Souvent confondu avec l’Hirondelle, le Martinet est un champion de vitesse et de temps de vie en l’air… C’est cette dernière caractéristique qui le distingue et le rend difficile à observer de près. Son nom a d’abord été attribué à l’actuel Martin-pêcheur. Alors, le Martinet serait-il de la même famille que l’oiseau bleu turquoise des zones humides ? Ou bien est-il un proche parent de l’Hirondelle dont la silhouette est similaire ? Pour répondre, posons-nous à terre un instant pour décrire cet oiseau “hors sol” !

Le taxon “Martinet” est ambigu car c’est un nom vernaculaire attribué à plusieurs espèces d’oiseaux migrateurs de la famille des Apodidés, regroupant 15 genres. Le nom de “Martinet” signifie littéralement “Petit martin”. Autrefois, “Martinet-pescheur” désignait notre actuel Martin-pêcheur. Puis quand cet oiseau fauve et bleu turquoise s’est appelé Martin-pêcheur, la désignation de “Martinet” s’est alors appliquée à l’autre oiseau, le Martinet actuel. A l’origine, c’est la légende entourant l’évêque de Tours, Saint-Martin, évangélisateur des Gaules qui a d’abord donné le nom de Martin à l’oiseau.. En effet l’évêque observant le piqué extrêmement rapide – voire diabolique – du martin-pêcheur l’a comparé au diable volant l’âme d’un défunt. A la même époque, le terme de “martinet” est aussi associé à l’outil : un gros marteau à bascule utilisé avec l’énergie hydraulique, pour battre en cadence des objets en cours de façonnage. Plus poétiquement, dans l’Histoire naturelle des oiseaux de Buffon, c’est le graveur et dessinateur François-Nicolas Martinet qui l’a richement illustré, dont étrangement le Martinet est absent…
Un seul mot d’ordre : voler

Avec un corps aérodynamique d’environ 17 cm , des ailes en forme de faux et une envergure de 45 cm en moyenne, une queue effilée et des pattes réduites, le Martinet possède tous les atouts pour demeurer en vol. De plus sa cavité buccale s’ouvre largement facilitant la capture des insectes volants “le plancton aérien” même au crépuscule. Lorsque la météo est mauvaise, il chasse au-dessus de l’eau. Il appartient aux Apodidés, et non aux Passereaux comme l’Hirondelle. Apodidés vient du grec “apous” qui a donné “apus” en latin voulant dire “sans pied” “sans pattes”. En anglais, on l’appelle Common swift, “swift” signifiant rapide. Le martinet peut voler jusqu’à plus de 100 km/h. Des records ont été enregistrés à 200 km/h. En allemand, la traduction de “Mauersegler” s’éloigne des analogies de vitesse pour signifier “voilier” ou “navigateur”. Les Martinets, souvent confondus en vol avec les Hirondelles, sont en réalité plus proches des engoulevents et des Colibris, sans les couleurs vives. D’ailleurs, la confusion existe avec l’anglais, Hirondelle peut se traduire par “housemartin”. Comme l’Albatros, si la reproduction n’était pas vitale avec le nid à construire, le Martinet pourrait rester constamment en vol, se reproduisant, se nourrissant et dormant en vol, utilisant les courants et la force du vent pour économiser son énergie.
Une vie en l’air et des globules en plus

En France, le plus commun des Martinets est le Martinet noir (Apus apus). Il se nourrit en vol et boit en rasant l’eau. Avec ses petites pattes composées de 4 doigts griffus et opposables, il est capable de s’accrocher à des parois verticales ou rocheuses, à des troncs d’arbres. Espèce rupestre à l’origine, la nidification a lieu souvent dans des édifices urbains, en hauteur dans une cavité étroite artificielle (église, tour….). En cas de pénurie d’insectes, il peut alors s’éloigner de plusieurs centaines de kilomètres de son aire de reproduction avant d’y revenir. Lors de la capture de ses proies, aphides, hyménoptères, coléoptères et diptères (abeilles, fourmis ailées, scarabées…), il les stocke dans sa gorge pour ensuite les régurgiter lors des becquées. Pendant cette absence, les oisillons abaissent leur température corporelle, leur permettant ainsi de survivre plusieurs jours avant le retour des adultes. C’est d’ailleurs pendant la période de nidification qu’il se pose ponctuellement. La confection du nid est réalisée à base de salive, avec quelques plumes ou brindilles glanés en l’air. Deux ou trois poussins y voient le jour, et restent au nid entre 1 mois et demi à 2 mois le temps de se renforcer avant d’entamer leur long vol pendant un an. Leur départ peut être retardé en cas de mauvaise météo. A l’âge adulte, le Martinet peut atteindre 3000 m d’altitude en vol. Dans cette atmosphère raréfiée en oxygène, c’est le seul oiseau à posséder une hémoglobine permettant davantage de fixer l’oxygène que d’autres oiseaux. Il fait des vols planés lors de courtes phases de repos. Pour dormir, il monte au-dessus des nuages. Son repos est discontinu. Grâce à un sommeil hémisphérique unilatéral, il garde la moitié de son cerveau en alerte et éveillée tandis que l’autre est en sommeil. Une équipe de chercheurs suédois ont démontré en 2016 que des Martinets noirs battaient le record de 10 mois en vol sans se poser et durant leur vie, la distance accumulée qu’ils parcourent en vol, équivaut à 7 voyages aller-retour sur la Lune.
En colonies entre l’Europe et l’Afrique

Le Martinet est un oiseau migrateur vivant sous nos latitudes pendant environ 3 mois. Le reste du temps, pendant la période hivernale où les insectes se raréfient, il vit en Afrique méridionale et peut ainsi continuer à se nourrir d’insectes. Il repart à la fin de février et arrive en Europe fin avril après 10 000 km de vol. Il y restera jusqu’au début du mois d’août avant de plier bagage ! Oiseau très sociable, il vit en colonies composées de plusieurs centaines d’individus. Les couples restent fidèles entre eux tout comme à leur lieu de nidification. En plus du Martinet noir, Il existe 2 autres espèces de Martinets en France. Celui qui lui ressemble beaucoup est son cousin montagneux, le Martinet à ventre blanc (Tachymarptis melba). À la différence du Martinet noir, il ne passe pas la nuit en vol mais dans son nid en période de reproduction. Il a le ventre et la gorge blancs, qui le distinguent des autres. Il possède un battement d’ailes plus ample ce qui pourrait le faire confondre avec un Faucon hobereau. La 3ème espèce est le Martinet pâle (Apus pallidus), le cousin méridional du Martinet noir. Son front et sa gorge sont plus clairs que ce dernier. Il niche plutôt près de la mer et dans la moitié sud de l’hexagone. Il hiverne au sud du Sahara.

Il existe de nombreuses autres espèces de Martinets, près de 96 espèces réparties sur tous les continents. On peut citer par exemple le Martinet cafre (Appus caffer), qui niche dans le sud de l’Atlas marocain et dans l’Afrique subsaharienne. En Asie, vit le Martinet de Sibérie (Apus pacificus). Présent de la Sibérie centrale jusqu’au Japon, il hiverne en Australie et en Asie du Sud-Est. Au centre et à l’est de l’Amérique du Nord, on trouvera le Martinet ramoneur (Chaetura pelagica) au corps trapu avec une queue courte et carrée. Et en Amérique centrale, vit le Martinet à collier roux (Sreptoprocne rutila), caractérisé comme son nom l’indique par une bordure rousse qui entoure son cou.
Menaces sur le vol du Martinet

Comme beaucoup d’autres espèces d’oiseaux, le Martinet n’échappe pas aux menaces environnementales que sont les pesticides. Ils réduisent de manière drastique leur source de nourriture : les insectes. Une autre menace vient de l’isolation moderne des maisons, et la disparition des anfractuosités des bâtiments le privant de nichoirs. Il lui suffit de 3 à 4 cm d’ouverture pour se glisser. Le biologiste suisse Marcel Jacquat, spécialiste des Martinets, a d’ailleurs traduit une bande dessinée de l’auteur italien Franco Sachetti “Les martinets se cachent pour dormir”, ouvrage qui pointe la problématique de nidification dans les villes. Les populations sont en déclin en Europe et ont perdu près de 40% de leurs effectifs en France en 10 ans. Pourtant, l’espèce est protégée depuis la loi de la Protection de la nature du 10 juillet 1976, ainsi qu’avec l’arrêté ministériel du 29 octobre 2009. La présence de Martinets est un bio indicateur d’une faible contamination de l’environnement aux polluants organiques persistants (POP). Les vagues de chaleur de plus en plus récurrentes menacent la vie des jeunes Martinets qui tentent alors de sortir du nid pour échapper aux températures mortelles. Les étés, il n’est plus rare de voir des juvéniles récupérés dans les centres de soin, ce qui augure un avenir incertain pour cet oiseau emblématique.
Photo centrale : Martinet pâle. Auteur : ⒸIrvin Calicut.
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Pour écouter le podcast NOMEN sur le Martinet :
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Sources :
- LPO : Martinet noir
- INPN : Le Martinet noir, Le Martinet pâle
- Bird Life : L’oiseau de l’année 2025 : Martinet noir
- Reporterre : Le Martinet, un oiseau “complètement fou” qui dort en vol
Bibliographie :
- Le guide ornitho – Guide Delachaux et Niestlé. – 3ème édition 2023
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