Dès le début du mois d’octobre, elles envahissent les rayons des supermarchés, une silhouette reconnaissable comme le symbole de Batman dans le ciel. Les Chauves-souris déploient leurs ailes en prévision de la nuit d’Halloween, parfois mignonnes, parfois sanguinaires à l’image du vampire Dracula. On les accuse de boire du sang, de se prendre dans les cheveux, comme le diable, elles s’épanouissent dans les ténèbres de la nuit ou des grottes. Mais qu’en est-il vraiment ? Que cachent les Chauves-souris dans l’ombre de leurs ailes ? Il est temps de casser les préjugés.

Les Chauves-souris, les seuls mammifères au monde à avoir la capacité de voler, sont souvent associés à des bêtes assoiffées de sang. On ne saurait être plus loin de la réalité, selon les espèces, le régime alimentaire peut être très différent. Sous nos latitudes, il est insectivore, comme le Grand rhinolophe (Rhinolophus ferrumequinum) qui consomme principalement des papillons et des coléoptères. Ailleurs dans le monde, il peut également être frugivore, comme celui de la plus grande Chauve-souris du monde, le Renard volant des Philippines (Acerodon jubatus) avec ses 1,5 m d’envergure. Mais nous retrouvons de petites exceptions, comme le menu du Glossophage de Pallas (Glossophaga soricina) qui se nourrit de nectar de fleur, ou celui du Vampire commun (Desmodus rotundus) préférant le sang.
Vampire ou Chauve-souris ?
La Chauve-souris est souvent associée au vampire, la créature mythique. Tous deux sont des êtres vivants la nuit, tous deux ont la capacité de voler et tous deux boivent le sang de leur victime. Vraiment ? Nous tenons là notre premier préjugé. En effet, sur plus de 1000 espèces de Chauves-souris réparties dans le monde, seules 3 se nourrissent de sang.

La découverte de la Chauve-souris Vampire commun (Desmodus rotundus), du Vampire à pattes velues (Diphylla ecaudata) et du Vampire à ailes blanches (Diaemus youngi) a été confirmée au XVIIe siècle, alors que le mythe du vampire naît au siècle suivant en Serbie. Etymologiquement, le terme “vampire” est apparu en même temps que son mythe dans les pays Balkans (вампир), désignant dans l’imaginaire, une créature suceuse de sang. “Vampire”, par la suite, participe au nom vernaculaire des Chauves-souris Vampire, même si la découverte de ces chiroptères précèdent l’arrivée du mythe dans notre culture. Ces 3 espèces hématophages vivent en Amérique centrale et latine et pèsent aux alentours des 40 g.
À la nuit tombée, ces Vampires repèrent leurs proies endormies, mammifères pour le Vampire commun et oiseaux pour les deux autres espèces. Leurs incisives sont conçues pour découper la chair et non y faire deux trous comme on peut le lire dans les légendes. Leurs molaires en revanche, sont moins développées. Lorsque la chair est à vif et la plaie ouverte, ces petits mammifères volants y plongent leur langue. Celle-ci est composée de deux conduits permettant d’aspirer le sang de leur victime. La circulation de celui-ci est facilitée par une enzyme présente dans leur salive. C’est une autre particularité de ces Chauve-souris. Le nom de cette enzyme vient du nom de notre vampire préféré, la Draculine. Même les scientifiques nourrissent le mythe dans leurs recherches sur l’animal !

Ne trouvant pas de nourriture tous les jours, les Vampires se gavent du sang de leur victime au point de ne plus pouvoir s’envoler, les obligeant à rentrer du “restaurant” à pied. Ce sont les seules Chauves-souris capables de marcher ou de courir régulièrement. Dans le cas où une Chauve-souris vampire manque du précieux liquide rouge, celle-ci peut demander de l’aide à une de ses consœurs. Le partage du repas se fait le temps d’un long baiser durant lequel le don du sang se réalise.
Les grottes de l’enfer
A travers le monde, différentes cultures voient la Chauves-souris de façon positive. Dans les Caraïbes, elle est la gardienne des maisons durant la nuit, et de très bon augure. Malheur à ceux qui ont l’audace de la tuer. En Chine, son nom signifie “bonheur” et elle l’incarne sur le plan culturel. Chez les Mayas, elle est représentée par Camazotz, une divinité des forces souterraines, avec une tête de Chauve-souris sur un corps d’Homme.

En Europe, souvent associée aux ténèbres ou à l’obscurité, la Chauve-souris incarne aussi la mort dans plusieurs cultures. Ainsi, dans la religion catholique, le diable est souvent illustré avec une paire d’ailes membraneuses de chauve-souris.
Plus concrètement, la proximité de la Chauve-souris avec les entrailles de la terre est due à son lieu d’hibernation. Les Chauves-souris de nos latitudes recherchent en hiver une fraîcheur constante. Les grottes tournant autour de 10°C, elles offrent une température idéale pour passer la mauvaise saison.
L’hibernation consiste à un état de léthargie pendant plusieurs mois durant lesquels l’animal en question n’a aucune vigilance. Une partie de son cerveau est au repos et tout son corps se met au ralenti, ne laissant que la fonctionnalité des organes vitaux en marche. Cependant, le cœur peut passer de 300 battements par minutes à seulement 3. La température de son corps peut descendre jusqu’à 0°C. Ceci permet aux animaux de survivre à un moment où les insectes sont absents. Attention, ce changement est différent quand on parle de l’hivernation où l’animal est en somnolence durant la période hivernale. En effet, dans ce dernier cas, il peut toujours se nourrir, et reste vigilant au monde qui l’entoure, comme le Castor d’Europe (Castor fiber).
Des Chauves-souris dans les cheveux ?
Le vol saccadé de ces mammifères volants qui possèdent des griffes, a fait naître une autre légende, celle où les Chauves-souris s’accrochent aux cheveux. Il y a pourtant peu de chance que ces petites boules de poils aériennes se retrouvent sur votre tête. En effet, elles utilisent l’écholocation pour se repérer dans leur environnement, évitant les obstacles.
Cette technique consiste pour les Chauves-souris à émettre des ondes depuis leurs narines pouvant aller de 15 000 à 150 000 Hertz (Hz). Pour comparaison, l’être humain ne peut en émettre qu’entre 125 et 210 Hz. Ces sons, que nous appelons communément des ultrasons, sont inaudibles pour nous, l’oreille humaine perçoit les aigus jusqu’à 16 000 Hz. Lorsqu’une onde sonore percute un obstacle ou une proie, elle ricoche vers la Chauve-souris lui donnant son emplacement exact. La précision de ce mécanisme, utilisé aussi par certains mammifères marins, permet de détecter un cheveu humain à 10 mètres de distance dans le cas de certains Chiroptères.

Lorsque la Chauve-souris sort de son abri (tronc mort, charpente de grenier et autre selon les espèces), elle est le plus vulnérable. Dans ces moments, elle émet moins d’ultrasons afin que ses prédateurs, comme l’Effraie des clochers (Tyto alba), ne la repère pas. L’utilisation plus faible de l’écholocation a pour conséquence que ces mammifères se cognent par moment, ou très exceptionnellement se retrouvent emmêlés dans vos cheveux. Ces situations restent des cas rares dans le contexte d’une entrée ou d’une sortie de leur abri.
Chaque espèce de Chauve-souris a sa signature sonore. Grâce à des enregistreurs d’ultrasons, nous sommes capables de détecter quelle espèce est présente.
Les Chauves-souris et les Cétacés ne sont pas les seuls animaux à pratiquer l’écholocation. Dans de rares cas, chez l’être humain, lorsque celui-ci est aveugle, son ouïe plus affinée qu’une personne voyante, peut se repérer dans son environnement en émettant des cliquetis avec sa langue.
Le Chiroptère : source d’inspiration

Victime de sa réputation de vampire et de son association aux ténèbres, la Chauve-souris a pourtant inspiré les plus grands inventeurs. Léonard de Vinci s’est penché sur le vol des oiseaux mais également sur celui des Chauve-souris pour créer son “ornithoptère”. Il étudiait la morphologie de leurs ailes, afin de recréer un équivalent pour les Humains. De même, Clément Ader, précurseur de l’aviation en France, s’est inspiré des ailes de la Chauve-souris pour mettre au point l’Eole, un appareil motorisé capable de voler, fabriqué à partir de bambou et de toile de lin. Il est également le créateur du terme “avion” dans la langue française.
Pour contrebalancer ce lien ténu entre les vampires et les Chauve-souris, DC Comics a créé une fiction avec le personnage de Bruce Wayne, alias Batman. Cet orphelin fortuné fait face aux crimes qui se multiplient dans sa ville natale de Gotham city. Terrifié par les chiroptères, il décide néanmoins de devenir le célèbre justicier en tenue de Chauve-souris. En ayant conjuré sa peur envers cet animal, il trouve la force et le courage de vaincre le crime à Gotham city.

Ce rôle positif de la Chauve-souris existe dans la réalité. En effet, des agriculteurs s’appuient sur sa fonction de prédateur d’insectes, comme le sont aussi les oiseaux. Ils peuvent valoriser leur présence en ayant parfois recours à des professionnels pour leur suivi et pour la pose de nichoirs spécifiques, espérant ainsi augmenter la présence de ces mammifères volants. La présence de ces nichoirs peut aider les Chauve-souris à trouver un abri, car elles perdent de plus en plus leurs habitats, comme les trous d’arbres morts ou les grottes. Les menaces principales pour ces créatures sont la déforestation, l’exploitation forestière qui réduisent la concentration et la diversité arboricole, mais surtout les pesticides qui font disparaître leur ressources en nourriture.
Favorisons la présence de ces Chiroptères dans nos jardins, nos champs, nos forêts et nos villes. Nous avons des insecticides animaliers naturels, avec des comportement aussi originaux les uns que les autres. Rares et menacées, toutes les espèces de Chauves-souris sont protégées par la loi en France. Utilisons donc leur présence dans une forme de coopération être humain-animal.
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Image de garde : Grands rhinolophes, photographie de Rudmer Zwerver
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Bibliographie
- National Geographic : Les chauves-souris vampires, dignes héritières de Dracula
- BBC News Afrique : Le mythe du vampire : Où est-il apparu et pourquoi ?
- Chauves-souris aux abris : Écholocalisation
- Museum National d’Histoire Naturelle : Quelles différences entre l’hivernation et l’hibernation ?
- Musée de l’Aviation : Clément Ader, l’homme qui inventa l’aviation
- Groupe Mammalogique Breton





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