pas la seule : le ver plat de Roscoff est aussi un voleur de plastes. L’Élysie émeraude est très curieuse pour un animal marin, car elle ressemble à une feuille d’arbre. On croirait qu’à l’instar de ces Papillons appelés Citrons, ou des Phasmes, elle imite les feuilles d’arbre pour se cacher… dans l’océan.
Que ce soit chez les Nudibranches ou plus généralement les animaux appelés “Limaces de mer”, il y a de quoi donner du fil à retordre aux plongeurs qui les cherchent et émerveiller ceux qui les trouvent.
*Les 4 autres ordres sont les Sacoglosses, Anaspidea, Pleurobranchomorpha et Cephalaspidea.
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Pour écouter les épisodes de Petit Poisson deviendra Podcast sur les Nudibranches
- S03E05 Les Nudibranches 1/3 : les joyaux des océans : ici
- S03E06 Les Nudibranches 2/3 : La danseuse espagnole et ses cousines, hautes en couleur : ici
- S03E07 Les Nudibranches 3/3 : Leur ponte aussi est sublime : ici
Sources des photos
- Photo de l’espèce Nembrotha kubaryana en tête d’article : Prise par Steve Childs, Indonesia, 2009, source, cc-by-2.0.
- Godiva orange et Nudibranche Doridien bleu et blanc photos de Yann Querrec: compte Flickr ici.
- Élysie émeraude : Photo prise par Patrick Krug, issue de l’article de Cai, H., Li, Q., Fang, X. et al. A draft genome assembly of the solar-powered sea slug Elysia chlorotica. Sci Data 6, 190022 (2019).
- Papillon Citron, photo prise par Harald Süpfle, Creative commons CC BY-SA 3.0.
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