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Il étouffe les arbres et menace les fondations de nos maisons, vraiment ? À en croire certains, ce ne serait même qu’un vulgaire parasite dont il faut absolument se débarrasser. Seule liane autochtone d’Europe et véritable vestige du passé, le Lierre est bien au contraire un atout pour nos écosystèmes. Il est grand temps de lui rendre ses lettres de noblesse !

Lierre grimpant sur un arbre
Lierre grimpant sur un arbre sans être un parasite. Auteur : ©Nilgün Tavuskuşu

Le Lierre grimpant, Hedera helix en latin, peut atteindre 30 mètres de haut. Comme toute liane, le Lierre a besoin d’un support sur lequel grimper. C’est de là que vient le préjugé. À l’époque de l’Antiquité, déjà, des grands savants comme Théophraste avançait cet argument que le Lierre tuerait son hôte. En 77 après J-C, Pline l’Ancien écrivait que le Lierre était un tueur d’arbre, un parasite. 

Ce cliché perdure encore aujourd’hui, malgré les efforts des spécialistes pour les démonter. Dans un premier stade de sa vie, il rampe au sol, jusqu’à rencontrer un support qui lui permettra d’évoluer en hauteur et de se rapprocher de la lumière. Il entame alors le second stade de son existence dans lequel il va pouvoir fleurir et fructifier. 

Ne pas faire comme tout le monde

fleur de Lierre
Fleurs de Lierre. Auteur : ©Ekin Vural

La floraison du Lierre se fait au mois d’octobre et ses fruits sont mûrs à la fin de l’hiver/début du printemps, à contre-temps de toutes les autres plantes. Cette floraison décalée est héritée du Cénozoïque, l’ère tertiaire, au climat plus chaud et et aux hivers plus doux, qui offrait les conditions d’une floraison tardive. Le Lierre, survivant des périodes glaciaires de la fin de cette ère, a conservé un décalage dans son cycle de vie, comme un héritage de cet ancien temps. 

Les fleurs du Lierre se parent de couleurs jaunes-vertes, disposées en ombelles hémisphériques, elles-mêmes regroupées en grappes. Elles possèdent 5 étamines, 5 pétales et 5 sépales. Le Lierre fleurit lorsqu’il est bien exposé au soleil. Les fruits, charnus, sont semblables à de petites billes de couleurs noires, d’environ 1 cm de diamètre. Ce sont des mets de choix pour la faune, surtout les oiseaux. 

Ces feuilles sont, quant à elles, vert foncé et persistantes. Elles tombent en général au bout de trois ans. On distingue 2 types de feuilles : les feuilles “d’ombre”, feuilles qu’on retrouve lors de la phase rampante du Lierre, sont lobées et vertes très foncées. Elles sont caractéristiques du stade juvénile. Au contraire, ses feuilles “adultes”, dites de soleil, sont d’un vert plus clair et ont une forme ovale et pointue. Elles se retrouvent sur les rameaux où sont présentes les fleurs. 

Lierre sur un mur en briques.
Auteur : ©Byrdyak

Orgueil et préjugés

En s’enroulant autour d’un support, le Lierre déploie de petites racines, le long de sa tige, mesurant jusqu’à 15 millimètres, ce sont des racines-crampons. Au bout de ces racines se trouve de minuscules poils racinaires capables de sécréter une sorte de “super colle”. Les poils racinaires se glissent dans chaque interstice de la paroi escaladée par le Lierre. Une fois l’attachement fini, ses poils se transforment pour renforcer ce mécanisme de crampons qui permet l’adhésion de la plante à son support. 

Ce processus est-il dangereux pour son support ? Les racines-crampons présentes sur la tige de Lierre ne sont pas intrusives. Elles ne vampirisent ni l’eau, ni les nutriments dans le tronc de l’arbre. Le Lierre n’est donc pas un parasite. Une étude, réalisée en Suisse a montré que le Lierre ne rentre pas en compétition avec son hôte, puisqu’il a développé des stratégies qui lui permettent de pomper l’eau et les nutriments de préférence en hiver. Les seuls cas où le Lierre peut devenir envahissant sont lorsque celui-ci trop imposant, renforce la prise au vent à cause de ses feuilles toujours présentes en hiver. Il peut alors favoriser le déracinement de son support en particulier lors des tempêtes. Mais il faut bien avoir en tête que si l’arbre supportant le Lierre s’effondre, celui-ci se retrouve à terre et doit recommencer sa vie !

Abeilles posées sur des fleurs de Lierre
Abeilles posées sur des fleurs de Lierre. Autrice : ©Bérénice Toutant

Et sur les maisons alors ? Le Lierre est un thermorégulateur efficace. Une étude réalisée à Manchester a montré que sur un mur couvert de Lierre, il y a un effet d’atténuation des fluctuations thermiques. Le Lierre agit donc comme un isolant : il permet de rafraîchir en été et aide à conserver la chaleur en hiver. Une étude parue en 2004 montre même que celui-ci absorbe certaines particules fines et peut aider à la dépollution. Alors pourquoi tant de haine ? 

Gîte et couverts

Loin d’être un parasite, le Lierre est une véritable aubaine pour les écosystèmes. Lorsqu’il perd ses feuilles, celles-ci se transforment en litière et se décomposent pour enrichir le sol en nutriments. Les feuilles du Lierre tombant toute l’année, l’arbre n’a plus qu’à se servir.

Merle posé sur du Lierre
Merle posé sur du Lierre.
Autrice : ©Helenwalkers65

Son cycle particulier décalé dans les saisons fait de lui une des seules sources d’approvisionnement pour de nombreuses espèces avant le début de l’hiver. Ce sont en effet plus de 235 espèces d’insectes qui ont été observées en train de butiner ses fleurs. On trouve aussi bien des lépidoptères (papillons), des coléoptères (coccinelles) que des hyménoptères (fourmis). Il représente même 90 % des ressources alimentaires des abeilles en automne. Comment ne pas mentionner la Collète du lierre (Colletes hederae), abeille sauvage qui dépend pratiquement que de cette plante ? En effet, celle-ci suit plus ou moins le même cycle que le Lierre. Les mâles apparaissent à la fin août et les femelles début septembre. Les larves sont quasi exclusivement nourries avec du pollen de Lierre.

 Il sert aussi d’abris, de garde-manger et de lieux de nidification pour de nombreux oiseaux, comme le Merle noir, la Grive musicienne ou encore l’Étourneau Sansonnet. Ces oiseaux vont à leur tour jouer un rôle dans la dispersion des graines de Lierre. À noter tout de même que ses fruits sont toxiques pour l’être humain.

Finalement, le Lierre n’est pas le parasite qu’on veut qu’il soit. C’est une liane qui s’est adaptée pour ne pas nuire à son hôte tout en profitant de celui-ci. En plus, il est un formidable atout pour l’écosystème et le reste de la biodiversité. Alors ne le coupons pas !

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Sources