Comment expliquer les nombreux échouages de Dauphins, surtout en hiver ?

La chasse à la baleine a été interdite en 1986. Par la suite, le 23 juillet, jour d’entrée en vigueur de ce moratoire est devenu la “journée mondiale de sensibilisation sur les baleines et dauphins”. Si parfois les médias s’emparent volontiers des images chocs des massacres de Dauphins aux îles Féroé ou au Japon, le sort des cétacés présents sur nos côtes françaises fait trop rarement la une. Hasard du calendrier, le jeudi 20 juillet 2023, presque à la veille de cette journée, en France, 14 grands Dauphins se sont retrouvés piégés par un banc de sable lors de la marée descendante, à Plévenon dans les Côtes d’Armor. L’occasion de se questionner sur les échouages de Dauphins et sur la façon dont la France protège (ou non) ces animaux.

Tout comme les accidents routiers attirent parfois les badauds , l’échouage de Dauphins du 20 juillet a attiré près de 250 curieux. Cependant, cette foule, venue au mieux pour tenter d’aider les malheureux cétacés, au pire pour prendre des selfies, met en lumière le manque de formation et d’information quant à la conduite à adopter face à une telle situation. 

Nos voisins les Dauphins

La France métropolitaine, avec ses 5500 km de littoral abrite dans ses eaux territoriales de nombreuses espèces de Dauphins et Baleines. Sur les côtes de l’hexagone il est fréquent d’observer ces agiles mammifères qui dansent devant la proue des bateaux, laissant un souvenir magique.

Plus d’une demi-douzaine d’espèces de cétacés à dents, dont font partie les Dauphins, fréquentent la façade Atlantique : le Marsouin commun Phocoena phocoena, le Dauphin commun Delphinus delphis, le Dauphin bleu et blanc Stenella coeruleoalba, le Grand Dauphin Tursiops truncatus, le Dauphin de Risso Grampus griseus, le Globicéphale noir Globicephala melas et de manière plus rare le Cachalot Physeter macrocephalus et l’Orque Orcinus orca. La liste explose si l’on prend en compte les côtes des départements d’outre mer !

Vous avez dit “échouages de Dauphins” ?

Il faut distinguer les échouages de mammifères vivants (comme celui du 20 juillet) et les cétacés morts en mer, dont le corps est entrainé sur la plage par les vents et courants. Dans 95% des cas, les échouages sont ceux de cétacés morts. Au cours de l’année 2021, 1 522 échouages de cétacés ont été recensés sur le littoral français métropolitain par le Réseau National Échouages (RNE). Depuis 2016, leur nombre atteint des records sur nos côtes et dépasse la moyenne évaluée à 1 250 cétacés retrouvés morts par an au cours des dix dernières années.

L’Observatoire Pelagis, qui est la référence de recherche française pour la conservation des mammifères et oiseaux marins, réalise un suivi des échouages en coordonnant le Réseau National Echouages (RNE). Ce réseau a été mis en place en 1972 et est constitué de référents locaux sur toute la façade maritime qui se déplacent lorsqu’un échouage est signalé.

Chaque carcasse échouée doit obligatoirement être examinée par un membre formé du RNE avant d’être évacuée du littoral. Les causes de sa mort seront ainsi identifiées mais c’est aussi l’occasion de collecter des informations biologiques précieuses (détermination de l’espèce, âge, sexe, présence de polluants…). 

Il existe diverses causes d’échouages – celles de ce jeudi 20 juillet restent encore à déterminer – naturelles (maladies, vieillesse) ou anthropiques (pêche, collision avec un bateau…). D’après les données collectées, “la capture dans un engin de pêche reste la principale cause de mortalité observée chez le dauphin commun lors des événements d’échouages multiples en hiver et ce depuis les années 1990”.

Habituellement c’est à la fin de l’hiver que le pic d’échouages de Dauphins a lieu. Cette saison coïncide avec les grands rassemblements d’Anchois et de Sardines dans le golfe de Gascogne qui attirent donc pêle-mêle les Bars, les Merlus, les Dauphins…et les pêcheurs. Les Dauphins se retrouvent donc au mauvais endroit au “mauvais moment”. Ils s’emmêlent dans les filets qui les blessent puis les condamnent à la noyade. Les dauphins meurent asphyxiés dans les chaluts pélagiques et filets dérivants. En Méditerranée, en plus de la pêche, la menace liée aux collisions est particulièrement critique. D’après Pelagis, “une baleine échouée sur cinq présente des traces de collision avec un navire”. 

La partie émergée de l’iceberg

Les Dauphins que l’on observe sur nos plages ne sont que la partie émergée de l’iceberg ! Les échouages ne représentent qu’un cinquième des cétacés tués lors des saisons de pêche. En effet, la majorité des corps de dauphins coulent et se décomposent avant d’atteindre la plage. Pour lever le voile sur l’impact de la pêche, l’association Sea Shepherd a mis en place la campagne “Dolphin Bycatch”.

Depuis 2018, des bénévoles documentent les captures accidentelles de cétacés par les engins de pêche. L’association demande que des caméras soient embarquées sur les bateaux de pêche, qu’une fermeture de zones clefs aux engins de pêche non sélectifs soit mise en place et que les pratiques de pêche les plus meurtrières soient interdites. Cette année les échouages ont atteint des records et la viabilité de l’espèce la plus concernée, le Dauphin commun, est remise en question.

En effet, une étude démontre que ces dernières années, les naissances ne compensent plus les décès, et à ce rythme, la population de Dauphin commun sur la façade atlantique sera éteinte en 50 ans. Et ce, même si cette espèce est protégée en France. Face à ces constats, le lundi 20 mars de cette année, le Conseil d’État a ordonné au gouvernement de fermer certaines zones de pêche dans le golfe de Gascogne sous six mois, pour « limiter les captures accidentelles de petits cétacés ». Cette interdiction concerne les pratiques causant le plus de captures de Dauphins (fileyeurs et chalutiers). 

Malgré un lobby de la pêche qui s’y oppose, cette année accordera, on l’espère, un peu de répit aux Dauphins en métropole. L’interruption de la pêche permettra également aux espèces de poissons ciblées de gagner en résilience, ce qui serait favorable aux pêcheurs par la même occasion.

Échouages : Quelles leçons en tirer ?

Si l’échouage du groupe de Dauphins du 20 juillet s’est bien terminé (les Dauphins sont repartis à marée montante) le constat est alarmant : la situation était critique. Le chef de poste SNSM de la plage concernée, Antoine Desprairies, ainsi que des associations (Sea Shepherd, AL ARK) ont souligné des conduites inadaptées et dangereuses. Un attroupement trop proches des animaux sauvages, des personnes qui tirent les nageoires pectorales ou la queue des Dauphins pour les déplacer… Ces comportements créent un stress intense et peuvent engendrer des déboîtements et blessures de la colonne vertébrale, a alerté Lamya Essemlali, présidente de Sea Shepherd France, dans un tweet visant à sensibiliser le grand public.

Sur le site de Pelagis les consignes sont claires: si l’on observe un cétacé échoué vivant, il ne faut “jamais tirer sur les nageoires” et éviter les attroupements, l’agitation et le bruit. Face au nombre en hausse des échouages, il est urgent de former aux bonnes pratiques. En Angleterre et au Canada, pompiers, gendarmes et bénévoles sont formés et dotés de matériel de flottaison, afin de maximiser les chances de survie de ces animaux, comme le souligne Lamya Essemlali. Il est donc grand temps que la France suive le même chemin, poursuit-elle.

Aujourd’hui étant la journée mondiale des Baleines et Dauphins, c’est l’occasion de s’informer sur le comportement à adopter en cas d’échouage. Si vous observez un cétacé sur la plage, contactez absolument le Réseau National Échouages au 05 46 44 99 10.

S’il est vivant, restez à distance et évitez les attroupements, l’agitation et le bruit.

Si vous voyez une carcasse de cétacé, ne manipulez surtout pas l’animal afin d’éviter le risque de transmission de maladie. 

Pour plus de détails, consultez le site https://www.observatoire-pelagis.cnrs.fr/echouages/signaler-un-echouage/ .

Retrouvez la procédure à suivre en Polynésie ici et à La Réunion ici.

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Photo principale de Dauphins bleu et blancs : Sébastien Barrio Photographie : Instagram.

Sources :

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