Blanc, mais aussi noir, le Cygne n’a cessé d’inspirer les hommes, de la mythologie greco-romaine à celle des Celtes jusqu’à nos jours. Objet de métamorphose, de décor lacustre, ou héros de plusieurs contes, cet oiseau majestueux au long cou appartient à la famille des Anatidés, comme le Canard colvert ou encore l’Oie cendrée beaucoup plus bavarde. Au-delà de la légende du “chant du Cygne” annonçant sa propre mort, certaines espèces “trompettent” quand d’autres restent peu loquaces… Partons à la recherche des signes les plus étonnants de ce “swan” si gracieux.

On l’utilise tous les jours dans sa cuisine ou sa salle de bain, c’est le fameux col de cygne, une pièce tout en courbe qui prolonge votre robinet. Cette expression n’est pas le fruit du hasard mais s’associe immédiatement à la forme courbée du long cou du Cygne. En effet, celui-ci notamment l’espèce “tuberculé” possède 25 vertèbres cervicales, un record chez les vertébrés actuels, ce qui lui permet de réaliser une véritable danse à lui tout seul et de former des arabesques lors de la période prénuptiale, pour s’unir à vie. Il se dispute un autre record avec le Condor des Andes et l’Outarde kori, celui d’être l’oiseau le plus lourd capable de voler, en affichant près de 15 kg tout mouillé.
La nage hors pair du Cygne

Grâce à ses ailes puissantes, et une prise d’élan pour réussir à décoller, le Cygne peut atteindre les 70 km/h en vol. Mais c’est surtout un nageur hors pair. Sa morphologie associée à ses pattes arrière palmées lui permet de plonger sa tête et de rester de longues minutes sous l’eau à la recherche de sa nourriture. Celle-ci est essentiellement composée de plantes, de graines, de feuilles et d’herbes. Herbivore, il ne refuse pas quand cela se présente des mollusques, petits poissons ou insectes. Sa silhouette en forme d’embarcation rend sa nage particulièrement stable. Il n’est pas rare d’observer les petits cygneaux installés à l’arrière sur le corps de leur mère. D’ailleurs, dans la mythologie grecque, le char d’Apollon serait tiré par un cygne, véritable gage de stabilité.

Plus récemment, le constructeur Citroën est allé chercher outre-atlantique le brevet du moteur flottant, calmant les vibrations mécaniques et inauguré sur le modèle Rosalie de la C4 en 1932. L’invention est alors marquée d’un logo représentant l’oiseau.
Les métamorphoses du Cygne
Plus poétiquement, le Cygne incarne la métamorphose dans de nombreux contes et légendes. Dans la mythologie grecque, Zeus se transforme en Cygne pour séduire Léda la femme du roi de Sparte. Le peintre Véronèse la représente vers 1580 sur un tableau “Léda et le cygne”, de manière capiteuse et dénudée, le Cygne posé sur ses cuisses, l’embrassant de son bec. De cette union adultère est née Hélène de Troie.

L’origine du mot Cygne vient du grec “cycnos”. Associé à Apollon, il est aussi le nom du fils de Poséidon, tout comme celui du fils d’Arès, tué en combat singulier par Héraclès. Le roi de Ligurie, porte également le nom de Cycnos, et se transforme en Cygne dans le livre II des Métamorphoses d’Ovide, après avoir été témoin de la mort de Phaéton.
Dans la mythologie celtique irlandaise, la “Mort des enfants de Lir” raconte le sort jeté aux 4 enfants de Lir, par la belle-mère jalouse de celle-ci. Transformés en Cygnes, pour 900 ans, ils retrouveront leur forme humaine une fois âgés et mourront ensemble de vieillesse. Dans le célèbre conte “Le vilain petit canard”, Andersen évoque le thème de la différence, du rejet mais aussi de la transformation. Le caneton différent des autres, finit par être adopté et devient en réalité, non pas un Canard mais un Cygne majestueux.
Un ballet de plumes, enchanteur et… maléfique

Guillaume Lassalle.
La majesté de l’oiseau, vient non seulement de sa silhouette mais aussi de son plumage et de sa couleur. Le Cygne peut s’enorgueillir de posséder près de 25 000 plumes à l’âge adulte. Cette parure, blanche pour le Cygne tuberculé, dont le duvet sert de garniture de vêtements ou d’objets, lui donne l’aura pour devenir animal décoratif sur les étangs et lacs. Sa fonction d’oiseau d’ornement est attestée depuis l’Antiquité par les écrits de Diodore de Sicile, qui décrit la cité d’Agrigente dotée d’un bassin artificiel où évoluent des Cygnes. Devenu signe ostensible d’un statut social, à l’instar des Carpes koi en Asie, la possession de ces créatures était l’apanage des élites d’Angleterre, sous le contrôle d’une loi “l’Act of Swans” promulguée en 1482.

Le spectacle de ces oiseaux évoluant avec grâce est transfiguré dans le célèbre ballet “le Lac de Cygnes” créé à la fin du XIXe siècle et inspiré d’une légende allemande. On y découvre le mauvais sort jeté à une princesse Cygne, Odette, dont le prince Siegfried tombe amoureux. Le jour, elle prend l’apparence de l’oiseau, évoluant sur le lac formé par les larmes de ses parents morts de chagrin, et devient la nuit une femme gracieuse ornée de plumes blanches. Le prince Siegfried succombe malgré lui à Odile, une fausse “Odette”, princesse vétue de noir (Cygne noir), condamnant la vraie princesse à demeurer Cygne pour l’éternité.

L’opposition Cygne noir – Cygne blanc s’est aussi traduite dans le film “Black Swan” de Darren Aronofsky (2011). Les rôles d’Odette et d’Odile doivent être incarnés par une seule des deux ballerines pressenties. La fin ultime, comme pour le célèbre ballet, se finit par la mort d’une des deux danseuses. Le Cygne au plumage noir est d’ailleurs représenté par plusieurs espèces dont le Cygne noir (Cygnus atratus), originaire d’Australie. Le Cygne à cou noir (Cygnus melanchoryphus), a, comme son nom l’indique, le cou mais aussi la tête entièrement noirs et le reste du corps blanc, avec une caroncule rouge à la base du bec. Il vit en Amérique du Sud.
Le chant du Cygne, ou la mort annoncée ?
Cygne en anglais se dit “Swan” tandis que l’allemand ajoute les deux lettres “c” et “h” : “die Schwan“. La racine germanique de Swan se rapporte au son. Le Cygne est-il un chanteur comme beaucoup d’autres oiseaux ? Il existe une espèce de Cygne qui porte elle-même ce nom. Il s’agit du Cygne chanteur (Cygnus cygnus), espèce sauvage d’Eurasie et d’Europe du nord, à bec jaune et noir et au plumage blanc. Il lance en effet des cris variés, qui ressemblent à des coups de klaxon.

Lorsqu’il est en vol, il émet des sortes de “houp-houp” caractéristiques, assez bas et sonores. L’autre espèce qui lui est proche est le Cygne trompette (Cygnus buccinator), que l’on trouve en Amérique du Nord et qui, victime de la chasse et du saturnisme aviaire, a failli disparaître. Le Cygne siffleur (Cygnus colombianus) lui ressemble, et vit surtout vers l’arctique canadien. C’est l’oiseau qui a le plus grand nombre de plumes parmi les espèces de Cygnes, plus de 25 200. Son nom vient de son chant tout en sifflement alors que ses cris ressemblent plus à des chiens de chasse aboyant au loin ! Le Cygne de Bewick (Cygnus columbianus bewickii) est une sous-espèce du Cygne siffleur et s’en distingue par la couleur jaune beaucoup plus présente sur le bec. Alors tous de grands chanteurs ?

Pas vraiment pour le Cygne tuberculé (Cygnus olor) plus silencieux que ses autres cousins chanteurs ou siffleurs. Rappelons ici que le terme “olor” désignait à l’origine le Cygne, mais il a été supplanté par l’appellation latine “cygnus”. Le Cygne tuberculé est le plus emblématique et reconnaissable avec son plumage blanc et son tubercule noir, sorte de bosse posée sur le bec orange et plus proéminente chez le mâle. Cette espèce émet différents cris selon les situations, (intrusion, salutations,…).

Pourtant, selon la légende grecque antique qui entoure l’expression, “le chant du Cygne”, l’oiseau annoncerait sa mort prochaine en émettant un son plus puissant. Socrate fait ainsi parler Platon : “Les cygnes, quand ils sentent qu’ils vont mourir, chantent encore mieux ce jour-là qu’ils n’ont jamais fait, dans la joie qu’ils ont d’aller trouver le Dieu qu’ils servent.” Cette mention se retrouve également dans une fable d’Esope “Le cygne et son maître”, qui évoque le chant mélodieux d’un Cygne pourtant muet mais sentant sa mort approcher. Pline l’ancien a contredit cette légende.
Les menaces pour le Cygne tuberculé, un signe des temps

Très présent sur de nombreux continents, le Cygne tuberculé est protégé (Convention de Berne) en Europe. Mais il fait parfois l’objet de régulation et peut être considéré comme “invasif” par rapport à d’autres oiseaux nicheurs. C’est le cas dans certains états états-uniens (New Hampshire, Minnesota, Delaware…). C’est un des oiseaux sauvages les plus sensibles au virus de la grippe aviaire. Sur des zones de chasse fréquentées, l’animal peut ingérer de la grenaille de plomb et succomber au saturnisme, même si la nouvelle réglementation élargit la protection de 100 m autour des zones humides.
Au-delà d’une légende médiévale évoquant Richard Cœur de Lion ramenant un Cygne de Chypre, l’oiseau embrasse différents statuts , de symbole royal pour la monarchie danoise à oiseau semi domestique et décoratif sur les lacs où il continue d’être toujours admiré.
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Sources et bibliographie :
- L’Agora : Le chant du cygne ou la mort selon Socrate
- DORIS : Cygne tuberculé
- Zoom Nature : Les cygnes tuberculés, des girafes à l’envers
- Le guide ornitho Delachaux Niestlé 3ème édition – 2023
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