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Connaissez-vous le périple du chocolat que vous avez acheté pour les fêtes ? D’une boisson d’Amérique centrale aux tablettes en folie à travers les pays du Nord, le cacao séduit chaque jour plus d’adeptes. Le cacao pur contenu dans les précieuses graines du Cacaoyer est manipulé au moins cinq fois avant d’être vendu. L’histoire de ces fèves à prix d’or mérite notre attention, tout comme l’origine de ce nom aussi agréable à nos oreilles qu’à notre palais. 

L’arbre au fruit sacré…

Le Cacaoyer est un arbre de 15 m maximum qui pousse à l’ombre de plus grands arbres, entre 400 et 700 m d’altitude, là où le sol est profond et fertile. Il fait partie de la famille des Sterculiacées, comme le célèbre Cola acuminata avec lequel nous préparions des boissons fraîches, dont le pétillant soda marron ! Les espèces de cette famille poussent dans les régions subtropicales à tropicales. Le Cacaoyer, Theobroma cacao, et surtout ses fèves, était considéré comme de la nourriture divine. Le naturaliste Linné a traduit cette dimension spirituelle dans le nom latin du genre : Theobroma, qui vient du grec theos, “dieu”, et de brôma, “nourriture”

Le nom “cacao” est dérivé du nahuatl, une langue d’Amérique centrale. Les Olmèques, les Mayas ou les Aztèques appelaient le “cacahuatl” ou “cacahuaquchtl” la “graine du Cacaoyer”. Et depuis plusieurs siècles, ils consomment le cacao sous forme de boisson, agrémentée parfois de piment. Pour ces civilisations précolombiennes, les fèves servaient aussi d’offrande ou de monnaie. Le nom cacao, identique dans de nombreuses langues, est utilisé pour désigner la graine du Cacaoyer qui sert à confectionner le chocolat. Ces graines sont appelées “fèves” à cause de leur forme, comme les graines de café. Et l’origine du mot chocolat alors ? On l’emprunte de l’espagnol “chocolate”, qui lui-même serait d’origine maya, puisque le breuvage chaud se dit “xocol(haa)”. 

Cacaoyer (Theobroma cacao).
Un Cacaoyer avec ses fruits (Theobroma cacao). CC BY-SA 2.0

Donne une boisson amère…

Le fruit, appelé la cabosse, est ramassé à la machette. Il mesure 12 à 20 cm pour un poids entre 200 à 800 g. La couleur de la cabosse du vert au jaune orangé jusqu’au violet indique sa maturité, après avoir évolué au fil des saisons. Une fois le fruit ouvert, on y trouve une pulpe blanche d’aspect pâteux qui sert de coussin pour les fèves. Les manipulations nécessaires pour séparer les fèves de cacao sont longues. Ces dernières seront alors fermentées, séchées, torréfiées, concassées et triées pour éliminer les morceaux de coques. Après ces étapes, la création de la pâte de cacao consiste à séparer par pressage la matière grasse (beurre de cacao) de la matière sèche (tourteau). La boisson amère se mérite ! 

Fleur de Cacaoyer.
Fleurs de Cacaoyer sur le tronc. CC BY-SA 4.0.

Arrêtez-vous un instant sur le tronc du Cacaoyer. Les voyez-vous ? Les fleurs blanches, qui donneront les cabosses, apparaissent soit sur les branches, soit directement sur le tronc de l’arbre jusque très bas, ce qui est tout de même original. Bien que l’arbre produise un très grand nombre de fleurs, très peu évoluent en fruit, son rendement n’est donc pas si élevé qu’il semblerait. Il existe trois grandes variétés de Cacaoyers parmi les cultures mondiales, qui donnent des fèves différentes. Aujourd’hui, deux tiers des cultures de Cacaoyers sont en Afrique, très loin de leur continent d’origine… 

Ou bien du chocolat…

Ancienne affiche de la marque Van Houtten pour du chocolat chaud.
Affiche de la marque Van Houtten pour du chocolat chaud.

Bon d’accord, parmi les personnes que vous côtoyez, peut-être UN de vos amis n’aime pas le chocolat, ou encore plus rare, leur organisme ne le supporte pas. Certaines personnes ont en effet de violentes migraines après consommation, tandis que d’autres sont surtout sensibles aux odeurs. Les chocolat-haters, à l’inverse des chocolatomanes, sont peu nombreux en France. On estime par exemple que moins de 15 personnes sur 100 n’aiment pas le chocolat noir. Les français sont donc de gros consommateurs, avec en 2012 une gourmandise de 6 kg de chocolat par an et par habitant. Mais savez-vous toujours d’où provient votre poudre ou tablette de chocolat ? Originaire d’Amérique, le chocolat est peu à peu devenu un incontournable, s’invitant dans toutes les fêtes chrétiennes (Pâques, Noël, Toussaint) ou tout simplement commerciales (Saint-Valentin, fête des mères ou des pères). Argument de vente infaillible aujourd’hui : toute célébration est meilleure avec des chocolats.

La première importation date de 1519, lorsque l’explorateur espagnol Hernan Cortès en ramène après sa conquête du Mexique. La légende raconte que les Aztèques l’auraient pris pour Quetzalcóatl, le dieu serpent à plumes dans leur culture. Ils attendaient son retour depuis bien longtemps, ce pour quoi ils lui auraient offert du cacao à boire en guise d’offrande. Seulement, en Europe, la poudre de cacao ne devient pas tendance tout de suite. Ce n’est que 60 ans plus tard que les Européens remplaceront le piment par de la vanille, et ajouteront le sucre qui atténuera l’amertume. Vers 1585, les exportations de cacao commencent, c’est le début du commerce triangulaire. Des bateaux partent d’Europe avec des textiles ou des armes jusqu’au continent américain. Ensuite, ces colons s’approprient le droit d’acheter des millions d’esclaves en Afrique, pour les forcer à travailler dans les plantations aux Caraïbes ou en Amérique du Sud. À la fin de leur périple, ils revenaient notamment avec du cacao ou du café en Europe. Il pouvait être amère le goût de ce cacao “troqué”…

Cabosses et graines de cacaoyer.
Cabosses et graines de cacaoyer. CC BY-SA 3.0

Au XVIe siècle, on importe cette fois l’arbre tout entier des colonies d’Amériques du Sud vers l’Asie. Puis au XIXe siècle, des plantations de Cacaoyers seront installées dans le golfe de Guinée en Afrique. Des milliers d’hectares de forêts primaires sont défrichés entre les deux tropiques, dans la “ceinture du cacao”, là où pousse cet arbre sacré. À partir de 1920, l’Afrique devient ainsi le 1er continent producteur de fèves de cacao, ce qui est encore le cas aujourd’hui. La Côte d’Ivoire est le numéro 1 des pays producteurs, avec 14% de leur PIB qui en dépend, suivi du Ghana en 2e position. 

Les $$$ coulent à flots

La production mondiale de cacao a été multipliée par 280 en 70 ans. Elle se compte en millions de tonnes, avec une recette d’une centaine de milliards de dollars. Est-ce que l’argent de ce marché gigantesque est équitablement réparti entre la production, l’exportation, la transformation et le marketing ? 

Vous le voyez venir, c’est un non catégorique. Seulement 6% des recettes reviennent aux cacaoculteurs, nous parlons d’un “marché de dupe”. La tristesse dans cette histoire est que les agriculteurs de Cacaoyers vivent très souvent sous le seuil de pauvreté, subissant cette course au profit, ne faisant pas le poids contre les géants de l’industrie agroalimentaire. Cerise sur le gâteau… au chocolat, des plantations ont fait leur apparition sur des terres protégées en Afrique, agrandissant le scandale généré par la demande, toujours grandissante, à l’inverse de nos ressources naturelles. Comme le café, le chocolat chaud est une des boissons les plus populaires exportées mondialement, qui profite exclusivement aux êtres humains les plus riches. Un sombre tableau se dessine, car l’engouement pour le cacao dans les pays du Nord soulève un problème tant environnemental que social dans les pays exportateurs.

En 2019, les cacaoculteurs du Ghana et de Côte d’Ivoire décident de suspendre leurs récoltes, en guise de révolte. Suite à cela, les deux Présidents voisins proposèrent en 2020 de garantir aux producteurs un prix minimum de la tonne d’or brun. Ceci leur permettrait de ne plus subir les fluctuations du marché, et d’améliorer à terme leurs conditions de travail. Fin 2023, les négociations ont abouti, mais la revalorisation du prix d’achat reste insuffisante par rapport aux attentes annoncées des agriculteurs. Les multinationales, comme Nestlé ou Ferrero, prétextent pâtir de la baisse de production depuis 2019, ainsi que de l’inflation depuis la COVID-19. Un bras de fer qui ne fait que commencer, puisque les productions sont de moins en moins concluantes… En 2023, plusieurs cacaoyers ont été touchés de maladies fongiques après de fortes pluies. On l’appelle le “balais de sorcière du Brésil”, car cela provoque une croissance excessive de branches stériles en forme de balais qui entraîne une baisse de la production de fruits, et donc de cacao. Il semble difficile de réunir les conditions adéquates pour produire des fèves de cacao en bonne santé. Cela devrait nous faire réfléchir, car les pays du Nord sont extrêmement chanceux d’avoir ces trésors de la nature partout, quand ils en ont envie. Au fait, pourquoi on aime tant ça, le chocolat ?

Cacaoyer, boost du déjeuner ?

Ce texte vous a rendu chocolat bleu pâle (mal à l’aise) ? Un peu d’enthousiasme tout de même ! Vous avez la mine triste ? Reprenez un peu de chocolat, ça vous fera du bien ! Le cacao serait un antidépresseur, puisqu’il contient un alcaloïde proche de la caféine, la théobromine. On retrouve la racine grecque theos rappelant le divin. Le cacao boosterait aussi notre production de tryptophane issue de la sérotonine, l’hormone de la bonne humeur, pour un effet psychostimulant. 

Comment se doper au chocolat… sans avoir mauvaise conscience ? Conseil numéro un : ne soyez pas trop gourmands en chocolat pour les fêtes, en préférant des marques équitables (comme Éthiquable). La production de cacao stagne voire baisse, car les cultures sont vieillissantes. Mais ce n’est pas le cas de la demande, qui elle, augmente mondialement avec un pic en Asie ces dernières années. L’augmentation des températures dans la “ceinture du cacao” compromettrait le bon développement des fruits, qui poussent dans les 25°C. Des graines d’espoir sont cependant semées, comme cette marque bretonne engagée, “Grain de sail”, qui naît avec l’idée d’aller chercher le cacao en voilier cargo pour limiter le bilan CO2 de leurs trajets. Conseil numéro deux : accordons nos diapasons pour limiter le réchauffement à 2°C, et espérer ainsi conserver cette boisson divine au-delà de 2050 !

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Pour écouter l’épisode de Nomen : S03E16 : Le Cacaoyer bonnes gens !

Retrouvez l’épisode d’un podcast ami, “L’autruche et le colibri”, centré sur la conso durable du cacao.

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Livres

  • “Petite histoire de la mondialisation à l’usage des amateurs de chocolat”, Frédéric Amiel, éditions de l’Atelier.
  • “Le cacao profite-t-il encore à la Côte d’Ivoire ?”, Jean-Baptiste Pany, éditions de L’Harmattan.
  • Messerli, F. H. (2012). Chocolate consumption, cognitive function, and Nobel laureates. N Engl J Med, 367(16), 1562-1564.

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