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Symbole de force, mais aussi d’imprévisibilité, le Buffle, de la famille des Bovidés, s’est adapté à différents milieux tout au long de l’évolution depuis la préhistoire. Il existe deux genres de Buffle : le premier, du genre Bubalus, se rencontre en Asie et le second en Afrique avec le genre Syncerus, sous sa forme domestiquée la plus connue pour l’un, et sous la forme sauvage pour l’autre. Ce dernier fait d’ailleurs partie des “big five”, les 5 animaux emblématiques africains que les adeptes de safari photo rêvent de rencontrer. Retour sur la piste de cet animal bien corné, dont le comportement solidaire n’a rien à envier à d’autres espèces…

Buffle d'Afrique - Ouganda
Buffle d’Afrique (Parc national Murchison Falls, Ouganda)Auteur : ©Bernard Dupont. CC Bye-SA 2.0

L’origine du nom “buffle” remonte à l’Antiquité. Il a occasionné, dans ses différentes traductions et au fil des événements de l’histoire, des confusions de désignations notamment au travers du mot “Buffalo” qui est la traduction anglaise à la fois du Buffle et du Bison. Mais, le Buffle n’est pas Bison et inversement… Le terme “Buffle” vient du grec “Bubalos”. Il est composé de “bous” qui signifie “vache”, “boeuf”, ou “taureau” et de “balos” qui pourrait dériver du verbe grec “ballein” qui signifie “lancer” ou “projeter”. Une hypothèse est avancée sur le lien avec la caractéristique du comportement de l’animal qui affronte son prédateur. “Bubalos” chez les Grecs, comme “bubalus” chez les Romains, désigne l’Antilope, mais aussi par la suite le Buffle. La désignation antique de l’Antilope s’est maintenue puisqu’il existe le Bubale (Alcelaphus buselaphus), une grande antilope haute sur pattes et présente sur tout le continent africain. 

Le Buffle d’Afrique, entre force et solidarité

Le Buffle d’Afrique (Syncerus caffer), quant à lui, est beaucoup plus massif que le Bubale. “Caffer” vient de Cafrérie, nom donné au territoire d’Afrique australe par les géographes des XVIIe et XVIIIe s , en Afrique du sud le terme Kaffer est péjoratif et colonial. “Syncerus” vient de “ceros” qui veut dire “corne” en grec et “syn” voulant dire “ensemble”. Le Buffle a bien deux cornes qui se rejoignent au milieu comme un bouclier d’os frontal très dur. En plus de son poids et de sa taille, ces cornes en font un animal redoutable. Son prédateur principal, le Lion s’attaque surtout aux jeunes et aux plus faibles ou âgés. 

Buffle d’Afrique dans la savane – Auteur : ©greatplace360, Pixabay.

Selon les 5 sous-espèces, le pelage varie du rouge chaud au noir. Le Buffle de forêt (Syncerus caffer nanus) fait moins de 120 cm au garrot et pèse moins de 120 kg. C’est l’un des plus petits au regard du grand Buffle de savane qui va jusqu’à 1,70 m au garrot et dont le poids peut atteindre les 850 kg. Dans les sous-espèces intermédiaires, il existe le Buffle de l’Ouest (Syncerus caffer brachyceros), le Buffle soudanais (Syncerus caffer aequinoctialis) et le Buffle du Cap (Syncerus caffer caffer). Les Buffles de forêt évoluent par petits groupes de 12 individus maximum tandis que leurs congénères de savane se rassemblent en gigantesques troupeaux avec des sous-clans familiaux. 

Au sein de ces clans, la hiérarchie établie par les adultes des deux sexes est très importante. Les combats entre mâles s’avèrent parfois violents, comme lors de la période des œstrus des femelles qui attire ainsi leurs partenaires. 

Buffles d'Afrique se désaltérant
Troupeau de buffles d’Afrique se désaltérant – Auteur : ©Léon Basson, Pixabay.

Pendant la saison des pluies et si les pâturages sont abondants, les troupeaux peuvent atteindre les 2000 individus. En cas de blessure d’un congénère qui lancera un cri de détresse, le troupeau lui vient en aide en formant un cercle rapproché, cornes tournées vers l’extérieur. L’animal blessé est ainsi protégé à l’intérieur. Au centre, on trouve également les petits, appelés bufflons. Mais il existe aussi une technique d’attaque en groupe, pour revenir secourir un congénère blessé et isolé. C’est une charge qui peut être d’ailleurs mortelle pour les Lions. Ces derniers peuvent être mis en déroute. Cela donne une chance de survie au Buffle blessé qui peut ainsi récupérer, les adultes les plus forts restant en position face au retour éventuel des prédateurs. Le Buffle a une vision moins développée que l’ouïe, il reste en contact permanent avec ses congénères par de petits meuglements. 

gravure de Buffle - 8000 ans , Lybie
Gravure de Buffle – Massif du Messak Mettafet, site du wadi Mathendous – LybieAuteur : ©Trust for African Rock Art

Le Buffle d’Afrique s’est adapté à plusieurs milieux, de la savane sèche à arborée, en passant par les clairières herbeuses, les bords de rivières et zones humides et les forêts. Cette adaptation est le résultat d’une longue évolution. Son ancêtre est commun avec celui du Buffle d’Asie et du Bison. Sa trace remonte à la période du Miocène, il y a 20 à 25 millions d’années. Puis les lignées africaines et asiatiques se sont séparées à la période du Miocène supérieur.
Le Syncerus antiquus est l’ancêtre qui se rapproche le plus du Buffle africain, la différence majeure étant la taille de ses cornes. Des peintures rupestres datant de 8000 ans ont été retrouvées en Libye à Wadi Mathendous. Il vivait dans des environnements boisés et de savane. 

Le Buffle d’Asie, sauvage…. 

On retrouve en Europe la trace de l’ancêtre spécifique au Buffle d’Asie, le Bubalus murrensis, présent au périodes interglaciaires du Pléistocène. En 2016, des fossiles ont été découverts dans le massif des Carpates, mais également dans le Médoc, à la pointe de la Négade, un cap situé à 5 km de Soulac-sur-Mer. Ces découvertes ont amené les scientifiques à affirmer la présence de l’ancêtre du Buffle d’eau (Bubalus arnee) en Europe : de la Roumanie actuelle à la côte atlantique. D’autres fossiles de ce mammifère à cornes existent au centre de l’île de Java, le Bubalus palaeokerabau. Ils ont été mis à jour dans les années 60 sur le Dôme de Sangiran. 

deux buffles d'Asie se frottant la tête l'un contre l'autre.
Deux Buffles sauvages d’Asie. Auteur : ©Skander Zarad, Buffles d’eau, Tunisie. CC By-SA 4.0.

Aujourd’hui, le Buffle d’Asie (Bubalus bubalis), se distingue de son homologue africain, par sa physionomie. Sa peau est gris foncé et ses cornes sont aplaties, comme couchées sur la tête, partant vers l’arrière. Elles peuvent faire jusqu’à 2 m de long. Il existe 5 sous-espèces de Buffles d’Asie. Les deux plus connues sont le Buffle de rivière (Bubalus bubalis bubalis) et le Buffle des marais (Bubalus bubalis kerabau). L’espèce sauvage de Buffles d’Asie (Bubalus arnee) moins connue, évolue en troupeaux d’une trentaine d’individus en moyenne. Ce sont les seconds plus grands bovidés après le Gaur. Mais leur nombre est en déclin, lié à plusieurs facteurs : la forte hybridation avec les Buffles domestiques, le braconnage, les parasites, la dégradation des zones humides, la conversion à l’agriculture de zones inondables prisées par les Buffles. Aujourd’hui, protégé au Bhoutan, en Thaïlande, en Inde et au Népal, il demeure une espèce menacée selon l’UICN. 

Son pendant domestique, Bubalus arnee, est un “compagnon de travail” auprès des humains.

Sauvage, mais pas seulement…

enfant conduisant un buffle
Buffle d’Asie domestique – Auteur : ©Cuong Art, Pixabay.

Les traces de sa domestication remontent à 5000 ans sur les rives de l’Indus, et en Mésopotamie au travers de la civilisation harappéenne. Le Buffle était destiné aux travaux agricoles au même titre que le bœuf comme animal de bât et de labour. Aujourd’hui, on le trouve dans une grande partie de l’Asie du sud-est notamment dans la culture des rizières. Il est aujourd’hui victime de la mécanisation, mais aussi consommé pour sa viande moins chère que celle du bœuf. La Bufflonne, quant à elle, doit sa célébrité à son lait. Dans la région de Campanie, en Italie, on élève ainsi des Buffles pour le fameux fromage, la mozzarella. 

Il existe plusieurs races de Buffles domestiques, que l’on retrouve disséminées dans différents coins du globe : en Tunisie, au Brésil, dans l’archipel des Orcades, dans le Marais poitevin français…

Quand l’histoire brouille les pistes…

Les différentes traductions de Buffle ont occasionné des dénominations erronées pour cet animal. En effet, le mot Buffle se traduit de manière identique par “buffalo” en anglais, également búfalo en espagnol, bufalo en italien. Seul l’Allemand dira “der Bufel”. Buffalo vient du vieux français Buffel et donc du latin bubalus. De plus, les colons européens et espagnols, en découvrant le nouveau monde, ont utilisé le terme “buffalo” pour désigner les Bisons qu’ils découvraient. Or, ce sont deux espèces différentes. Mais le terme est resté, allant même jusqu’à surnommé William Cody, Buffalo Bill, le fameux chasseur de Bisons. Ainsi, le terme anglo-saxon Buffalo a fini par désigner tant le Bison que le Buffle.

Buffles en terre cuite 3000 ans  avant J-C
Buffles en terre cuite, IIIème millénaire av. J.-C., Civilisation pré-harapéenne – Baloutchistan (British Museum). Auteur : Zunkir, CC BY-SA 4.0

Représenté depuis la préhistoire – on parle de “période bubaline” désignant l’art rupestre saharien du néolithique – le Buffle est à la fois redouté et apprécié pour sa force lorsqu’il est au service de l’être humain. Il va jusqu’à permettre à certaines populations de s’intégrer dans un nouveau pays, de s’adapter à un nouvel environnement lorsqu’elles doivent migrer en raison de conflits armés comme le peuple Lua au Laos dans les années 1970. Avec des populations sauvages en déclin, des espèces domestiques remplacées par la mécanisation, le Buffle bénéficie de programmes de protection dans certaines réserves d’Asie. 

Photo principale : Auteur : Basile Morin, Buffle sauvage se rafraichissant – Laos.

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Et les autres podcasts sur le Buffle et les animaux d’Afrique :

Sources : 

Bibliographie :

  • Mammifères d’Afrique – Guide Delachaux ; Jonathan Kingdom – 2ème édition 2017

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