Le Poisson-mandarin cachemire, alias Synchiropus splendidus, est l’un des poissons les plus richement colorés. Il tire son nom des mandarins chinois. Leurs motifs et somptueuses couleurs font en effet écho aux riches parures et robes chatoyantes de ces hauts fonctionnaires. Mais derrière ces beaux drapés se cache un mucus empoisonné…
Le Poisson-mandarin cachemire est un petit poisson de la famille des Callionymidés appelée plus communément dragonnet. Il vit dans les eaux tropicales du Pacifique occidental, dans la région de l’archipel indo-australien.
Mieux vaut ne pas s’approcher de notre splendide dragonnet ! En effet, le Poisson-mandarin ne possède pas d’écailles mais une sorte de cuir très coloré qui produit un épais mucus rempli de toxines. S’il se sent en danger, il dégage une odeur nauséabonde pour repousser les prédateurs et les empoisonne s’ils osent s’y frotter davantage.
Par ce biais, le poisson fait également preuve d’aposématisme. Ce gros mot signifie qu’il émet un signal, olfactif dans notre cas, clairement perceptible par ces congénères pour les avertir d’un danger.
Ce mucus est un moyen de défense, une adaptation du Poisson-mandarin dépourvu d’écailles.
Le Poisson-mandarin cachemire : une teinte bleue au naturel !
Parlons maintenant un peu de ses si belles couleurs…
Le Poisson-mandarin se démarque par son bleu unique qui provient d’un pigment et non d’une nanostructure qui réfléchit la lumière tel un prisme. C’est le seul poisson connu, avec son confrère le Synchiropus picturatis, à posséder ce pigment bleu !
La recette secrète bio de ces poissons réside dans des cellules spécialisées appelées cyanophores contenant des pigments naturels bleus. Ces cyanophores sont des chromatophores, c’est-à-dire des cellules pigmentaires du derme. Ils sont responsables du teint resplendissant du poisson et participent même aux changements dans les nuances de bleu de celui-ci ! Une forte hypothèse est que ce pigment se retrouve dans son alimentation, un peu comme les Flamants roses qui naissent gris mais deviennent roses grâce à l’ingestion de pigments appelés caroténoïdes trouvés dans les crustacés et les algues. Le Poisson-cachemire se nourrit quant à lui de microplanctons et de copépodes.
La couleur bleue, déjà peu commune au naturel, est bien souvent due à un phénomène physique à l’échelle nanométrique. On parle de bleu structurel. C’est-à-dire que nous percevons du bleu seulement pour des raisons optiques de réflexion, réfraction et j’en passe, de la lumière. Leurs composantes structurelles à l’infiniment petit propagent ou réfractent la lumière, tel un prisme. C’est le cas du somptueux papillon Morpho et des plumes du Geai des chênes par exemple, qui ne contiennent aucun pigment bleu, contrairement à notre magnifique Poisson-mandarin. En effet, les pigments bleus sont extrêmement rares dans la nature.
Des bébés mandarins, en veux-tu en voilà !
Printemps, été, automne, comme hiver, le Poisson-mandarin se reproduit !
Alors que la majorité des poissons ont une période de frai située au printemps, la saison importe peu pour le Poisson-mandarin. Les femelles fraient une fois par nuit, ou pas du tout, tandis que les mâles fraient jusqu’à 8 fois !
Vous imaginez, jusqu’à 365 portées de gamins à gérer chaque année… Un cauchemar.
Heureusement qu’ils ne prêtent guère attention à leur petits une fois le frai terminé, ça allège la charge mentale ! Comme les oursins, Les Poissons-mandarins privilégient la quantité au détriment de la survie des petits, il font partie de la Team stratège r. À l’opposé, les Cichlidés du lac Malawi sont plutôt du côté stratèges K, moins de petits mais plus de survivants grâce aux soins parentaux.
Pour le Poisson-mandarin, c’est une question de survie. Sa stratégie de ponte assure la pérennité de l’espèce face aux nombreux prédateurs de sa progéniture.
Par ailleurs, le poisson-mandarin possède un dimorphisme sexuel marqué : le mâle possède une grande épine dorsale deux fois plus grande que les femelles.
Alerte usurpation d’identité, la Perche chinoise Siniperca chuatsi est également surnommée Poisson-mandarin : cette grosse perche de 20-25cm à ne pas confondre avec le nôtre de 6-7cm est un poisson comestible originaire du fleuve Amour qui marque la frontière sino-russe.
Les Synchiropus sont une famille de 68 espèces dont on ne peut malheureusement citer ici tous les canons de beauté. En voici tout de même deux devant vos yeux ébahis :
Le dragonnet étoilé, Synchiropus stellatus, à gauche et le dragonnet psychédélique, Synchiropus picturatus, à droite :
Des vrais têtes de durs à cuire, ils portent bien leur surnom de petits dragons…
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Pour écouter l’épisode sur le Poisson-mandarin :
- S02EP31 PPDP : le Poisson mandarin cachemire : un beau gosse batailleur et empoisonné
Sources :
- https://www.marinespecies.org/aphia.php?p=taxdetails&id=125932
- https://substance.etsmtl.ca/couleur-bleue-phenomene-naturel-physique
- https://www.researchgate.net/publication/360984964_Mating_system_in_a_small_pelagic_spawner_field_case_study_of_the_mandarinfish_Synchiropus_splendidus
- https://www.monaconatureencyclopedia.com/synchiropus-splendidus-2/?lang=fr
- https://www.researchgate.net/publication/250079237_Blue_Chromatophores_in_Two_Species_of_Callionymid_Fish
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Très belle découverte de ce petit poisson aux belles couleurs, l’article est bien écrit, avec petite touche d’humour ! Très agréable à lire ! Hâte d’en apprendre d’avantage 😉
Une odeur sous l’eau ! Incroyable ce mandarin !