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Tique et Taon, même combat. Ces deux créatures viennent nous assaillir parfois les journées d’été. Ils n’appartiennent pas à la même famille et sont très différents. L’un a des ailes, l’autre non, l’un est un insecte, l’autre non et vit en partie au sol puis sur la peau. Ils ont pourtant des particularités en commun, notamment celle de s’attaquer aux animaux et aux êtres humains et de transporter des éléments pathogènes. Mais piquent-ils ou bien mordent-ils ? Enquête.

Détail de la tête d'un Taon
Tête de Taon © Kamelev – Pixabay

Les Taons (famille des Tabanidés) appartiennent à l’ordre des Diptères (une paire d’ailes) comme les mouches ou les moustiques. La Tique (de l’ordre des Ixodida, du grec ixôdês qui veut dire gluant) est en revanche un acarien de la classe des Arachnides. C’est un ectoparasite c’est-à-dire qu’elle agit en tant que parasite externe sur tous les vertébrés même à écailles. On dénombre 896 espèces de Tiques et plus de 3 500 pour le Taon. Question silhouette, ce dernier pourrait de loin se confondre avec celle de la Mouche à la différence qu’il possède un corps plus important et plus aplati qu’elle avec des ailes très développées. Les Taons mesure entre 10 et 30 mm, alors que la Tique, qui ne possède pas d’ailes, mesure dans nos contrées, entre 3 et 6 mm. Notons quand même que certaines espèces de Tiques, dans les régions tropicales, peuvent atteindre la même taille que le Taon… 

Des déménagements réguliers : de l’eau ou du sol à la peau

Les œufs du Taon sont pondus dans des zones aquatiques ou semi-aquatiques selon les espèces (eaux stagnantes ou courantes, tourbières, marécages…). Le stade larvaire suit 7 à 9 phases et un stade nymphal avant celui vers l’adulte. Elles sont carnivores ou détritivores. De même, des centaines voire des centaines de milliers d’œufs selon les espèces de Tiques, sont également pondus dans des zones humides comme des litières de feuilles mortes.

Accouplement de tiques
Vue a la loupe binocuolaire d’un accouplement de tiques du mouton (Ixodes ricinus) ©INRAE
tique femelle sa nymphe et sa larve
Les 3 stases de développement de la Tique, de gauche à droite, femelle, nymphe et larve ©Nathalie Boulanger.

La larve de Tique tout juste sortie de l’œuf n’a que 3 paires de pattes, une surprise pour une arachnide ! Elle trouve déjà un hôte pour son premier repas, souvent un petit animal (souris, hérisson par exemple) puis mue au sol et recherche un autre hôte à parasiter, après son changement en nymphe. Le stade adulte intervient après une nouvelle chute au sol. Un nouvel hôte à infester est alors au menu. Cependant, selon les espèces, le changement d’hôte n’a pas lieu à chaque stade, tout se passe sur le même animal. C’est le cas de l’espèce Rhipicephalus sanguineus.

Tactiques de Tique et de Taon : entre guerre de position terrestre et offensive aérienne 

Tique en attente sur une tige
Ixodida, appelées couramment Tique, en attente d’un hôte ©INRAE

Si le Taon est plutôt exophile, c’est-à-dire préférant les espaces ouverts et extérieurs, la Tique peut être aussi endophile en fonction des espèces. Mais sous nos latitudes, elle trouvera sa pitance dans des espaces clos, humains ou animaliers (étables, maisons, nids…).
En mode kamikaze avec sa paire d’ailes puissantes, – il peut voler à la vitesse de 30 à 50 km/h – le Taon recherche activement un hôte. Pas de surprise, car il attaque de jour pour se nourrir.

La Tique, elle, se fait plus discrète. Sans ailes, elle attend sur la végétation qu’un hôte passe à proximité pour s’y agripper. Mais ces activités parasites sont-elles communes aux deux sexes ? Oui, avant le stade adulte, mâles et femelles Tiques se nourrissent de sang. Ensuite, ce sont les femelles seules qui agissent ainsi, pour des stratégies reproductives et de survie. 

Tique et Taon, des femelles “vampires”

Taon du genre Haematopota
Taon du genre Haematopota. Auteur : ©Sylvain Grimaud.

Les femelles Tiques ou Taon sont en effet hématophages, ce qui signifie qu’elles se nourrissent du sang de leurs hôtes pour pouvoir pondre et favoriser le développement de leurs œufs. Le sang contient les protéines et le fer nécessaires à leur progéniture. Les mâles n’ont donc pas d’intérêt à être vampire ! Les Tiques mâles peuvent cependant se nourrir aussi de sang, mais c’est en très petite quantité. C’est d’ailleurs à la taille que l’on repère le mâle de la femelle Tique. Cette dernière, gonflée à bloc de sang prélevé, est beaucoup plus volumineuse que son partenaire voué à la reproduction. Le mâle Taon, ne dispose, quant à lui, pas du tout, de l’anatomie buccale nécessaire pour percer la peau et se nourrir du précieux liquide. En effet, seules les femelles possèdent tous les attributs et armes nécessaires.

Tique et Taon, piqûre ou morsure ?

Schéma vue ventrale de la Tique
Face ventrale d’une Tique Ixodidae. A : anus, S : stigmate, C : coxa, PP : pédipalpes, H : hypostome ©Melhlhorn 2001

On parle souvent de piqûre de Taon ou de Tique. C’est en réalité un abus de langage. La piqûre évoque la douleur mais non le mécanisme physiologique dans le cas du Taon et de la Tique. Pour nos deux hématophages, il s’agit de morsures, car ils n’ont pas de stylet comme le Moustique. Petit zoom sur ces vampires…
La Tique ne dispose ni de véritable tête ni d’yeux mais d’un capitulum, sorte de fausse tête prolongée d’un rostre. Les trois pièces buccales qui le composent sont : l’hypostome, pièce centrale munie de rangées de petites dents orientées vers l’arrière pour se stabiliser et de s’accrocher solidement sur l’épiderme de l’hôte, une paire de chélicères rétractables et coupantes servant à inciser la peau et des pédipalpes qui sont des appendices sensoriels latéraux riches en poils tactiles mais non perforants.

Pièces buccales d'un Taon
Observation des pièces buccales du Taon, au microscope photonique : palpes maxillaires (plus externes), les lèvres (au centre, plus développées) et les stylets buccaux (au centre, fins). Auteur : ©Fanny Castets – CC BY-SA 2.5

Le Taon possède des armes tout aussi efficaces : un rostre, long organe buccal pointu adapté au percement de la peau appelé proboscis, une paire de mandibules, lames tranchantes ainsi qu’une paire de maxilles dentelées qui agrandissent la plaie. Au bout du proboscis, un labium spongieux, sorte de lèvres en éventail, sert à éponger et aspirer le sang qui s’écoule de la plaie.

Schéma transversal de la piqûre de laTique
Schéma transversal d’une morsure, et non une piqûre, de Tique – Source : Encyclopedia Universalis – CC BY

La mécanique est bien “huilée” pour nos vampires femelles. Chez la Tique, loin de la piqûre nette, les chélicères tranchent la peau et permettent à l’hypostome de rentrer, puis grâce aux mouvements alternés des chélicères, l’hypostome s’enfonce progressivement et s’ancre. Mais ce n’est pas tout. Pour passer inaperçue, elle sécrète des enzymes salivaires appelées protéases qui ont une fonction anesthésiante. Pas folle la Tique ! Pour parfaire son accostage sur la peau, elle produit une substance collante qui la cimente solidement au derme. Elle peut ensuite entamer son repas à savoir aspirer le sang, tout en agrandissant la poche créée sous peau, lui permettant d’atteindre de nouveaux micro-capillaires sanguins. Il n’y a pas de canal séparé, la salivation et l’aspiration se réalisant au même endroit entre hypostome et chélicères.

La femelle Taon a aussi sa stratégie d’atterrissage discrète. Elle est dotée d’amortisseurs sous ses pattes qui la rendent indétectable avant la morsure. Ensuite, elle agit tel un boucher, tranche un bout de chair à l’aide de ses mandibules, puis aspire et léche le sang. Cette action est rapide alors que chez la Tique, elle peut durer plusieurs heures. 

Des morsures pathogènes

Cycle de vie de la Tique
Cycle de vie de la Tique. Auteur : Encyclopedia Universalis – CC BY

Les morsures, et non la piqûre, de la Tique et du Taon sont loin d’être anodines, car elles entraînent des conséquences sur le long terme. Au-delà de la violente douleur suite à la morsure du Taon, elles peuvent avoir des effets indésirables sur les animaux domestiques ou d’élevage. Sources de stress chez les bovins, les cervidés et les chevaux, les piqûres de Taon peuvent entraîner une baisse de la production laitière ou des retards de croissance. Chez l’être humain sujet à des allergies, ses morsures peuvent provoquer de l’urticaire, voire des troubles cardiaques. Mais c’est la morsure de Tique la plus dangereuse. Son venin est porteur de neurotoxines, ainsi que de molécules empêchant la réponse immunitaire de l’hôte, ce qui peut faciliter la transmission de nombreuses maladies. Les plus connues sont la maladie de Lyme qui touche tant l’Homme que les animaux, pouvant entraîner des troubles articulaires, neurologiques et cardiaques. Les autres joyeusetés sont des encéphalites à Tiques (en Asie centrale notamment), la fièvre récurrente à Tiques…

Taon en train de butiner
Taon posé sur une fleur © Daniel Alon – Pixabay

Aujourd’hui, la recrudescence des Tiques s’explique par plusieurs facteurs environnementaux et anthropiques. Le réchauffement climatique favorise leur survie hivernale, l’arrivée sur le territoire d’espèces jusque là réservées à la zone méditerranéenne comme la Tique géante (Hyalomma marginatum) tandis que l’usage massif d’insecticides et de fongicides appauvrit la biodiversité et élimine leurs prédateurs naturels comme certains oiseaux, reptiles ou amphibiens. Dans le même temps, l’augmentation des populations des hôtes comme les rongeurs, sangliers ou cervidés, combinée à la disparition des grands prédateurs, crée un terrain idéal à leur prolifération. Une autre piqûre de rappel pour limiter l’impact de la Tique : le Renard roux joue par exemple un rôle clé. Il consomme 4 000 à 6 000 rongeurs par an et freine la propagation de la maladie de Lyme en réduisant les populations hôtes des Tiques. Malgré cette fonction sanitaire essentielle, il continue d’être intensivement chassé, avec 600 000 à 1 million de renards abattus chaque année en France.

Le Taon, au-delà de ses “attaques” rapides et morsures douloureuses, est utile dans la chaîne alimentaire car il sert de nourriture à de nombreux oiseaux, amphibiens, chauve-souris et libellules. Les mâles participent à la pollinisation des fleurs et les larves aquatiques carnivores font office de régulateurs de certains invertébrés aquatiques.

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Photo d’ouverture : ©Erik Karits – Pixabay.

Pour en savoir plus sur la Tique :

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