Au lendemain des festivités du 14 juillet, lorsque la fête est finie et qu’il est temps de nettoyer, il est de bon ton de s’interroger sur les conséquences de l’usage des feux d’artifice et autres pétards qui sont légions ce jour-là.
Leur impact sur les animaux domestiques comme les chiens, chats, chevaux, est largement connu des propriétaires ou éleveurs et documenté par les vétérinaires mais qu’en est-il de la faune sauvage ? Les oiseaux, en particulier, subissent de plein fouet ces bruits soudains.

Le film inspiré du roman de Daphné Du Maurier, “Les Oiseaux”, a laissé dans la mémoire collective l’image d’oiseaux fondant sur la foule. Dans les faits, lorsque des volatiles tombent du ciel, c’est bien souvent la conséquence de la canicule ou des feux d’artifice.
14 juillet 2019, Toulouse : Des dizaines d’Étourneaux paniquent et tombent raides morts aux pieds des spectateurs après s’être heurtés à des obstacles ou victimes de crise cardiaque.

31 décembre 2020, Rome : Les habitants fêtent le passage au nouvel an. Dans le quartier de Roma Termini, comme ailleurs dans la capitale italienne, les feux d’artifices font partie de la fête. Or, attirés par la chaleur du cœur de la ville, des Étourneaux y ont installé leur dortoir. Le lendemain matin, le réveil est brutal pour les Romains. Ils découvrent horrifiés des centaines d’oiseaux morts sur la Via Cavour. Effrayés par les pétards et les explosions, les oiseaux se sont envolés en même temps, se heurtant les uns aux autres, contre les bâtiments ou les fils électriques. Dix ans plus tôt, à Beebe dans l’Arkansas, c’étaient 5 000 Carouges à épaulettes qui avaient été retrouvés au sol.
L’impact du bruit des feux d’artifice peu documenté en France
En France, les conséquences des feux d’artifice sur l’avifaune sont très peu documentées. Cependant Jean-Marc Pons, ornithologue au Muséum national d’Histoire naturelle explique que : « Les fortes déflagrations, surtout quand elles sont soudaines, provoquent une augmentation du stress, du rythme cardiaque et de la vigilance des oiseaux […] Dans le cas d’oiseaux très grégaires […] une réaction de panique peut se diffuser dans tout le groupe.“

Si la pyrotechnie ne tuent pas directement les oiseaux, c’est leur réaction face au bruit soudain des feux d’artifice qui engendre des comportements à risque. Un fait divers au Mexique en 2022 illustre bien cela. Filmé par des caméras de surveillance, on a pu observer un groupe de Carouges à tête jaune pris dans un mouvement de panique. Percutant violemment le sol, des dizaines d’individus se tuent contre le béton. ” Ce sont les limites de l’intelligence collective dans une situation d’effroi,” expliquait Maxime Zucca, ancien directeur de la conservation à la Ligue de protection des oiseaux.
Une étude néerlandaise de 2011, parue dans la revue scientifique Behavioural ecology a permis d’étudier les conséquences du bruit des feux d’artifice. Grâce à un radar météorologique, les chercheurs ont mesuré la réaction des oiseaux pendant trois années consécutives. Ils ont constaté que des milliers d’oiseaux s’envolent juste après minuit, avec des mouvements intenses dans les airs durant au moins 45 minutes, atteignant des altitudes de 500 m. Ces hauteurs sont pourtant habituellement celles des vols migratoires et sont très énergivores.
Les études confirment l’ampleur des dérangements
En France, en 2019 la LPO a publié un rapport sur l’impact des festivités du 14 juillet. Il porte sur des Sternes pierregarins et Sternes naines. Ce document met en avant les suivis avant, pendant et après les feux d’artifice tirés à Tours et à La Chapelle-sur-Loire.

“Les feux d’artifice du 14 juillet sont venus fortement déranger les Sternes. Une surveillance lors de cet évènement a permis de voir que les Sternes avaient quitté ces deux sites pendant toute la durée du feu, laissant ainsi les œufs et/ou les poussins seuls et sans surveillance, […] de nombreux couples ont abandonné leur nid dans les jours suivants. […] Il est donc certain que les feux d’artifice ont eu un impact négatif sur la reproduction des sternes sur ces deux sites.”
Plus récemment, c’est la ville de Nevers qui revoit sa copie. Pierrot Pantel, est ingénieur-écologue, et bénévole au sein de l’Association Nationale pour la Biodiversité (ANB). Il milite pour déplacer le feu du 14 juillet ailleurs qu’au-dessus de l’île aux Sternes. Conséquence de la pression des associations et en réponse à la sécheresse actuelle, la zone de tir a été déplacée cette année.
Vers une fête responsable et respectueuse de la biodiversité
Aujourd’hui, la filière pyrotechnique se remet elle-même en cause. Des mesures concrètes peuvent être mises en place afin de minimiser les impacts des feux. Une étude allemande de 2019 s’est penchée sur le sujet.

Elle recommande de garder une distance minimale de 1 000 mètres entre les feux d’artifice et les zones de nidification des oiseaux. Pour les espèces sensibles, comme la Grue, il faut aller jusqu’à 2 000 mètres. Quand des surfaces réfléchissent ou portent le son (collines, bâtiments, eau), il faut doubler la distance. Il faudrait aussi veiller à l’absence de lignes électriques dans un rayon de 1000 mètres autour des tir des feux d’artifice. De plus, les auteurs de l’étude préconisent un intervalle d’au moins 4 semaines entre deux feux sur un même site. Ils estiment aussi qu’une distance d’au moins 10 km entre deux feux d’artifice le même jour est nécessaire.
Aujourd’hui les sociétés pyrotechniques se tournent vers des méthodes d’habituation et d’effarouchement. Il est possible d’habituer les oiseaux au bruit et à la lumière des feux d’artifice, en augmentant la fréquence et l’intensité progressivement. Un peu comme un orage qui arrive. Voire d’utiliser des artifices moins bruyants ou à bruit contenu.
Les festivités du 14 juillet, symbole de la révolution, sont l’occasion pour tous de repenser notre manière de faire la fête. C’est l’opportunité de mettre en application l’article 4 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen : La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui et de l’appliquer à nos traditions. Réinventons nos coutumes, créons rêve et émerveillement sans que cela ne soit aux dépens des espèces qui nous entourent.
Sources:
- Birds flee en mass from New Year’s Eve fireworks. Judy Shamoun-Baranes, a Adriaan M. Dokter,a Hans van Gasteren, b E. Emiel van Loon, a Hidde Leijnse,cand Willem Boutena
- Annexes au bilan des Sternes pierregarins et Sternes naines, 2019. Conséquences des festivités du 14 juillet 2019
- Effects of Fireworks on Birds – A critical Overview Stickroth, H. (2015) : Auswirkungen von Feuerwerken auf Vögel
- Reporterre. net : Les feux d’artifice du 14 juillet, un spectacle éprouvant pour les oiseaux
À toutes fins utiles, la rédaction de BSG tient à préciser que l’autrice de l’article à une formation d’artificière. Elle est également conseillère municipale dans sa commune qui depuis 3 ans, recourt à des alternatives aux feux d’artifices traditionnels.
