Skip to main content

Le majestueux Baobab est connu pour sa longévité, sa grosseur, ou pour sa générosité envers les humains. Ce nom d’origine arabe, identique dans de nombreuses langues, désignait autrefois le fruit aux nombreuses graines. Spontanément, le mot Baobab évoque au plus grand nombre un immense arbre africain, mais il existe en fait 8 espèces du genre Adansonia, dont 6 espèces endémiques de Madagascar. Ces arbres aux mille légendes et vertus sont en danger, victimes du réchauffement climatique.

Bien que Baobab soit le nom qui désigne l’arbre depuis 1757 en arabe, espagnol, allemand ou français, il existe une multitude d’adjectifs qui le qualifie, illustrant sa grande place dans les cultures traditionnelles. “L’arbre-bouteille” fait référence à la forme de l’arbre, qui peut stocker jusqu’à 140 000 litres d’eau dans son tronc. Lieu de rassemblement pour des discussions communautaires africaines, il est également appelé arbre à palabres. Le Baobab est enfin l’arbre de vie immortel, qui soigne et qui offre tant aux hommes qui le côtoient.

Baobab du Sénégal (Adansonia digitata) © Valérie Kubler
Baobob du Sénégal - (Adansonia digitata)

Mémoire de l’emblème du Sénégal

La famille des Bombacacées compte plus de 250 espèces d’arbres, dont le Fromager, le Kapokier et les Baobabs. La majorité des espèces vivent dans les forêts humides d’Amérique du sud et dans les savanes africaines. Certains genres sont adaptés aux alternances de saisons sèches et humides. C’est le cas du genre Adansonia dont le nom fait référence à Michel Adanson, et qui réunit les 8 espèces de Baobabs. En 1761, Mr Adanson publie la première description botanique détaillée d’une espèce de Baobab au Sénégal. Il rapporte alors des échantillons à Paris. Le naturaliste suédois du XIXe siècle, Carl von Linné, admirait tant son homologue français qu’il lui rendit hommage en proposant son nom pour désigner le genre des Baobabs, qui devint Adansonia.

L’écorce fibreuse des Baobabs est grisâtre à rouge. Le bois mou est gorgé d’eau et se construit de manière stratifiée. Cette caractéristique est importante, car certains locaux creusent des trous dans le tronc afin de se créer une échelle pour récupérer les fruits en hauteur. L’unique, mais célèbre espèce présente en Afrique est Adensonia digitata. En revanche, Madagascar détient le record avec 6 espèces endémiques, ce qui constitue une grande diversité pour un petit territoire comparé au continent africain. Ceci serait la conséquence de la tectonique des plaques, puisque l’île de Madagascar s’en est séparé il y a 120 millions d’années environ. Enfin, la dernière espèce de Baobab vit en Australie, A. gibbosa. On la trouve surtout au nord-ouest de ce continent.

Aire de répartition approximative du genre Adansonia
Aire de répartition approximative du genre Adansonia, illustration prise de l’article Diop A. et al. (2005)

Pain de singe, gâterie nutritive ?

Fleur de Baobab du Sénégal
Fleur de Baobab, A.digitata. © Valérie Kubler

Le Baobab africain est l’espèce la plus décrite, et celle avec la plus grande aire de répartition. Adensonia digitata se démarque par sa hauteur, qui peut atteindre 20 mètres pour un diamètre du tronc de 10 mètres, rien que ça ! L’arbre est souvent sans feuilles, car il les perd durant la saison sèche. On a alors l’impression que ses branches sont des racines dirigées vers le ciel. Pourtant ses vraies racines ne plongent pas à plus de 2 mètres de profondeur dans le sol aride d’Afrique. Son fruit est appelé “pain de singe” car sa grande valeur nutritive est appréciée par cet animal. Les humains le consomment également et l’appellent le “jus de bouille” ! Une fois le fruit ouvert et les grosses graines noires retirées, la pulpe blanchâtre et farineuse est transformée en jus, riche en protéines et en Vitamine C.

Les feuilles composées de 5 à 7 folioles font penser à des doigts et sont aussi consommées. Elles sont séchées puis réduites en poudre pour une meilleure conservation et utilisation. En Wolof, cette poudre de feuille est appelée “Lalo”. Les Sénégalais l’utilisent comme soin pour les cheveux ou dans la cuisine comme liant pour les sauces.  La phénologie de la plante est rythmée par les saisons des pluies. Ainsi, la floraison et la feuillaison se déroulent pendant la saison humide. La pollinisation est assurée par des chauves-souris frugivores, des abeilles, des microcèbes ou bien des papillons de nuit (Sphinx).

Une diversité fragilisée

Les Baobabs sont très présents dans les communautés villageoises. Ils sont respectés et appréciés pour leurs vertus, mais possèdent aussi une grande valeur spirituelle dans les cultures locales. Malheureusement, le réchauffement climatique menace l’intégralité de ces espèces, pourtant bien adaptées aux conditions extrêmes. Neuf sont morts au cours des dix dernières années. Une seconde cause probable de la diminution des Baobabs en Afrique serait la dégradation physique par les Éléphants, qui percent l’écorce avec leurs défenses pour prélever l’eau. Ces animaux ne sont pas à blâmer, car ils sont de plus en plus en détresse hydrique, ce qui explique que ce comportement se multiplie. Malgré tout, le Baobab pousse très lentement, et l’arbre peut en mourir, n’arrivant pas à se régénérer. 

Baobab du Sénégal (Adansonia digitata) souffrant de la sécheresse. © Valérie Kubler
Baobab en plaqué or, un produit dérivé du Sénégal
Exemple de produit dérivé, ici Baobab en plaqué bronze du Sénégal.

À Madagascar, les Baobabs sont très hauts. L’un des plus spectaculaires est le Baobab de Grandidier (A. grandidieri, Baill), qui est à ce jour le plus grand des Baobabs pouvant atteindre les 40 m. Au niveau international, l’UICN a classé 3 des 6 espèces de Madagascar “En danger d’extinction” : A. grandidieri, A. perrieri (il reste moins de 200 individus) et A. suarezensis. Tandis que les trois autres sont classées “Quasi Menacées” : A. za, A. madagascariensis et A. rubrostipa.

Une seconde menace souvent négligée est le prélèvement du bois des Baobabs. Ces espèces ne figurent pas dans les annexes de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction, ce qui est regrettable. Les recherches scientifiques alertent sur la faible efficacité des actions de conservation souvent cantonnées aux aires protégées. En effet, le cadre juridique réglementant l’exploitation du Baobab est flou car généralisé à toutes les espèces de Baobabs de la planète. La loi est facilement détournée, et l’on prélève des Baobabs malgaches pour vendre des produits dérivés de l’arbre sur le marché international. Seules, des restrictions régionales, comme le Dina pour la région Menabe, font clairement mention de ces espèces. 

Baobab de Grandidier (A. grandidieri), sur l'avenue des Baobabs dans l'ouest de l'île de Madagascar
Baobab de Grandidier (A. grandidieri), sur l’avenue des Baobabs dans l’ouest de l’île de Madagascar (région Menabe). © Ralph Kränzlein

La sagesse vient avec l’âge

Vivre plusieurs centaines d’années, voici le destin d’un Baobab en bonne forme. Certains pensent même que la longévité de ces arbres pourrait atteindre le millénaire ! Les méthodes scientifiques actuelles ne permettent pas de le prouver, puisque la dendrochronologie, méthode de comptage des cernes d’arbres pour les dater, ne fonctionne pas avec les Baobabs, parce que ce sont des arbres tropicaux. La datation avec les cernes d’arbres est pertinente lorsqu’il y a une saisonnalité certaine, soit une alternance de l’hiver et de l’été qui marque différemment le bois. Dans les zones tropicales, les températures ne varient pas aussi drastiquement entre les saisons comparées aux zones tempérées. De plus, il peut y avoir plusieurs saisons des pluies, ce qui complique le comptage des cernes. C’est pour cela qu’une autre méthode est utilisée pour essayer d’estimer l’âge de ces arbres : la datation au Carbone 14. Le coût de ce dispositif est cependant élevé, et ne peut parfois même pas se faire en fonction du terrain. 

Si vous voulez voir des Baobabs sans traverser le détroit de Gibraltar ou aller à Madagascar, vous pouvez vous rendre dans les serres tropicales des musées et jardins de chez vous ! Il n’y a aucun Baobab planté en pleine terre en France métropolitaine. Cependant, le plus vieux Baobab français ayant fêté ses 400 ans est sur l’île de Mayotte où il a été introduit, tout comme dans les autres territoires d’Outre-Mer.


Retrouvez l’épisode de Nomen sur les Baobabs :

Ainsi que la série d’épisodes de Baleine sous gravillon sur Madagascar :

  • S03E49 Madagascar 10/10 : les Baobabs, “arbres à l’envers”, disparaissent mystérieusement, Evrard Wendenbaum (explorateur)

Références

Livre : “Baobabs of the World: The upside-down trees of Madagascar, Africa and Australia” de Andry Petignat.

Articles :

Bannière de Baleine sous gravillon