Vu comme un vampire ailé au bruit de scooter débridé, le Moustique est certainement dans le top des insectes les plus détestés au monde.
Ce diptère, surnommé maringouin dans certaines régions, comme en Martinique ou au Canada, compte de nombreuses espèces. En 2024, on en recensait 3 729. Mais uniquement 80 d’entre elles prélèvent du sang humain, ce qui représente à peine plus de 2% des espèces. Seules les femelles piquent. Mais qu’ont-elles fait de si terrible pour avoir une si mauvaise réputation ?
Être considéré comme l’animal qui fait le plus de morts à travers le globe et qui transmet le parasite responsable du Paludisme à des millions de gens n’aide pas à se faire des amis.
Le nom vernaculaire, Moustique vient de l’espagnol, mosquito qui signifie “petite mouche”. Mais c’est son nom latin Culex qui nous renseigne un peu plus. Il dérive du mot aculeus, qui signifie “aiguillon”. Vous pouvez fuir aux quatre coins du monde, le Moustique est partout, sauf en Islande et en Antarctique. Avis aux phobiques, les serpents sont aussi absents de ces contrées.

Mais pourquoi les Moustiques nous piquent-ils ? Alors que le nectar de fleurs et le miellat constituent la plus grande partie du régime alimentaire des Moustiques, les femelles se nourrissent de sang. Gourmandise particulière ou sadisme envers les humains ? Rien de tout cela, car ce n’est pas pour elles que les femelles piquent. En effet, après l’accouplement, les femelles fécondées ont besoin de protéines pour mener leurs œufs à maturation complète.
Les différentes espèces de Moustiques vivent dans de nombreux milieux et ont des comportements différents. Leurs cycles de reproduction sont très variables : certaines espèces ne produisent qu’une génération par an, tandis que d’autres, peuvent dépasser dix générations annuelles. Ainsi le Moustique-tigre peut pondre 150 œufs tous les 12 jours et ce jusqu’à 5 fois au cours de sa vie. Cependant, toutes les espèces passent par quatre stades : œuf, larve, nymphe, adulte. Elles ont une phase aquatique immature, puis une phase adulte aérienne. Cette métamorphose complète dure de 5 à 90 jours selon les conditions environnementales, ce qui explique leur capacité à proliférer rapidement dans les milieux favorables.
Anatomie d’une piqûre

Les mâles ne possèdent pas d’appareil piqueur. En revanche les femelles sont équipées d’un véritable arsenal. Pour piquer, la femelle Moustique utilise son proboscis. Il s’agit d’une sorte de trompe, composée de stylets enveloppés dans le labium souple, qui se replie pendant la piqûre. Les stylets percent l’épiderme en “tâtonnant ” à la recherche d’un vaisseau sanguin, tandis que le Moustique injecte via un canal dédié une salive qui empêche la coagulation et le rétrécissement des vaisseaux. Une fois le vaisseau atteint, le Moustique aspire le sang par le canal alimentaire tandis que la salive continue de circuler par le canal salivaire.
La salive du Moustique contient des protéines salivaires, les sialomes qui bloquent les défenses de notre corps pendant la piqûre. Elles agissent sur trois mécanismes : elles inhibent l’agrégation des plaquettes, provoquent une vasodilatation, et bloquent la coagulation sanguine. Cela permet au Moustique d’aspirer le sang sans que celui-ci ne coagule ni ne bouche le canal alimentaire pendant la piqûre.
Le Moustique prélève entre 0,001 et 0,01 millilitre de sang par piqûre selon les espèces. Sur les 5 litres que contient en moyenne le corps humain, c’est infime. Pour alimenter l’image d’affreux vampire suceur de sang, un calcul absurde permet de se rendre compte qu’il faudrait entre 500 000 et 5 millions de Moustiques femelles piquant et se nourrissant simultanément pour rendre quelqu’un exsangue.
Jurassic Moustique

La sortie,en 2025, du dernier volet de Jurassic World nous invite à nous pencher sur une image bien connue de la pop culture : celle du Moustique piégé dans de l’ambre et qui permet de ressusciter des dinosaures. Si les Moustiques sont apparus il y a entre 180 et 200 millions d’années, le Moustique présent dans la canne de John Hammond dans le premier volet de la saga fait partie des espèces qui ne se nourrissent pas de sang. Difficile donc d’y prélever de l’ADN de dinosaures.
L’entomologiste de la Marine Joe Conlon l’a en effet identifié comme étant Toxorhynchites rutilus, un Moustique surnommé Moustique-éléphant en raison de la longueur de sa trompe. Tiendrons-nous rigueur à Michael Crichton d’avoir préféré en 1993 l’utilisation d’une espèce cinégénique plutôt que la rigueur scientifique ?
Si le cinéma n’est pas une source entomologique toujours fiable, elle est parfois proche de la réalité. Une étude parue le 4 décembre 2023 dans “the Current Biology” met en lumière la découverte unique des 2 plus vieux fossiles de Moustiques au monde. Ces deux spécimens ont été révélés dans des inclusions d’ambre d’un gisement libanais. Les chercheurs estiment qu’ils datent du Crétacé inférieur, soit de 100,5 à 145 millions d’années avant notre ère.
L’état de conservation de ces insectes a permis de conclure qu’il s’agissait de mâles. Mais, surprise, ils possèdent des pièces buccales allongées semblables à celles dont sont pourvus les Moustiques femelles modernes. Les Moustiques mâles de cette espèce étaient donc hématophages eux aussi.
Tu préfères : un Moustique-tigre ou un Tigre-Moustique ?

Si l’image effrayante d’un Tigre ailé fonçant sur sa proie est évidemment de la science-fiction, le Moustique-tigre est bien réel et sa piqûre n’est pas anodine.
Aedes albopictus communément appelé “Moustique-tigre” est un Moustique originaire d’Asie. Arrivé dans l’Hexagone en 2004, il a rapidement colonisé le pays : il est désormais implanté dans 81 départements.
Cette capacité d’adaptation et d’expansion lui vaut d’être dans le top des 10 espèces les plus invasives au monde ! Contrairement aux Moustiques initialement présents en France, il est silencieux, vit le jour et ne mesure que 5 mm. Le Moustique-tigre est anthropophile, il aime les lieux habités par l’homme. Il se déplace peu par lui-même au cours de sa vie car il vole assez mal. Il évolue généralement dans un périmètre de 150 mètres autour de son lieu de naissance. Si vous observez un Moustique-tigre, c’est qu’il a trouvé un lieu propice à sa reproduction à deux pas de votre porte. En effet, un simple bouchon d’eau suffit aux Moustiques pour que leurs œufs se développent. La femelle, qui peut pondre jusqu’à 750 œufs au cours de sa vie, assure ainsi une prolifération rapide de l’espèce.
Moustique-tigre : vers de nouvelles zoonoses ?

Le terme zoonose était peu connu du grand public il y a quelques années. La pandémie de Covid-19 a permis au plus grand nombre de s’éduquer sur le sujet. Les zoonoses sont des maladies qui se transmettent entre les animaux vertébrés et l’Homme. Cela peut être par contact direct (rage, grippe aviaire), par l’environnement (eau, sol) ou par la consommation d’aliments contaminés. Certaines zoonoses passent par des vecteurs comme le Moustique ou la Tique, via une piqûre, causant des maladies comme la fièvre du Nil occidental ou la maladie de Lyme. Certains pathogènes zoonotiques peuvent évoluer pour se transmettre directement entre humains, comme certains virus de la grippe ou des coronavirus.
Déjà connu pour transmettre la dengue ou le chikungunya, le Moustique-tigre présente aujourd’hui un nouveau risque : sa capacité à propager les virus West Nile et Usutu. L’institut Pasteur a confirmé cette découverte. Chaque printemps, des oiseaux migrateurs traversent la France et transportent ces virus. Le Moustique-tigre joue alors un rôle de vecteur intermédiaire en piquant oiseaux puis humains. Cette découverte permet de mieux cibler la surveillance et de cartographier les zones à risque pour prévenir la transmission de ces virus.
En lutte !

Le risque sanitaire incite les institutions et les structures privées à se pencher sur des moyens de lutte efficace. Récemment, une initiative peu banale a fait la une des journaux : un lâché de centaines de milliers de… Moustiques-tigres. Ainsi à Brive, en Nouvelle-Aquitaine, des Moustiques-tigres mâles stérilisés ont été lâchés pour limiter la prolifération de cette espèce invasive.
Ces mâles, qui ne piquent pas, fécondent les femelles sans donner de descendance, réduisant ainsi la population. L’entreprise Terratis, qui pilote cette opération, prévoit une réduction de 60 % des Moustiques la première année et 90 % la seconde. Dix millions de Moustiques mâles seront relâchés entre mai et octobre 2025, avec 400 000 lâchés chaque semaine sur une zone pilote de 50 hectares. Chaque mâle a un rayon d’action de 75 mètres pour couvrir efficacement le quartier. Cette méthode, déjà efficace sur Aedes aegypti à La Réunion, pourrait être poursuivie si les résultats sont concluants en métropole malgré son coût élevé (1 000 €/hectare).
Aujourd’hui les Moustiques représentent un enjeu majeur pour la santé humaine. Comprendre leur biologie et leur cycle est essentiel. Mais les Moustiques ne sont pas que des ennemis. L’étude de leur trompe inspire la conception d’aiguilles de seringues moins douloureuses. Même ces petits insectes, au rôle écologique indispensable, contribuent aux avancées médicales.
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Sources:
- Current Biology : The earliest fossil mosquito – Azar, Dany et al.
- PLOS.org : Assessing vector competence of mosquitoes from northeastern France to West Nile virus and Usutu virus – Martinet JP, Bohers C, Vazeille M, Ferté H, Mousson L, et al. (2023)
- CIRAD.fr : Technique de l’insecte stérile renforcée : des essais très encourageants à la Réunion contre le moustique vecteur historique de la dengue