Les Calmars volants, ces créatures des profondeurs qui ont la capacité de s’élancer hors de l’eau pour gagner en vitesse. Et cette vitesse, ils en ont besoin pour fuir leurs prédateurs, et réaliser de grandes migrations.
Illustration de couverture, par Dan Hershman – CC BY 2.0
Vous connaissez sans doute les poissons volants, mais saviez-vous qu’il existe aussi des calmars volants ? Plusieurs espèces peuvent prétendre à ce qualificatif par les sauts qu’elles peuvent effectuer : l’Encornet rouge nordique, Illex illecebrosus ; le Calmar des récifs des Caraïbes, Sepioteuthis sepioidea ; le Calmar de Humboldt ou Encornet géant, Dosidicus gigas… Le plus emblématique reste le Calmar volant japonais, Tadarodes pacificus. Il est capable d’augmenter sa portance pour fuir les prédateurs ou effectuer des migrations.
Quelle différence entre « vol » et « saut » ?
Pour effectuer un saut, il faut prendre de l’élan, s’élancer et retomber avec plus ou moins d’élégance. Dans le cas du vol, il y a des actions supplémentaires pour se maintenir un peu plus longtemps dans les airs. Le vol peut être actif, comme dans le cas des oiseaux et des insectes, ou plané lorsque l’animal se laisse porter.
Dans le cas de nos Calmars volants, certains scientifiques considèrent que les conditions sont remplies pour parler de vol actif. En effet, les Calmars volants japonais remplissent leur manteau d’eau dans le but de créer un réservoir. Ils expulsent le liquide par leur siphon pour se propulser comme avec un moteur à réaction. Cela leur permet de sortir de l’eau tel James Bond avec son jet pack. Une fois la propulsion faite, ils étendent leurs bras et tentacules de façon à s’aplatir afin d’augmenter la portance et de finir en beauté leur vol par un planage.
L’accumulation de toutes ces actions permet au Calmar des récifs des Caraïbes, dans ce cas-là, de s’envoyer en l’air jusqu’à 1,50 mètres au-dessus de la surface. Telle une torpille, le Calmar volant japonais fait des vols furtifs d’une trentaine de mètres à la vitesse de 40 km/h. Les frottements de l’eau, plus importants que ceux de l’air, freinent la vitesse de l’animal. Dans l’air, elle augmente et la fatigue diminue. Ce type de déplacement lui permet de gagner 5 fois plus de temps. C’est un vrai gain d’énergie pour le Calmar.
Calmars volants : vers la surface et au-delà !!
La première raison pouvant expliquer ces vols planés, ce sont les ennemis naturels, comme les Cétacés. S’ils ont la capacité d’aller plus vite, les calmars auront une chance de survivre aux prédateurs. Enfin, cela dépend de quels prédateurs on parle….
Beaucoup de Calmars sont victimes de la pêche mondiale et commerciale. Le Calmar volant japonais est le Céphalopode le plus pêché au monde, en raison de son goût très savoureux. En 2015, la pêche de ces créatures à 10 membres a atteint près de 4,7 millions de tonnes. Elle s’effectue surtout de nuit avec un système que l’on appelle la “turlutte”. Les leurres, en forme de poissons ou de crevettes, sont composés d’une couronne d’hameçons qui ne laisse aucune chance à l’animal. À cela s’ajoutent des lampes incandescentes puissantes qui attirent les animaux vers la surface.
En tant que calmar le plus pêché, le Calmar volant japonais est aussi le plus étudié. Il a permis de faire des avancées dans la compréhension du système nerveux. En effet, l’axone, ou fibre nerveuse, qui contrôle le siphon des calmars, est très épais. Il mesure 1 mm de diamètre, ce qui fait qu’il est 100 à 1000 fois plus large que chez l’Être humain. C’est bien plus facile d’y planter des électrodes pour étudier la transmission des messages nerveux.
Il est aussi étudié par les ingénieurs pour sa bioluminescence, dans le cas des calmars en général, afin d’améliorer certaines technologies. C’est le cas de Sandra Rey, une jeune entrepreneuse française, qui souhaite s’en inspirer pour proposer des éclairages moins dérangeants pour la vie sauvage nocturne.
Toujours plus haut, toujours plus loin…
Lorsque l’on trouve un moyen d’aller plus vite sans se fatiguer, on en profite pour aller plus loin, et bien les calmars volants aussi. Ces derniers migrent de plusieurs manières :
- La migration journalière : il s’agit d’un déplacement vertical de plusieurs centaines mètres. En fin de journée ou début de soirée les calmars quittent la zone mésopélagique, entre 200 mètres et 1000 mètres de profondeur. Ils passent la journée dans l’obscurité des profondeurs et profitent de la nuit pour se nourrir ou se reproduire près de la surface.
- La migration saisonnière : c’est un déplacement horizontal, il peut se faire du grand large vers la côte et inversement, ou bien le long des côtes. Là aussi, les motivations principales semblent être la nourriture et la perpétuation de l’espèce.
- La migration cyclique : chez le Calmar volant japonais, l’individu migre en fonction de son stade de vie (œuf, larve, juvénile et mature). Les adultes matures descendent dans le sud, près de l’équateur et pondent leurs œufs dans les forts courants. Ceux-ci les emportent vers le nord en même temps que des eaux chaudes. La migration commence ainsi qu’une nouvelle vie. Le Calmar volant japonais effectue alors, en 1 an de cycle de vie, une boucle de plusieurs milliers de kilomètres. La migration cyclique peut être aussi bien horizontale que verticale. Les œufs peuvent être pondus au fond des océans, accrochés à des coraux ou des éponges. Puis au cours de leur vie, ils vont remonter vers la surface pour finir leur croissance.
Ces créatures des profondeurs sont connues grâce à leurs immenses rassemblements, aux activités de pêche et à quelques ambassadeurs qui sautent en surface. Il reste bien des mystères à lever sur ces espèces de calmars volants.
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Pour écouter les épisodes de Petit Poisson Deviendra Podcast sur les Céphalopodes :
- S02E38 : Y’a un os… ou pas ? L’album de famille
- S02E39 : Le Calmar… volant ! Si si ! ça existe !
- S02E40 : La Seiche flamboyante, le top modèle de la famille
- S02E41 : Le Vampire des abysses
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Bibliographie :
- https://www.fisheries.noaa.gov/species/shortfin-squid
- Données d’Observations pour la Reconnaissance et l’Identification de la faune et la flore Subaquatiques, Sepioteuthis sepioidea | DORIS (ffessm.fr)
- Quand la nature inspire les ingénieurs (radiofrance.fr)
- Poulpes Seiches et Calmars, biologie – comportement – espèces remarquables, de Roger Hanlon, Mike Vecchione et Louise Allcock, édition ULMER
- “James Bond Opération Tonnerre”, 1965
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