Constater l’impact des chats est une étape nécessaire, mais n’est pas une fin en soi. Les gouvernements comme les particuliers ont un rôle à jouer pour améliorer la cohabitation. Tour d’horizon des solutions existantes dans le monde, des plus populaires aux plus clivantes, des plus efficaces aux plus illusoires.
Dans cet article, la plupart des informations viennent d’une thèse et d’une revue de la littérature scientifique de 2020 “Les chats domestiques et leurs impacts sur la biodiversité : Un angle mort dans l’application du droit de la conservation de la nature”.
Une importante partie de la solution passe par un travail sur la législation. Nous retrouvons ici un éventail classique de mesures pour la gestion de beaucoup de problèmes. Pas mal de mesures présentées ici ont été mises en place ou au moins testées, généralement en Australie et en Nouvelle-Zélande.
Propriétaires de chats : davantage de règles et de cadres
La première proposition, qui est généralement assez consensuelle dans tous les pays, est l’obligation de la stérilisation des animaux non dédiés spécifiquement à la reproduction et l’identification obligatoire.
La stérilisation
Dans certaines régions, la réflexion porte sur la mise en place des systèmes de quota (x animaux maximum par foyer). Ou la mise en place de permis pour animaux de compagnie. Un permis pour tous à la majorité, retiré en cas de manquement, par exemple maltraitance, non stérilisation, etc.
Dans d’autres, il y a un encadrement beaucoup plus strict des ventes ou dons d’animaux. L’idée ici est de laisser le monopole de la reproduction des animaux domestiques à des filières spécialisées. Les particuliers voulant devenir éleveurs doivent obtenir des certificats (comme ce qui se fait actuellement avec les animaux de race par exemple).
Les couvres-feux
Il est également possible d’instaurer des couvre-feux, interdisant la sortie des animaux à certaines heures, voire des confinements, interdisant toute sortie de l’animal en dehors de la propriété.
Il est parfaitement possible de garder un chat dans un espace restreint. C’est le cas de plus de la moitié des chats américains, contre seulement un quart en Europe, toujours selon l’étude citée plus haut. La propension des propriétaires à maintenir leurs chats à domicile varie d’un pays à l’autre, elle est donc culturelle. Elle est notamment dépendante des craintes nourries par les propriétaires concernant les menaces qui pèsent sur leurs chats notamment la prédation, mais aussi les accidents, les maladies, etc. Si des pumas ou des alligators sont dehors, il est beaucoup plus accepté de garder Cannelle et Flocon à l’intérieur.
Pour voir comment empêcher un chat de vagabonder, vous pouvez jeter un œil sur les systèmes d’enclos ici et là. Vous pouvez également vous rendre sur le groupe Facebook “Chats – jardins et balcons sécurisés”, étonnement garanti !
L’interdiction de posséder des chats
Enfin, il est parfois envisagé, dans certains pays, ou zones où l’impact des chats a trop éradiqué la faune sauvage, ou pourrait le faire, d’interdire purement et simplement la possession de chats sur un territoire donné (parc naturel, île, etc.). Une solution législative assez coercitive, mais aussi très locale.
Contrôle des chats libres et harets
Entrons calmement dans la partie qui fâche. Assez logiquement, le plus efficace pour réduire l’impact des chats… c’est de réduire le nombre de chats. Et pour réduire le nombre d’individus dans une population, il n’y a pas 36 moyens… Il y en a 3 : les tuer, les déplacer, ou les stériliser. Revenons un peu sur ces solutions et ce qu’elles impliquent au niveau écologique, et seulement écologique. Les aspects moraux et éthiques étant subjectifs, nous ne les aborderons pas ici.
Dans l’arsenal législatif, il est possible d’autoriser la chasse ou le piégeage. L’autoriser, mais sans spécialement l’organiser ou la gérer dans ce cas. Pour aller plus loin que les dispositions législatives, l’État ou les collectivités peuvent aussi directement prendre en main la gestion des populations de chats, notamment des chats libres et harets. En France, la gestion des animaux errants sur leur commune relève de la compétence des maires.
L’éradication
Sur le sujet nous retrouvons tout l’arsenal classique : tir, piège tuant ou non, poison, etc. Comme par exemple ces pièges à poison, dont l’ingéniosité confine au macabre. Les méthodes létales, quoiqu’on en pense, sont les plus efficientes, elles présentent donc le meilleur rapport coût/efficacité. Le poison étant plus efficace que le piégeage, lui-même plus efficace que les tirs.
À noter qu’il faut un “taux d’élimination annuel de 50 % nécessaire pour réduire les populations de chats par un contrôle létal” – Crawford. Autrement dit, si on tue moins de 50% de la population de chats sur une année, la baisse de concurrence entre les survivants, associée à l’augmentation de la survie et du taux de reproduction des chats restants, compensent les décès. Dans ce cas, la méthode s’avère inefficace et la population de chats se reconstitue.
Petite parenthèse écologique
Petite parenthèse d’écologie fondamentale concernant la dynamique de population. Ce qui est très important pour comprendre tout ce qui va suivre. La courbe de croissance d’une population, quelle qu’elle soit, suit une courbe en S (une “sigmoïde” comme disent les mathématiciens).
Au début, la croissance est lente, puis elle s’accélère jusqu’à donner l’impression de devenir exponentielle. Et sur la fin, la croissance ralentit et la courbe s’aplatit. Quand on veut diminuer durablement une population, il faut amener le nombre d’individus à un niveau assez bas, avant que la croissance ne semble exponentielle. Si on reste dans l’exponentielle, la population se reconstitue très vite et on peut/doit tuer de nombreux individus chaque année (par exemple les sangliers en France).
Bref, pour réguler efficacement, il vaut mieux mettre beaucoup de moyens en une fois que d’en mettre tout autant mais sur la durée. Ces principes se retrouvent quand on parle de la régulation par les chasseurs. Ou encore du contrôle des espèces exotiques envahissantes.
Not in my backyard
Deuxième possibilité : le déplacement. Cela consiste à enlever les animaux d’une zone, au hasard une île, pour aller les relâcher plus loin.
Une autre forme consiste à sortir les chats de la rue et à les faire adopter. Si le chat est ensuite confiné, il n’a plus d’impact. Même s’il sort dehors, les chats propriétaires ont tout de même moins d’impact que les chats harets (1, 2).
La stérilisation, solution la plus populaire
Dernière possibilité, la stérilisation, d’abord des chats de propriétaires, et aussi des chats libres et harets.
La stérilisation des chats propriétaires fait globalement consensus. Chacun peut faire ce choix et la loi pourrait être durcie sur ce point.
Mais dans cet article, nous allons parler des campagnes de stérilisations. Prenez un siège confortable, un petit chocolat chaud et une grande inspiration.
Les campagnes de stérilisation ou TNR pour Trap-Neuter-Release (ou Capture-Stérilisation-Retour dans la langue de Molière) sont généralement largement médiatisées et promues par de nombreuses associations de protections animales.
Si ces campagnes ont sans doute des effets bénéfiques au niveau sanitaire ou vétérinaire, qu’en est-il du point de vue de la biodiversité ?
Une solution inefficace ?
Bon, alors… comment dire, en bref… ça ne marche pas, en tout cas pas d’après les études sur le sujet.
Une équipe italienne a effectué une évaluation de la politique TNR menée par les Services Publics Vétérinaires de la ville de Rome pendant 10 ans, voici leur conclusion : “contrôler la reproduction des chats domestiques [sauvages] sont des gaspillages d’argent, de temps et d’énergie.”
Une autre étude, réalisée par des Australiens pour étudier la faisabilité de la mise en place d’une politique de TNR sur leur territoire indique ceci : “pour réduire les populations de chats errants, les programmes TNR doivent constamment stériliser ≥75% de la population fertile pendant plusieurs années” [plus loin dans l’article, ils disent environ 10 ans]
“Les programmes de TNR faisant appel à des bénévoles sont plus coûteux que les programmes de piégeage et d’euthanasie fait par des professionnels.”
“Les programmes TNR ne stérilisent qu’une partie des chats et ne garantissent ni l’extinction des colonies, ni la santé, la survie ou les soins continus des chats.”
“Compte tenu des preuves du mauvais bien-être des chats errants, des menaces pour la santé publique et la biodiversité, […] nous nous opposons à l’introduction de la TNR.”
Voilà, cette chute d’article n’est certes pas très fun, mais qui a dit que la conservation de la biodiversité était fun en même temps ? Dans le prochain et dernier article de cette série, nous nous pencherons sur les solutions accessibles à tout un chacun.
Retrouvez notre série d’épisodes dédiée à l’impact des chats domestiques sur la faune sauvage :
> Épisode 1 et 2, l’état de la situation
> Épisode 3 et 4, les solutions
Photo de couverture : Un chat errant, capturé lors d’un programme de TNR – Racheal E. Watson