Le laurier qui couronne César, auréole les athlètes olympiques, envahi les jardins méditerranéens et embaume les plats en sauce de nos grand-mères. Arbre de victoire et de sagesse, le Laurier fascine depuis l’Antiquité, mais son nom est associé à un nombre important de végétaux bien souvent non apparentés. Ne nous reposons donc pas sur nos lauriers !
Le Laurier noble, Laurus nobilis, évoque par son nom toute la grandeur de son être et de sa puissance. Pourtant aujourd’hui, nous le réduisons à son usage culinaire sous l’autre nom de Laurier-sauce. Quel dommage, car son histoire est fascinante. Le poète et docteur en médecine , Claude-Charles Pierquin de Gembloux disait déjà au XIXe siècle : ”Ce qu’autrefois nous nommions le Laurier d’Apollon, en notre époque folle nous l’appelons laurier-sauce.”
Le Laurier : la couronne de légende
L’origine mythologique de ce noble Laurier est en effet, associée au dieu Apollon. Celui-ci, à force de se moquer du dieu Eros, reçut de sa part une flèche qui devait le rendre éperdument amoureux de la nymphe Daphné. Mais la fille de Pénée, qui fuyait devant cette passion non partagée, fut sauvée par son père qui la transforma en Laurier. Et notre bel Apollon, déclara : “Eh bien ! Puisque tu ne peux plus être mon épouse, tu seras du moins l’arbre d’Apollon”.
Chez les Grecs, cet arbre symbolise aussi l’immortalité et la gloire acquises grâce à la victoire, couronnant encore une fois Apollon lors de son triomphe sur le serpent Python.
Le Laurier couronne des héros romains et autres empereurs, tel le grand César triomphant de ses nombreuses campagnes ou acclamé par ses soldats. La couronne de Laurier est posée fièrement sur les têtes bien faites des grands vainqueurs lors des jeux olympiques antiques. Encore aujourd’hui, elle se trouve sur le blason de la ville de Rome, encadrant la devise de la République romaine, SPQR, Senatus Populus Que Romanus qui signifie “le peuple et le sénat romain”.
Un couronnement végétal intemporel
Peut être avez-vous déjà été lauréats ou diplômés du baccalauréat. “Lauréat”, qui désigne le gagnant d’un concours, et surtout le diplôme de fin de cycle bacca laurea, signifiant littéralement “la baie du Laurier”. On retrouve de nouveau l’origine végétale et antique de ce nom, couronnant l’heureux lycéen qui ne se sera certainement pas “reposé sur ses Lauriers” pour réussir son examen…
“Ô rage ! Ô désespoir ! Ô vieillesse ennemie ! N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ? Et ne suis-je blanchi dans les travaux guerriers que pour voir en un jour flétrir tant de lauriers ?” Don Diègue, dans son célèbre monologue, issu de la pièce Le Cid de Corneille, ravive dans l’art et la littérature la présence du Laurier et de sa symbolique puissante à travers les siècles et les cultures. Depuis la Renaissance, le Laurier est représenté dans les œuvres picturales et dans les éléments ornementaux de l’architecture classique. On le retrouve frappé sur des pièces de monnaies ou encore sur bon nombre de tatouages modernes signifiant une certaine force virile auto-proclamée, à tel point qu’il est devenu le symbole de plusieurs partis nationalistes ou ultranationalistes à travers le monde.
Un Laurier peut en cacher un autre
Notre bien-aimé Laurus nobilis antique, déjà présent à la fin de l’ère quaternaire, voit depuis des siècles et dans les découvertes botaniques, son nom utilisé pour désigner des arbres parfois cousins, parfois lointains ou étrangers à sa gloire passée. Si on souhaite planter un Laurier chez soi, de quel Laurier parle-t-on ? Est-il rose ? Est-il sauce ? Est-il palme ?
Quelques petites explications sont nécessaires pour éviter de se prendre les pieds dans le plat en sauce…
Probablement le plus connu, le Laurier-rose, Nerium oleander, est orné de fleurs roses à la beauté mortelle et fatale. Son nom, Nerium, vient du grec néron qui veut dire humide et du dieu grec Nereus, dieu de la mer Egée et de la Méditerranée, associé à oleander, signifiant simplement “à feuille d’olivier” (olea). Cet héritage historique l’associe à la beauté, la douceur et à une certaine gloire. Mais il est très différent de son cousin homonymique “le Laurier-sauce”, et ne fera pas bon ménage dans votre cuisine. Il semblerait même avoir décimé à lui tout seul, une troupe de soldats qui aurait eu la grande idée d’utiliser ses branches comme broches à rôtir, faisant d’un dernier repas celui de condamnés.
Une gloire moins rose mais tout aussi essentielle
Un peu moins glorieux ou spectaculaire, le classique Laurier-palme ou Laurier-cerise de nos haies persistantes et traditionnelles est un arbuste de la famille des cerisiers. Prunus laurocerasus, tout simplement pour Laurus, Laurier et cerasus, comme cerise dont il est finalement plus proche. Il fait référence aux petits fruits non comestibles qu’il porte à l’instar de son cousin germain le cerisier de nos vergers et jardins. Bien trop souvent “tiré au cordeau”; c’est à dire taillé net, il n’en reste pas moins un Laurier de choix, tant sa croissance est facile et adaptée sous nos climats. Il devient même parfois un peu invasif et intrusif dans certaines régions, comme la Bretagne.
Le Laurier-tin ou Viorne tin, Viburnum tinus, quant à lui est encore d’une autre famille. Celle des Viburnum, un genre très éloigné de notre Laurus nobilis initial. Au fil du temps, le terme laurus et donc Laurier est souvent apparenté à la persistance d’un feuillage, à son aspect toujours vert (sempervirent). Notre très beau et florifère Viburnum tinus, devient le Laurier-tin pour la ressemblance parfois facile de son feuillage avec celui de son prédécesseur.
Notre Laurus nobilis est le seul représentant des Lauracées poussant en France. Cependant, il existe des centaines d’autres membres de cette famille sous les tropiques, surtout sous formes d’arbres comme le Cannelier ou l’Avocatier.
Le lauréat de la durabilité et de la santé
Au-delà de son symbolisme, le Laurier joue un rôle important dans la biodiversité des jardins,. Comme refuge pour la faune et comme plante ornementale essentielle dans l’aménagement urbain. Certaines variétés de Lauriers sont intégrées dans les jardins actuels pour leurs qualités d’adaptation et de durabilité.
Comme une autre corde à son arc antique, le Laurier-sauce ou Laurier d’Apollon, offre des bienfaits sur la santé en tant que plante médicinale. Il possède en effet des vertus antiseptiques, bactéricides, antifongiques, expectorantes et antivirales. Il est donc souvent proposé en période hivernale en infusion, huile essentielle… La palette de sa pharmacopée est très riche jusque dans la composition du traditionnel savon d’Alep.
Le Laurier, arbre à la symbolique riche et aux multiples usages, est profondément enraciné dans notre histoire culturelle et artistique. De l’Antiquité à aujourd’hui, il continue de fasciner par ses nombreuses variétés, chacune apportant sa touche unique au jardin, à la santé ou à l’imaginaire collectif. Entre hommage aux traditions et défi écologique, le Laurier est un compagnon durable pour l’humanité.
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Pour écouter le podcast NOMEN sur le Laurier :
S04E12 Le Laurier, entre sauces et têtes couronnées.
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Sources :
- https://www.etudesheraultaises.fr/wp-content/uploads/grec-art-2015-a12laurier-plante-succes.pdf
- https://www.echosciences-sud.fr/articles/histoire-de-flore-4-le-laurier
- https://gallica.bnf.fr/blog/25062020/petite-histoire-du-laurier-rose?mode=desktop
- https://www.botanique-jardins-paysages.com/et-si-nous-redonnions-ses-lettres-de-noblesse-au-laurier-dapollon-laurus-nobilis/
- https://www.snhf.org/fiche-plante/laurier-sauce/
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