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Du Japon au Brésil, en passant par la Bretagne, les Huîtres nourrissent les Humains à travers le monde entier, depuis des millénaires. Ainsi sur le site de Beg-er-Vil, à Quiberon, on trouve un dépôt de coquilles d’Huîtres consommées il y a plus de 8000 ans. 

Huître plate
Huître plate – Photo par Jan Johan ter Poorten – CC BY-SA 3.0

Il y a 4000 ans, des populations chinoises savaient déjà capturer les larves d’Huîtres à l’aide de blocs de roche et de bambous garnis de coquilles. Les Romains étaient aussi très friands de ce mollusque et eux aussi pratiquaient l’ostréiculture avec déjà des techniques d’affinage dans des parcs à Huîtres. Rien de nouveau depuis plus de 2000 ans ? Détrompez-vous ! Tout a changé, à commencer par l’animal lui-même. Les Romains consommaient des Huîtres plates, Ostrea edulis, alors qu’aujourd’hui, dans votre bourriche, il y a des Huîtres creuses du Pacifique, Magallana gigas

Des Huîtres dans ma bourriche venues du Japon ?

L’Huître plate, à la coquille ronde et… plate, est originaire d’Europe. Jusqu’au milieu du XIXe siècle, elle formait un banc continu de la mer du Nord à la mer Noire. Il ne reste aujourd’hui que quelques bancs naturels en Bretagne, en Gironde et en Méditerranée. La surpêche puis l’arrivée de parasites unicellulaires par les transports intercontinentaux ont provoqué une forte régression des populations. L’un des derniers parasites en date, Marteilia refringens, entraîne une chute de 75% de la production ostréicole dans les années 70. 

Huître creuse en bourriche
Huître creuse du Pacifique

Dès le milieu du XIXe siècle, les ostréiculteurs du bassin d’Arcachon s’inquiètent de la surexploitation de l’Huître plate. Ils obtiennent l’autorisation d’importer et d’élever l’Huître creuse portugaise, Magallana angulata. De manière accidentelle ou volontaire, nul ne le sait, des larves de la nouvelle venue se retrouvent dans l’environnement naturel. Les Huîtres creuses portugaises colonisent tout le littoral français, prenant la place des Huîtres plates décimées par les maladies. 

Dans les années 60, c’est au tour des Huîtres portugaises de subir une épizootie virale. En réponse et pour sauver leur activité, les ostréiculteurs introduisent l’Huître creuse du Pacifique, parfois appelée Huître japonaise. Aujourd’hui, elle représente 99% de la production française d’Huîtres avec 100.000 tonnes. Comme sa cousine portugaise, l’Huître creuse du Pacifique s’est échappée des bassins ostréicoles et se rencontre à l’état sauvage en France. 

Des Huîtres triple quoi ?

Depuis les années 90, une nouvelle variété d’Huîtres a fait son apparition dans la bourriche. Grâce à l’Huître triploïde, fini les Huîtres laiteuses en mai, juin, juillet et août, les fameux mois sans “R” ! L’Huître creuse “naturelle” possède 10 paires de chromosomes, la version triploïde en a 10 triplets. Cette anomalie chromosomique est obtenue par des chocs chimiques et de température. 

L’Huître triploïde perd la capacité de se reproduire, elle ne produit pas de laitance, contenant des spermatozoïdes ou des ovules, elle n’est donc pas “laiteuse”. Elle peut être consommée toute l’année tout en restant au goût du consommateur impatient. De plus, elle dédit toute son énergie à sa croissance. Elle atteint une taille commercialisable plus tôt, en 2 ans au lieu de 3 ou 4. 

Parc à Huîtres avant la bourriche
Ferme ostréicole

En jouant avec les chromosomes, on joue avec la génétique. Mais ici, pas d’OGM (Organisme Génétiquement Modifié) puisqu’il n’y a pas d’insertion d’un gène d’une autre espèce dans l’ADN de l’Huître. Une première Huître est exposée à un produit mutagène (non cancérigène depuis 2008, avant cela, le produit était différent) lorsqu’elle est encore au stade d’embryon. En réponse, l’Huître double chaque chromosome, on obtient une Huître tétraploïde, avec 10 lots de 4 chromosomes, capable de se reproduire. Cette Huître est ensuite croisée avec une Huître diploïde (10 lots de 2 chromosomes) pour obtenir des larves triploïdes stériles. On parle d’OVM (Organisme Vivant Modifié) et cela change tout puisqu’il n’y a aucune obligation de le faire apparaître sur l’étiquetage. On passera aussi sur le fait que si l’Huître tétraploïde se retrouve dans la nature, elle risque de stériliser les Huîtres sauvages en faisant des bébés triploïdes…

Les Huîtres triploïdes sont produites dans quelques écloseries qui fournissent le naissain aux ostréiculteurs. Comme ces Huîtres ne sont pas capables de se reproduire, l’ostréiculteur devient dépendant de l’écloserie, comme l’agriculteur devient dépendant du semencier. Pour éviter cela, certains s’organisent pour créer le label “Ostréiculteur traditionnel”. Il garantit des Huîtres nées et élevées en mer et qui ne sont donc pas triploïdes.

Au-delà du “fruit de mer” consommé les jours de fête, l’Huître est un animal essentiel de nos côtes. Lorsqu’elle n’est pas dans un filet ostréicole, elle forme des récifs au même titre que les Coraux dans les eaux tropicales. Elle est une espèce ingénieure essentielle alors qu’elle ne possède même pas de tête !

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Deuxième article sur les Huîtres : Le QI d’un ingénieur

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