Emblème du Québec depuis 1987, le Harfang des neiges est un oiseau des milieux arctiques. Depuis la saga Harry Potter et sa représentante Hedwige, le Harfang des neiges est à présent connu du grand public. Roi du camouflage, son anatomie et sa physiologie lui ont permis de s’adapter à des milieux hostiles dont les températures sont largement négatives. Portrait en blanc de cet oiseau majestueux, menacé par le dérèglement climatique…
Le Harfang des neiges appartient à la famille des Strigidés. Cet oiseau est d’ailleurs le plus lourd de cette famille, qui comprend 26 genres et 216 espèces dont la taille varie beaucoup. Son poids est en moyenne de 1,6 kg à 2,5 kg. Son envergure avoisine les 1,50 m pour une taille qui oscille entre 50 et 70 cm. Il se nourrit essentiellement de petits rongeurs, Lemmings et Campagnols notamment, mais aussi d’oiseaux ne dépassant pas la taille de la Perdrix.
Le Harfang des neiges ou l’attrapeur de lièvres…
Le nom de Harfang – prononcez arfan – est une appellation d’origine suédoise, dont la graphie nordique est “harfaong”. Elle a été introduite en français par le naturaliste G-L Leclerc de Buffon, en 1770, reprenant celle de son prédécesseur Brisson. Selon les auteurs canadiens Donovan et Ouellet, auteurs d’un dictionnaire étymologique de noms d’oiseaux, Har- signifie “lièvre” et “fanga”, attraper.
Depuis le XIXe siècle, le Harfang était classé dans le genre Nyctea, de la famille des Strigidés, qui ne comptait donc qu’une seule espèce dénommée scientifiquement Nyctea scandiaca. Mais en 1999, suite à des analyses de phylogénie moléculaire, l’espèce a été rattachée par les naturalistes au genre Bubo dont font déjà partie les Grands-ducs et renommée alors Bubo scandiacus.
Star blanche de la toundra
Le Harfang des neiges se rencontre autour du cercle polaire arctique. On le trouve au Canada, en Russie, dans les pays scandinaves et notamment en Norvège, au Groenland et dans l’État de l’Alaska aux Etats-Unis. La plus grande partie de sa population se répartit entre le Canada et la Russie. Il en existait en France… mais à la fin de la dernière ère glaciaire il y a 20 000 ans, capturé et utilisé pour ses plumes, sa viande et ses os par les chasseurs du magdalénien.
La dénomination “des neiges” indique clairement le milieu dans lequel il évolue. En anglais, on parlera de Snow owl, en allemand de Schnee Eule et en espagnol de Bùho nival. Chez les Inuits, il est appelé ukpik ou “fantôme de la toundra”. Grâce à son plumage, surtout immaculé pour le mâle, le Harfang des neiges se confond avec son environnement lorsqu’il est en poste d’observation l’hiver, lui évitant d’être repéré par ses futures proies. Cependant, quand le printemps arrive et que la neige fond, il se déplace alors vers les monticules de neige ou de glace restant. Madame arbore des couleurs plus sombres avec les plumes et la poitrine striées de brun foncé ainsi que le haut de la tête tacheté de cette même couleur. Elle est également plus lourde que son partenaire.
Le Harfang des neiges, un rapace à part
Rattaché au genre Bubo des Hiboux, et bien qu’il soit appelé couramment Chouette blanche, le Harfang des neiges n’est pas ”Chouette”. Alors qu’en anglais “owl” renvoie aussi bien à la Chouette qu’au Hibou, les langues romanes font bien la distinction entre les deux. La différence tient à quelques plumes sur la tête, les aigrettes. Alors que les Chouettes en sont dépourvues, celles des Hiboux sont souvent confondues avec des oreilles. Elles n’en sont pourtant pas ! Ces aigrettes pourraient jouer un rôle dans l’expression de l’état émotionnel de l’oiseau. Chez le Harfang des neiges, elles sont présentes bien que quasi invisibles et repliées, cachées par les nombreuses plumes de la tête. Ce plumage dense est essentiel pour sa survie. En effet, face à des températures allant jusqu’à moins 50 degrés, il bénéficie d’un épais duvet, des plumes sur toute sa face et sur ses pattes, lui permettant de maintenir une température corporelle entre 38 et 40°C. Oiseau de proie redoutable grâce à des pattes puissantes terminées par des serres recourbées, le Harfang des neiges possède des grands yeux jaunes fixes cerclés de noir également entourés de plumes rigides. Elles servent de réflecteurs d’ondes sonores qui sont immédiatement reçues par les oreilles situées juste derrière. Ainsi, en plus de chasser le jour, notamment lors des longues périodes sans nuit sous les latitudes arctiques, son ouïe favorise la détection des proies même quand la lumière décroît et les repère jusqu’à 1km de distance.
A deux pour la vie
Après une période d’hivernage dans le sud du Canada et dans le nord des États-Unis, les Harfangs des neiges reprennent la route du nord en février ou mars vers les zones circumpolaires pour la période de nidification et se rassemblent par petits groupes. La parade nuptiale consiste pour le mâle à voler les ailes déployées et à marcher tout droit devant la femelle, un Lemming mort dans le bec. Une fois le couple formé pour la vie, il occupe une zone de 1 à 2 km² de superficie. Le nid garni par la femelle de plumes, d’herbes et de mousse, est creusé sur un monticule dépourvu de neige et bénéficiant d’une vue dégagée. C’est à elle que revient la mission de couver exclusivement dès la ponte, de 5 à 9 œufs – jusqu’à 12 quand la nourriture est abondante – et de protéger les oisillons du gel. Le mâle assure le ravitaillement. En cas d’absence de nourriture suffisante, il arrive que les Harfangs se déplacent sur plusieurs dizaines de kilomètres pour trouver un autre lieu plus adapté à la nidification. Un œuf est pondu tous les deux jours. Après un bon mois d’incubation, les oisillons éclosent toutes les 48 heures environ. En fonction de la disponibilité de nourriture, certains petits plus fragiles seront parfois sacrifiés. Au bout de 3 à 4 semaines, les jeunes sortent du nid et continuent à être nourris de Lemmings par les parents, qui les défendent face aux éventuels Renards arctiques. C’est un mois plus tard qu’ils auront la capacité de voler, un plumage immature ayant remplacé le duvet gris foncé. Après leur migration en période d’hivernage, ils reviennent au même endroit pour la période de reproduction.
Une célébrité menacée ?
Malgré sa renommée mondiale grâce à la saga des “Harry Potter”, le Harfang des neiges subit la menace de l’être humain quand il hiverne près des lieux habités. Déjà, à l’époque du succès de la saga, de nombreux Harfangs ont été capturés et braconnés pour en faire des oiseaux de compagnie, puis relâchés dans la nature pour y mourir ensuite. D’autres causes comme le choc sur des lignes électriques, clôtures électriques ou barbelés entraînent une mortalité plus importante.
Par ailleurs, les populations de Lemmings qui vivent de racines et de mousses à l’abri du froid dans des galeries souterraines, connaissent une explosion démographique tous les 3-4 ans, suivi d’une diminution drastique, faute de nourriture suffisante. Le nombre de Harfangs des neiges décline alors en conséquence. Il suffit également que le mâle Harfang disparaisse pour que la femelle et sa couvée soient condamnés à terme, ne pouvant se nourrir.
Comme d’autres rapaces, le Harfang des neiges a un rôle crucial dans la chaîne alimentaire des milieux arctiques et lors des périodes d’hivernage lorsqu’il se nourrit de rongeurs des régions agricoles. Comme tout oiseau de proie, il avale sa nourriture puis la digère grâce à de puissants sucs gastriques. Tout ce qui n’est pas dissous, plumes, os, fourrure, est régurgité en pelotes 24 à 48h après. Les travaux de recherche financés par Environnement Canada ont permis d’établir des liens entre le Harfang et l’Oie des neiges notamment sur l’Ile de Bylot au Nunavut. Celle-ci, établissant son nid à proximité du rapace, bénéficie d’une forme de protection face au Renard arctique… Étudié de près, sa chasse est interdite notamment au Canada. Il est classé dans les espèces vulnérables par l’UICN (Union internationale pour la Conservation de la Nature), tout en bénéficiant de mesures de protection et d’études croisées avec le Lemming et le Renard arctique.
Ce rapace a fasciné d’autres auteurs bien avant Joanne Rowling créatrice d’Hedwige. Il est le compagnon de Silfax chez Jules Verne dans le roman “Les Indes noires”. C’est même une super héroïne chez Marvel dénommée Narya. Dans le royaume des Pokémon, il est appelé, à tort, Chouette des neiges ou bien encore Noarfang et apparaît sur plusieurs cartes, doté de différents pouvoirs… une manière de rappeler les capacités extraordinaires d’adaptation de cet animal, le plus grand des Hiboux.
Photo principale : ⓒMichel Lamarche – https://www.findnature.com/
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Pour écouter le podcast Nomen sur le Harfang des neiges :
Sources :
- https://www.allaboutbirds.org/guide/Snowy_Owl
- https://www.hww.ca/fr/faune/oiseaux/le-harfang-des-neiges.html#sid7
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