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Dessin de garde de Anne-France Bâche

“Cafard des mers” ou mets luxueux que l’on peut retrouver sur nos tables ? Aux XVIIe siècle, aux États-Unis, plus particulièrement dans l’État du Massachusetts, la réputation du Homard n’était pas celle d’aujourd’hui. Trop abondant, on le retrouvait surtout sur les tables de familles vivant dans la pauvreté. Plutôt bleu ou plutôt rouge, européen ou américain, voici le destin croisé de deux Crustacés.

casier homard
Casier à Homard

Certains domestiques demandaient à modifier leur contrat pour n’avoir du Homard que 3 fois par semaine, plutôt que tous les jours, voire à tous les repas. Peu apprécié, ce “cafard des mers” a donné une insulte “Lobsterback” durant la période révolutionnaire, visant les Britanniques en tenue rouge, rappelant la carapace du homard une fois cuite. C’est avec l’arrivée des voies de chemin de fer qui traversaient tout le pays, que les cuisiniers ont eu l’idée de le servir aux passagers en leur faisant croire que c’était un mets exotique. Ces derniers trouvant la chair fine et délicieuse, en faisaient la demande une fois arrivés à Boston. Le Homard fait alors son apparition sur les grandes tables des États-Unis. En Europe, la réputation de produit de luxe du Homard se fait connaître dès le Moyen-Âge. Il est toujours considéré comme un produit prestigieux aujourd’hui.

Dans nos océans, il existe seulement deux espèces de Homards. La première est le Homard européen, Homarus gammarus, ou communément appelé en France le Homard bleu ou Homard breton. Il est réparti entre  la Manche, l’Atlantique et la Méditerranée occidentale et centrale. Il est reconnaissable grâce à sa fameuse carapace bleue. La deuxième espèce est le Homard américain, Homarus americanus. Il est présent sur les côtes d’Amérique du Nord depuis la Virginie jusqu’au Labrador. Sa carapace peut varier du bleu-vert au rouge-brun.

Abri de marin

homard dans son abri
Homard à l’entré de son abri, photo de Erwin Cox

Le Homard est un animal nocturne, il part en chasse durant la nuit et se cache en journée. Juste après avoir attrapé sa proie, il la rapporte dans son refuge afin de la dévorer toute crue à l’abri des prédateurs. Il existe deux orifices à cet abri. Une entrée principale où il se tient les pinces en avant, et un petit trou de sortie en cas de fuite. Sa grotte sous-marine n’est pas définitive. C’est pour cela que les pêcheurs ont leur “trou à Homard”, c’est une crevasse qui est favorable pour un abri. Une fois un premier Homard pêché, un prochain prendra sa place. Le Homard européen préfère les sols rocheux, où il trouvera refuge entre les pierres, contrairement au Homard américain qui a une préférence pour les sols sablo-vaseux. Mais nous pouvons également le retrouver dans les failles rocheuses, tout comme le Homard bleu.

Les Congres, ces poissons anguilliformes, peuvent faire “chambre commune” avec les Homards. Malheureusement nous ne connaissons pas encore la raison de cette cohabitation.

De la larve au Homard

L’été est présent, les Homards sont en pleine parade nuptiale et sont prêts à passer aux préliminaires lorsque la femelle mue. Cette étape est importante, car il faut que la carapace de la femelle soit molle (la nouvelle en formation) pour que le mâle puisse introduire son appendice abdominal. Celui-ci, transformé en organe copulateur, déposera sa semence dans le réceptacle de la femelle qui servira, par la suite, de spermathèque. En effet, cette poche permet à la femelle de féconder ses œufs en temps différé. Des observations ont montré des femelles donnant naissance à trois générations différentes avec le même sperme. Après l’accouplement, le mâle reste sur le dos de la femelle afin de la protéger quelques jours le temps que sa carapace s’endurcisse.

larve de homard
photo de larve de Homard de © Hans Hillewaert, CC BY-SA 4.0

Plus la femelle est grande, plus elle féconde d’ovules, allant de 5 000 à 50 000 œufs. Ces derniers sont portés sur ses appendices abdominaux, appelés pléopodes, pendant les 7 à 10 mois durant lesquels la femelle ne mue pas. Malgré le nombre d’œufs pondus, l’estimation de survie d’une ponte est de 2 ou 3 individus seulement. Cela est dû aux parasites, aux maladies, aux différents prédateurs et à la manipulation de l’être humain lors des captures.

Une fois l’œuf éclos, il est considéré comme larve de Homard dans un stade planctonique. Durant ce stade, la larve mue 4 fois, entre avril et août, avant de devenir un petit adulte de quelques centimètres seulement. Plus l’eau est chaude, plus le processus d’évolution est rapide. En général, la première année, le Homard mue une dizaine de fois; puis 3 à 4 fois la seconde année. Le nombre de mues annuelles diminue au fur et à mesure que le Homard vieillit. 

Une carapace hors du commun

homard cuit
Homard cardinalisé, photo de Luow

Étant un animal qui abandonne son exosquelette, il ne peut être étudié pour connaître son âge. Seule la taille de son corps peut nous donner une idée approximative. La température de l’eau qui joue sur la croissance du Homard a donc aussi un impact sur sa mue. Plus l’eau est froide et plus l’évolution du Homard est ralentie. Deux Homards de deux régions différentes peuvent donc avoir la même taille sans avoir le même âge.

Phénomène bien connu des cuisiniers, la cardinalisation de la carapace du homard ayant subi une cuisson n’en reste pas moins surprenante ! Tout comme les écrevisses, le Homard européen prend une couleur rouge vif très différente de sa couleur originelle bleue. La coloration de son vivant est due à la liaison croisée du pigment astaxanthine avec la crustacyanine. Lors de la cuisson, les protéines crustacyanines se déroulent et libèrent les molécules d’astaxanthine qui retrouvent leurs propriétés.

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Pour écouter les épisodes PPDP sur le Homard :

  • S03E26 : le Homard 1/3 : le roi des crustacés peut mesurer 1,20m et peser 20kg
  • S03E27 : le Homard 2/3 : l’émouvant strip-tease de madame
  • S03E28 : le Homard 3/3 : le rarissime mutant bleu

Bibliographie :

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