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Petit oiseau au dos et à la queue bleu turquoise et au ventre roux, le Martin-Pêcheur d’Europe mérite bien son nom. Son profil percutant fait de lui, le roi de la pêche en piqué. Les légendes, remontant jusqu’à la mythologie grecque, le place comme protecteur alors que de nos jours, il inspire les ingénieurs ferroviaires. Indicateur du bon état des écosystèmes d’eaux douces, ses populations sont affaiblies en France. Zoom sur la flèche d’azur et de feu !

martin pêcheur femelle perché sur une branche
Martin-Pêcheur femelle – Hamois, Belgique – Auteur : ©Luc Viatour – Janvier 2024 – ©CCA 4.0

Plus petit qu’un Merle, le Martin-Pêcheur d’Europe est reconnaissable à ses couleurs et à son long bec effilé. Ce dernier permet aussi d’identifier le sexe de l’oiseau adulte puisque la mandibule de la femelle est en partie rose. Au XVIème siècle, il était dénommé Martinet-pescheur. Pouvant atteindre les 80 km/h en plein vol en rafales courtes, vous aurez à peine le temps d’apercevoir cette flèche au vol rectiligne près de la surface de l’eau. De plus, ses couleurs prennent des nuances différentes lorsqu’il file au ras de l’eau.

chrysomèle aux reflets irisés
Chrysomèle et ses reflets irisés – Auteur : ©Guillaume Lassalle.

Excellents camouflages, ces reflets proviennent non pas d’un pigment comme le roux de son ventre lié au carotène, mais de la réflection des différentes longueurs d’onde de la lumière sur la structure des plumes. De nombreux insectes possèdent aussi cette particularité de coloration dite “structurale” comme la Chrysomèle fastueuse ou d’autres oiseaux tels le Paon bleu (Pavo cristatus) ou le Geai des chênes (Garrulus glandarius)

Une pêche si “diabolique” ?

Martin-Pëcheur en piqué pour plonger
Plongeon du Martin-Pêcheur – Auteur : ©Tieu BaoTruong – Pixabay

Perché au-dessus des zones humides, le Martin-pêcheur attend sur une branche observant les remous de l’onde en silence, la tête et la queue agités de mouvements nerveux. Il peut être aussi en observation lors d’un court vol stationnaire. Mais dès qu’il a repéré sa proie, tel un athlète olympique, il effectue un plongeon en harponnant le poisson avec son bec. Il l’avale tête la première pour éviter que les nageoires se coincent dans sa gorge. Il en consomme 20 g par jour, la moitié de son poids. Les poissons représentent 60% de son alimentation, le reste étant composé d’amphibiens et d’arthropodes aquatiques. Sa rapidité de prise l’a fait passer pour un oiseau comparable au démon s’emparant d’une âme. Cette comparaison émane de l’observation du moine Saint-Martin de Tours. L’oiseau, pêcheur hors pair, a pris alors, selon la tradition religieuse, le prénom du saint Martin, tandis que le mot “pêcheur” vient du latin piscator, qui signifie “s’adonne à la pêche”. En anglais, le Martin-pêcheur devient Kingfisher, le roi pêcheur mais aussi halcyon bird, alors qu’en allemand, il se dit Eisvogel, l’oiseau de fer. Cette dernière traduction serait liée à son bec comparable à une pique de fer (Eisen)

Quand la mythologie s’en mêle

Bon nombre de noms d’oiseaux portent des héritages mythologiques et le Martin-pêcheur d’Europe, Alcedo atthis, n’échappe pas à la règle. Il appartient à la famille des Alcédinidés qui compte 19 genres et 116 espèces. Parmi la liste, 3 genres sont marqués par la mythologie, les genres Alcedo, Ceyx et Alcyon. Alcedo vient de la déesse Alcyone, fille du dieu Eole, maître des vents. Son époux Ceyx est fils d’Eosphoros, l’étoile du matin. Deux versions de la légende de ce couple perdurent. La première est la noyade de Ceyx lors de sa traversée vers Claros pour consulter un oracle. Alcyone finit par retrouver son corps et les dieux pris de pitié face à son chagrin transforment le couple en Martin-pêcheurs. Cette version a donné lieu à l’expression “jours alcyoniques” qui représentent l’accalmie en mer. L’autre version, plus moraliste, rend Alcyone et Ceys coupables d’orgueil pour s’être comparés à Zeus et Héra. De ce forfait, Alcyone sera métamorphosée en Alcyon, autre nom du Martin-pêcheur, et son époux en Fou de Bassan ou en Goéland, selon les versions. 

Martin-pêcheur et architecte-jardinier

Accouplement
Accouplement. Auteur : ©Bohuš Číčel – CC By SA 3.0

Lié aux zones humides de manière vitale, le Martin-pêcheur y vit en permanence pour sa pitance et l’avenir de son espèce. Lors de la parade nuptiale, il doit fournir une dot à la femelle, en l’occurrence un poisson, pour montrer son savoir-faire de pêcheur ! Si la belle accepte l’offrande, le couple se forme alors. Pour déposer les 5 à 7 œufs dans le futur terrier, le Martin-pêcheur, oiseau cavernicole, se fait ainsi jardinier. Avec son bec qui fait office de pioche miniature et ses petites pattes comme pelles, il creuse un tunnel remontant dans le flanc des berges. La terre ne doit être ni trop friable, ni trop dure. Ce nid creusé dans la pente abrupte, lui permet d’être proche de sa nourriture tout en étant à l’abri des prédateurs et des inondations. Pour un poids de 40 g environ et mesurant 16 cm, l’oiseau pioche et fabrique un tunnel allant de 40 cm à 100 cm de long, avec au bout une chambre sans plume ni brindille ou autres éléments douillets. Pendant la période de nourrissage des jeunes, l’adulte est en permanence en activité pêchant entre 70 à 80 petits poissons par jour. Les juvéniles, dès leur premier envol, doivent quitter le territoire pour laisser place à une nouvelle couvée. 

Un oiseau coloré de légendes mais fragilisé

Martin-pêcheur huppé - Afrique - Botswana
Martin-Pêcheur huppé – Botswana – Auteur : ©Guillaume Lassalle.

Très coloré, le Martin-pêcheur possède toute une palette de nuances selon son espèce et son lieu géographique. Par exemple, le Martin-pêcheur d’Amérique ou Alcyon d’Amérique, Megaceryl alcyon, possède une grande huppe bleue et possède une livrée bleu foncé et blanche avec une queue grise. Celui d’Amazonie, Chloroceryle amazona, est vert foncé et blanc et reconnaissable à sa tache rousse sur la gorge, tandis qu’en Afrique le Martin-pêcheur huppé, Corythornis cristatus, ressemble à notre version européenne, avec un bleu plus profond et la huppe en plus. Une vieille légende raconte qu’à la sortie de l’arche de Noé, les Martins-pêcheurs gris terne à l’origine se sont envolés vers le ciel et le soleil. Ils prirent le bleu du ciel mais se rapprochèrent trop près de l’étoile. Ils s’y brûlèrent, d’où leur teinte rousse. Symbole de paix et de prospérité, il est aussi perçu comme un rempart face à la foudre. Plus concrètement, le bec de notre flêche bleue fut une source de bio-mimétisme chez les Japonais. Ces derniers l’ont en effet “copié” pour réaliser le “nez” de leur TGV, le Shinkansen, dans le but d’atténuer le choc à la compression de l’air lors de l’entrée du train dans les tunnels.

Martin-Pêcheur saisissant sa proie dans les eaux du Pô
Un Martin-pêcheur saisissant sa proie dans les eaux du Pô, Italie. Auteur : ©Lucas Casale. Second prix de l’édition 2020 de Wiki Loves Earth.

Pour le photographe breton, Erwan Balança, c’est beaucoup plus qu’un simple modèle d’aérodynamisme : c’est une histoire d’amitié tissée au fil de l’eau à observer la vie de ce joyau au ras des flots.
Protégé par la Directive oiseaux avec la création de Zone de Protection Spéciale (Natura 2000) et sentinelle de la santé des milieux aquatiques, il est malheureusement classé espèce vulnérable, en France, dans la liste de l’UICN. Victime de l’urbanisation, de la pollution et de la destruction des zones humides, mais aussi de chocs routiers avec les vitres de voiture, ce contexte écourte l’espérance de vie de ce joyau, à 1 ou 2 ans au lieu de 7… 

Photo d’ouverture : ©Gruendercoach – Pixabay

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Pour écouter le podcast NOMEN sur le Martin-Pêcheur :

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Sources :

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Bannière baleine sous gravillon