Arbre oublié de la mythologie greco-romaine du fait de sa discrétion dans le pourtour méditerranéen, le Charme était célébré par les Celtes. Seigneur des forêts mais roi au jardin, prisé autant du charron que du forgeron, le Charme est pluriel, singulier et… charmant ! Tout comme son étymologie et les expressions autour de son nom, dont la célébrissime “Le charme d’Adam, c’est d’être à poil”.
Charme, l’arbre, provient du latin carpinus. Il a donné carpino en italien et carpe en espagnol. Mais il a un homonyme (même mot, sens différent) dérivé du latin carmen, carminis devenu “formule magique, incantation” puis “attrait, moyen de séduction”. Jadis, on parlait alors de jeter un charme comme on dirait jeter un sort aujourd’hui. Au sens figuré, l’expression être sous le charme ne renvoie donc pas à l’arbre.
Quant à “se porter comme un charme”, eh bien déception ! elle est également sans lien avec l’arbre. Elle renvoie là encore à “formule magique”, au sens de rester en bonne santé, comme par enchantement.
Le Charme a laissé assez peu de traces dans les noms propres comparativement à ses proches cousins. Il a donné son nom à quelques communes dans le Nord et l’Est : La Carneille, Charnois ou Charmois. Si vous vous appelez Carme, Ducarne ou Carnoy, il est votre arbre protecteur !
Dans les formations végétales, on retrouve de nombreuses variations de son nom. Une forêt constituée principalement de Charmes est une charmaie ou charmeraie et une allée de Charmes une charmille.
Incontournable dans les jardins à la française, il est l’arbre des labyrinthes végétaux, des haies et des palissades. A la belle saison, son dense feuillage est d’un somptueux vert sombre. Ses feuilles marcescentes (du latin marcescere : “se flétrir”, “se faner”) colorent l’hiver de belles teintes orangées. Il s’est tellement imposé au jardin que charmille désigne par extension toute plantation, même sans Charmes.
Un peu de botanique
On compte environ 70 espèces de Charmes dans le Monde, mais une seule en France : le Charme commun (Carpinus betulus). Il fait partie de la famille des Bétulacées comme le Bouleau, l’Aulne et le Noisetier et peut être confondu avec le Hêtre (qui lui est une Fagacée, comme le Chêne et le Châtaignier).
Son nom scientifique Carpinus betulus confirme sa parenté avec le Bouleau (Betula sp.).
C’est un arbre trapu et irrégulier, à la cime ovoïde, dépassant rarement 20 mètres de hauteur et atteignant au plus 1,50 m de circonférence. Il est très facilement reconnaissable à son tronc lisse, gris cendré et cannelé, qui lui confère une silhouette musclée. Il peut vivre jusqu’à 150 ans.
Comme toutes les Amentifères (Bétulacées, Fagacée, ainsi que les familles du Saule, du Noyer ou du Peuplier), ses fleurs sont groupées sur des épis pendants ou dressés appelés chatons (du latin amentum, “courroie”). Les chatons mâles tombent après pollinisation. Quant aux chatons femelles, une fois fécondés, ils évolueront en grappes de “fausses samares”, de petits fruits secs et ailés. Pourquoi “fausses” ? Parce que chez le Charme, l’aile membraneuse est le résultat de la soudure d’organes foliaires issus de la fleur. Or, dans le cas des samares “vraies”, celles des Érables, de l’Orme ou du Frêne, l’aile membraneuse fait partie du fruit sec.
“Le charme d’Adam, c’est d’être à poil”
Bien qu’il soit génétiquement plus proche des autres Bétulacées qu’il ne l’est du Hêtre, il partage avec ce dernier des ressemblances au niveau du tronc (également lisse, mais celui du Hêtre est cylindrique) et des feuilles. Celles du Charme sont dentées, tandis que celles du Hêtre sont poilues sur les bords. Pour s’en souvenir, les forestiers ont des moyens mnémotechniques potaches. “Le charme d’Adam (à dents), c’est d’être (Hêtre) à poil” ou “Être à poil charme Adam”, selon qu’on préfère déshabiller Adam ou Eve !
Notons que les feuilles du Charme sont gaufrées (en coupe, elles ont une forme d’accordéon), alors que celles du Hêtres sont un peu ondulées sur les bords. En dehors de l’hiver donc, vous n’aurez plus aucune excuse pour les confondre.
Son nom en allemand, Hainbuche ou Hagebuche, est d’ailleurs construit sur cette similitude avec le Hêtre, puisque Hain ou Hag, c’est le “bosquet” et Buche le “Hêtre”.
Le Charme, un arbre au bois excellent
Le Charme est une essence forestière de seconde importance. Il vient juste après les Chênes et le Hêtre pour les surfaces couvertes en France, à peu près à égalité avec le Châtaigner et le Frêne. Il est commun partout sauf dans le Sud-Ouest, en Bretagne, en région méditerranéenne et dans les montagnes, mais c’est dans l’Est de la France qu’il trouve son optimum (forêt de la Hardt près de Mulhouse, Lorraine, Jura, …).
Rejetant bien de souche, on le taille souvent en taillis pour son excellent bois de chauffage. Avant l’utilisation des combustibles fossiles, il était estimé égal ou supérieur au Hêtre, notamment pour les foyers domestiques. Son charbon était recherché par les forges et les poudreries.
Au Moyen Âge, on appelait “bois charmé” la branche d’une cépée qui avait été volontairement blessée et laissée dépérir afin d’avoir le droit de la récolter en tant que bois mort quelques semaines plus tard… Du “bois charmé”, c’est donc du bois volé.
Entièrement blanc, il est reconnaissable en coupe transversale à la sinuosité de ses accroissements annuels. Cela se traduit à l’extérieur par les cannelures du tronc.
C’est un bois très dur – d’où son nom anglais, hornbeam –, de densité élevée, dans lequel on réalisait des pièces nécessitant résistance et dureté : essieux de charrues, dents d’engrenages pour moulins, masses, manches d’outils, rabots, … Aujourd’hui, on l’utilise encore pour les tables à découper des bouchers et charcutiers.
Si vous êtes né.e du 4 au 13 juin ou du 2 au 11 décembre, le calendrier celtique en fait votre arbre tutélaire, signe de loyauté et de dévouement. Enfin, dans le calendrier républicain, le jour du Charme est le 12 germinal (1er avril).
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Pour retrouver l’épisode dédié au Charme dans Nomen :
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Sources :
- La Majestueuse histoire du nom des arbres, Henriette WALTER et Pierre AVENAS, Robert Laffont
- Le charme, collection “Le nom de l’arbre”, Jean-François CLÉMENCE et Françoise PÉRON, Actes Sud
- Vocabulaire illustré, Éléments de botanique descriptive des végétaux vasculaires, Maurice REILLE (https://www.arbres-lozere.fr/)
- Dictionnaire historique de la langue française, Alain REY, Le Robert